Les Neurotoxiques
Accueil Remonter Les irritants Les suffocants Toxiques generaux Les vesicants Etudes Les Neurotoxiques

 

 

Les Neurotoxiques Organophosphorés
 

On désigne sous le terme générique de neurotoxique les composés appartenant à la famille des agents organophosphorés. Ils sont dérivés des insecticides organophosphorés. Ils agissent à très faible dose en inhibant l’acétylcholinésterase tissulaire, une enzyme qui intervient dans les mécanismes de la transmission nerveuse au niveau des synapses nerveuses et neuromusculaires. Cela se traduit par une accumulation d’acétylcholine qui perturbe et interrompt la transmission de l’influx nerveux.

Ces agents sont tous très lipophiles et sont très rapidement absorbés par la peau, le tissu conjonctif oculaire et les muqueuses (principalement celles des voies respiratoires dans le cadre de la respiration). L’intoxication se fait donc par voie percutanée, oculaire, pulmonaire et orale.

Leur toxicité est bien plus importante que tous les autres toxiques. La dose létale du VX n'est que de 10 mg/min/m³. Par comparaison, la dose létale du chlore est de 19 000 mg/min/m³ et celle de l’Yperite de 1 500 mg/min/m³. Ils sont considérés comme des armes de destruction massive.

 

 

HISTOIRE

 

Ils ont tous été découverts après le premier conflit mondial.

Les premiers travaux recensés, en relation aux substances modifiant la transmission de l’influx nerveux en vue d’un usage militaire, datent probablement du début des années 1930. Contrairement à une idée universellement répandue, ces travaux sont d’origine française. Ils furent découverts par le capitaine Baranger sous la direction du professeur Fourneau, au laboratoire de synthèse du Bouchet. La substance, nommée B31, était un éther carbamique de la choline. Un centaine de kg furent synthétisés et des essais de chargement et de tirs eurent lieu après 1935. Nous ignorons tout de leur développement ultérieur (voir : Les Services chimiques dans l’entre-deux guerres).

 

Deux familles d’agents neurotoxiques sont distinguées.

La première est issue des travaux de l’Allemagne nazie, il s’agit des neurotoxiques G, qui sont des alkylesters d’acide methylphosphonofluoridique et d’acides dialkylphosphoramido-cyanidiques. La deuxième, les neurotoxiques V, ou esters de Tammelin, alkylesters d’acides S-dialkylaminoéthylméthylphosphonothioliques, découverts en Grande-Bretagne dans les années 1950.

En Allemagne, la toxicité des produits élaborés dans les laboratoires de synthèse du Reich était systématiquement évaluée et devait être signalée au Ministère de la Guerre. Cette mesure conduit à la préparation de nombreux agressifs inédits, qui furent nommés trilons, comme d'autres substances inoffensives à l'étude, pour les dissimuler.

 

 

Le Tabun

C’est précisément à cette époque que Gerhard Schrader, un chimiste de la firme Bayer de l’IG Farben, synthétisa un composé aux propriétés nouvelles, le tabun. En reprenant les travaux de Michaelis sur les composés du phosphore et de l'azote, publiés en 1902 dans les annales de Liebig et en cherchant à préparer des insecticides, il était parvenu dès 1935 à synthétiser les premiers insecticides organophosphorés : malathion, paraoxon, parathion. Dans le cadre de recherches sur les insecticides mais certainement également de substances toxiques militarisables, il mit en lumière le premier représentant de cette nouvelle famille d’agents chimiques en décembre 1936.

Le tabun est un liquide incolore à odeur cyanhydrique peu accentuée, un peu plus dense que l'eau. Il bout vers 230° en se décomposant ; on ne peut le distiller que sous une pression réduite. Sa volatilité est de 600mg/m3, environ moitié de celle de l'Ypérite. Il est facilement décomposé par la chaleur et peu résistant à l'explosion. Légèrement soluble dans l'eau, il peut cependant subsister un certains temps en solution acqeuse, mais il est rapidement détruit par les solutions alcalines.Il est facilement décomposé par la chaleur et donc peu résistant à l'explosion.

Les militaires allemands entreprirent de militariser cette substance, qui fut synthétisée en quantité minime en vue de mener des essais, dans un site pilote dès 1939. La préparation du Tabun s'effectue assez facilement à partir de la diméthylamine et l'oxychlorure de phosphore pour donner la diméthylamino-oxychloro-phosphine. Cette dernière est traitée par le cyanure de sodium et l'alcool en présence de chlorobenzène pour donner une solution brune de Tabun et de chlorobenzène.

