Le Tabun
C’est précisément à cette époque
que Gerhard Schrader, un chimiste de la firme Bayer de l’IG Farben,
synthétisa un composé aux propriétés nouvelles, le tabun. En reprenant
les travaux de Michaelis sur les composés du phosphore et de l'azote,
publiés en 1902 dans les annales de Liebig et en cherchant à préparer
des insecticides, il
était parvenu dès 1935 à synthétiser les premiers insecticides organophosphorés
: malathion, paraoxon, parathion. Dans le
cadre de recherches sur les insecticides mais certainement également de
substances toxiques militarisables, il mit en lumière le premier représentant
de cette nouvelle famille d’agents chimiques en décembre 1936.
Le tabun est un liquide incolore à
odeur cyanhydrique peu accentuée, un peu plus dense que l'eau. Il bout
vers 230° en se décomposant ; on ne peut le distiller que sous une
pression réduite. Sa volatilité est de 600mg/m3, environ moitié de
celle de l'Ypérite. Il est facilement décomposé par la chaleur et peu
résistant à l'explosion. Légèrement soluble dans l'eau, il peut
cependant subsister un certains temps en solution acqeuse, mais il est
rapidement détruit par les solutions alcalines.Il est facilement
décomposé par la chaleur et donc peu résistant à l'explosion.
Les militaires
allemands entreprirent de militariser cette substance, qui fut synthétisée
en quantité minime en vue de mener des essais, dans un site pilote dès
1939. La préparation du Tabun s'effectue assez facilement à partir de la
diméthylamine et l'oxychlorure de phosphore pour donner la
diméthylamino-oxychloro-phosphine. Cette dernière est traitée par le
cyanure de sodium et l'alcool en présence de chlorobenzène pour donner
une solution brune de Tabun et de chlorobenzène.
La synthèse en grand de ce composé ce révéla extrêmement
compliquée en raison de sa grande toxicité. Une usine de
production, construite en 1940, entra en service en avril 1942 sur le site de Dyhernfurth
; elle devait produire du Tabun et su Sarin.La production du Tabun débuta
en mai 1943 ; les données sur sa production sont relativement parcellaires
et imprécises. Les services chimiques français l'évaluaient entre 7000
et 12 000 tonnes ; 30 000 tonnes selon d'autres sources(avec un stock
résiduel de 12 000 tonnes en 1945).
Le Tabun fut chargé dans des bombes
d'aviation de 250kg, parfois en mélange avec l'Ypérite.
Sa toxicité létale
par voie respiratoire est de l’ordre de 400 à 500mg/min/m3, soit près
de 10 fois plus toxique que le phosgène.
Le Sarin
Sous l’impulsion du ministère de la
Guerre, les recherches sur les neurotoxiques furent poussées et en 1939,
un nouveau toxique encore plus puissant que le premier, le Sarin, fut découvert
dans les laboratoires de l’IGFarben, par le docteur Schrader. Sa toxicité létale par voie
respiratoire est de l’ordre de 70mg/min/m3, soit 6 fois plus toxique que
le Tabun et près de 50 fois plus toxique que le phosgène. Il fut nommé
Sarin en l'honneur des personnes à l'origine de sa mise au point :
Schrader, Ambros, Rubriger et van der Linde. Sa synthèse est bien plus
compliquée que celle du Tabun. Le sarin est plus stable que le Tabun et
bout à une température plus basse : 44°C.
Une usine de synthèse fut
montée sur le site de Dyhernfurth en 1945, qui avait une capacité de
production de 7 000 tonnes par an. Mais de grandes difficultés dans sa
synthèse industrielle limitèrent sa production à une quarantaine de
tonnes.
Le Soman
Le dernier de la série des
neurotoxiques découverts par les chimistes de l’Allemagne nazi est le
Soman. Il fut synthétisé par Richard Kuhn en 1944. La fabrication est
obtenue de la même façon que le Sarin en remplaçant l'alcool
isopropylique par l'alcool pinacolique.
Ses propriétés létales
sont mal définies mais on le considère comme deux fois plus toxique que
le Sarin.
Le Vx
Il fut découvert en 1953 dans le
centre de recherche britannique de Porton Down. Il est extrêmement
puissant, sa dose létale étant de l’ordre du mg. Sa toxicité létale
par voie respiratoire est de 35mg/min/m3.
Au cours de son avance en Allemagne en
1945, l’armée Rouge s’empara du potentiel industriel et chimique
allemand et de l’avancée des recherches sur les neurotoxiques.
EFFETS DES SUBSTANCES NEUROTOXIQUES
On partage habituellement les symptômes
en :
Syndrome muscarinique, par
accroissement du tonus des muscles lisses, traités par l’atropine :
Nausées
Augmentation parasympatique des sécrétions
des glandes exocrine : sudorales, salivaires, lacrymales, nasales et
bronchiques (jusqu’à un œdème pulmonaire).
Bronchospasme, oppression thoracique.
Ralentissement du rythme cardiaque,
bradycardie.
Spasmes abdominaux, diarrhée,
incontinence urinaire et fécale.
Vomissements.
Perturbation de la vue : douleurs
oculaires et chute de l’acuité visuelle, myosis intense.
Syndromes nicotiniques, non
traitables par l’atropine :
Malaise, faiblesse musculaire.