La synthèse en grand de ce composé ce révéla extrêmement compliquée en raison de sa grande toxicité. Une usine de production, construite en 1940, entra en service en avril 1942 sur le site de Dyhernfurth ; elle devait produire du Tabun et su Sarin.La production du Tabun débuta en mai 1943 ; les données sur sa production sont relativement parcellaires et imprécises. Les services chimiques français l'évaluaient entre 7000 et 12 000 tonnes ; 30 000 tonnes selon d'autres sources(avec un stock résiduel de 12 000 tonnes en 1945). 

Le Tabun fut chargé dans des bombes d'aviation de 250kg, parfois en mélange avec l'Ypérite.

 

Sa toxicité létale par voie respiratoire est de l’ordre de 400 à 500mg/min/m3, soit près de 10 fois plus toxique que le phosgène.

Le Sarin

Sous l’impulsion du ministère de la Guerre, les recherches sur les neurotoxiques furent poussées et en 1939, un nouveau toxique encore plus puissant que le premier, le Sarin, fut découvert dans les laboratoires de l’IGFarben, par le docteur Schrader. Sa toxicité létale par voie respiratoire est de l’ordre de 70mg/min/m3, soit 6 fois plus toxique que le Tabun et près de 50 fois plus toxique que le phosgène. Il fut nommé Sarin en l'honneur des personnes à l'origine de sa mise au point : Schrader, Ambros, Rubriger et van der Linde. Sa synthèse est bien plus compliquée que celle du Tabun. Le sarin est plus stable que le Tabun et bout à une température plus basse : 44°C.

Une usine de synthèse fut montée sur le site de Dyhernfurth en 1945, qui avait une capacité de production de 7 000 tonnes par an. Mais de grandes difficultés dans sa synthèse industrielle limitèrent sa production à une quarantaine de tonnes.

Le Soman

Le dernier de la série des neurotoxiques découverts par les chimistes de l’Allemagne nazi est le Soman. Il fut synthétisé par Richard Kuhn en 1944. La fabrication est obtenue de la même façon que le Sarin en remplaçant l'alcool isopropylique par l'alcool pinacolique.

Ses propriétés létales sont mal définies mais on le considère comme deux fois plus toxique que le Sarin.

Le Vx

Il fut découvert en 1953 dans le centre de recherche britannique de Porton Down. Il est extrêmement puissant, sa dose létale étant de l’ordre du mg. Sa toxicité létale par voie respiratoire est de 35mg/min/m3.

 

Au cours de son avance en Allemagne en 1945, l’armée Rouge s’empara du potentiel industriel et chimique allemand et de l’avancée des recherches sur les neurotoxiques.

 

 

EFFETS DES SUBSTANCES NEUROTOXIQUES

 

On partage habituellement les symptômes en :

 

Syndrome muscarinique, par accroissement du tonus des muscles lisses, traités par l’atropine :

Nausées

Augmentation parasympatique des sécrétions des glandes exocrine : sudorales, salivaires, lacrymales, nasales et bronchiques (jusqu’à un œdème pulmonaire).

Bronchospasme, oppression thoracique.

Ralentissement du rythme cardiaque, bradycardie.

Spasmes abdominaux, diarrhée, incontinence urinaire et fécale.

Vomissements.

Perturbation de la vue : douleurs oculaires et chute de l’acuité visuelle, myosis intense.

 

Syndromes nicotiniques, non traitables par l’atropine :

Malaise, faiblesse musculaire. Hypertension artériel et tachycardie.

Contractions et spasmes musculaires, convulsions, paralysie des muscles striés avec arrêt respiratoire.

 

Au niveau du système nerveux central : irritabilité, difficulté de concentration, troubles mnésiques, convulsions et destruction.

 

La nature du toxique intervient dans la répartition des symptômes. Pour le Sarin, même pour une intoxication très légère, bronchoconstriction et bronchorrhée apparaissent systématiquement.

La contamination par voie pulmonaire fait apparaître très rapidement les symptômes respiratoires et oculaires alors que spasmes et excès de sudation dominent initialement par voie cutanée, après 15 minutes. Enfin, il faut entre 15 et 120 minutes pour observer une intoxication par voie orale.

 

Intoxication légère

Tableau clinique avec : myosis, céphalées, dyspnées, nausées, douleurs oculaires, visions brouillées, faibles, vomissements, polypnée, convulsions.

Le sujet est irritable, inquiet, tendu. On observe parfois un état de torpeur avec troubles de l’élocution ; le sujet décrit une fatigue, un malaise général avec des céphalées intenses.

La tension artériel augmente avec une diminution du rythme cardiaque.

En cas de contamination par voie inhalée, rhinorrhée et bronchorée sont immédiatement observés ; avec latence pour les voies orales et percutanées.

Nausées et hypersalivation apparaissent également sans latence pour la voie inhalée et orale. Le sujet sue abondamment.

Le myosis (rétrécissement de la pupille jusqu’à la taille d’une tête d’épingle) s’observe dans les dix minutes avec retour à la normale en quelques heures ; il s’accompagne de douleurs oculaires vives et d’une chute de l’acuité visuelle.

De façon inconstante, on observe des contractions musculaires spasmodiques.

 

Intoxication moyenne

En plus des symptômes de l’intoxication légère, on observe des troubles respiratoires avec toux, des douleurs digestives et urinaires avec crampes, vomissements, diarrhées, défécation involontaire, incontinence urinaire.

Le tableau de l’intoxication moyenne s’installe entre 30 minutes et jusqu’à 6 heures après l’exposition.

 

Intoxication grave

S’ajoute aux troubles précédemment exposés, une détresse respiratoire avec parfois œdème respiratoire et une chute de la tension artériel.

L’arrêt de la fonction respiratoire ou de la circulation sanguine peuvent conduire à la mort. La plupart des décès surviennent dans les 24 heures.

 

TRAITEMENT

 

Il repose sur la décontamination  et sur l’administration d’antidote, comme l’atropine.

 

PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DES AGENTS NEUROTOXIQUES

 

Intoxication au Tabun, diméthyl-phosphoramido-cyanidate d'éthyl.

Volatilité : 0,6g/m3. DL50 : 1000mg. Persistant (plus de 3 jours). Il est liquide, inodore, incolore et volatile à température ambiante.

La mise hors de combat est rapide pour des doses percutanées (1 minute), plus lente par inhalation (10 minutes).

Dès 3,2mg/m3, on observe une irritation oculaire. La concentration mortelle est de l’ordre de 400 à 500 mg/min/m3. Ainsi, 1mg/litre est mortel en moins de 5 minutes.

Les symptômes sont légers et apparaissent pour des concentrations de 30 à 40 mg/m3.

Ils deviennent graves pour 40 à 80 mg/m3, avec une diminution de l’acuité visuelle, sensation d’oppression, détresse respiratoire, contractions musculaires et hypersalivation.

De faibles doses peuvent produirent leurs effets après 24 heures, ou après plusieurs jours d’exposition cumulative à de très faibles doses. 

La dose mortelle percutanée est de l’ordre de 50 à 70 mg de tabun par kg.

Cependant, 1,5 g semble provoquer la mort de plus de 50% des sujets.

 

Intoxication au Sarin

 

Volatilité : 1,7mg/m3. DL50 : 1700mg. Il est non-persistant (moins de 2 heures sur le terrain). Il est liquide, inodore, incolore et volatile à température ambiante. L’intoxication laisse de graves séquelles neurologiques.

Il provoque les mêmes effets que le tabun, sans délai de latence. Myosis et céphalées sont moindres qu’avec le tabun.

L’intoxication par voie respiratoire est plus rapide qu’avec le tabun. 50 à 70mg/m3 sont mortels en deux à cinq minutes.

La concentration mortelle est de l’ordre de 100mg/min/m3. Mais les vapeurs de sarin ne sont pas absorbées par la peau, contrairement au tabun.

Environ 1g de sarin sur la peau est mortel dans 50% des cas.

 

Intoxication au Soman

Volatilité : 3g/m3. DL50 : 50mg. Persistant (plus de 3 jours). Il possède un délai de latence sans symptômes de 10 à 30 minutes. La concentration mortelle en vapeurs est de 20 à 25mg/m3 pour deux à cinq minutes d’exposition. La dose percutanée mortelle est de l’ordre du gramme (0,75 à 2,25 pour un sujet de 75kg).

 

Intoxication au Vx

Volatilité : 8 à 10mg/m3. DL50 : 10mg. Persistant (plus de une semaine).

Une exposition de une à trois minutes à 10mg/m3 est mortelle ; la dose létale en aérosol étant de 5 à 10 mg/min,m3. La dose létale par ingestion est estimée entre 3 et 33mg. La dose létale percutanée est de l’ordre de 2 à 10 mg.

Les premiers symptômes seraient des douleurs gastro-intestinales.                                                                                                                                                                                                                                           

 

 

 

 

 

 

 

Avis de Droit d'auteur : Toutes les photos et les matériels de site Web sont le Copyright 2003 exclusif de l’auteur  ou appartenant aux déposants respectifs avec leur autorisation et ne peuvent pas être reproduits, stockés dans un système de récupération, ou transmis entièrement ou partiellement, par n'importe quels moyens, électroniques ou mécaniques, la photocopie, l'enregistrement, ou autrement, sans la permission écrite antérieure de l'auteur.