Hypertension artériel et tachycardie.
Contractions et spasmes musculaires,
convulsions, paralysie des muscles striés avec arrêt respiratoire.
Au niveau du système nerveux
central : irritabilité, difficulté de concentration, troubles
mnésiques, convulsions et destruction.
La nature du toxique intervient dans
la répartition des symptômes. Pour le Sarin, même pour une intoxication
très légère, bronchoconstriction et bronchorrhée apparaissent systématiquement.
La contamination par voie pulmonaire fait apparaître très rapidement les
symptômes respiratoires et oculaires alors que spasmes et excès de
sudation dominent initialement par voie cutanée, après 15 minutes.
Enfin, il faut entre 15 et 120 minutes pour observer une intoxication par
voie orale.
Intoxication légère
Tableau clinique avec : myosis, céphalées,
dyspnées, nausées, douleurs oculaires, visions brouillées, faibles,
vomissements, polypnée, convulsions.
Le sujet est irritable, inquiet,
tendu. On observe parfois un état de torpeur avec troubles de l’élocution ;
le sujet décrit une fatigue, un malaise général avec des céphalées
intenses.
La tension artériel augmente avec une
diminution du rythme cardiaque.
En cas de contamination par voie inhalée,
rhinorrhée et bronchorée sont immédiatement observés ; avec
latence pour les voies orales et percutanées.
Nausées et hypersalivation
apparaissent également sans latence pour la voie inhalée et orale. Le
sujet sue abondamment.
Le myosis (rétrécissement de la
pupille jusqu’à la taille d’une tête d’épingle) s’observe dans
les dix minutes avec retour à la normale en quelques heures ; il
s’accompagne de douleurs oculaires vives et d’une chute de l’acuité
visuelle.
De façon inconstante, on observe des
contractions musculaires spasmodiques.
Intoxication moyenne
En plus des symptômes de
l’intoxication légère, on observe des troubles respiratoires
avec toux, des douleurs digestives et urinaires avec crampes,
vomissements, diarrhées, défécation involontaire, incontinence
urinaire.
Le tableau de l’intoxication moyenne
s’installe entre 30 minutes et jusqu’à 6 heures après
l’exposition.
Intoxication grave
S’ajoute aux troubles précédemment
exposés, une détresse respiratoire avec parfois œdème respiratoire et
une chute de la tension artériel.
L’arrêt de la fonction respiratoire
ou de la circulation sanguine peuvent conduire à la mort. La plupart des
décès surviennent dans les 24 heures.
TRAITEMENT
Il repose sur la décontamination et sur l’administration d’antidote, comme l’atropine.
PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DES
AGENTS NEUROTOXIQUES
Intoxication au Tabun,
diméthyl-phosphoramido-cyanidate d'éthyl.
Volatilité : 0,6g/m3. DL50 :
1000mg. Persistant (plus de 3 jours). Il est liquide, inodore, incolore et
volatile à température ambiante.
La mise hors de combat est rapide pour
des doses percutanées (1 minute), plus lente par inhalation (10 minutes).
Dès 3,2mg/m3, on observe une
irritation oculaire. La concentration mortelle est de l’ordre de 400 à
500 mg/min/m3. Ainsi, 1mg/litre est mortel en moins de 5 minutes.
Les symptômes sont légers et
apparaissent pour des concentrations de 30 à 40 mg/m3.
Ils deviennent graves pour 40 à 80
mg/m3, avec une diminution de l’acuité visuelle, sensation
d’oppression, détresse respiratoire, contractions musculaires et
hypersalivation.
De faibles doses peuvent produirent
leurs effets après 24 heures, ou après plusieurs jours d’exposition
cumulative à de très faibles doses.
La dose mortelle percutanée est de
l’ordre de 50 à 70 mg de tabun par kg.
Cependant, 1,5 g semble provoquer la
mort de plus de 50% des sujets.
Intoxication au Sarin
Volatilité : 1,7mg/m3. DL50 :
1700mg. Il est non-persistant (moins de 2 heures sur le terrain). Il est liquide, inodore, incolore et
volatile à température ambiante. L’intoxication laisse de graves séquelles
neurologiques.
Il provoque les mêmes effets que le
tabun, sans délai de latence. Myosis et céphalées sont moindres
qu’avec le tabun.
L’intoxication par voie respiratoire
est plus rapide qu’avec le tabun. 50 à 70mg/m3 sont mortels en deux à
cinq minutes.
La concentration mortelle est de
l’ordre de 100mg/min/m3. Mais les vapeurs de sarin ne sont pas absorbées
par la peau, contrairement au tabun.
Environ 1g de sarin sur la peau est
mortel dans 50% des cas.
Intoxication au Soman
Volatilité : 3g/m3. DL50 :
50mg. Persistant (plus de 3 jours). Il possède un délai de latence sans
symptômes de 10 à 30 minutes. La concentration mortelle en vapeurs est
de 20 à 25mg/m3 pour deux à cinq minutes d’exposition. La dose
percutanée mortelle est de l’ordre du gramme (0,75 à 2,25 pour un
sujet de 75kg).
Intoxication au Vx
Volatilité : 8 à 10mg/m3. DL50 :
10mg. Persistant (plus de une semaine).
Une exposition de une à trois minutes
à 10mg/m3 est mortelle ; la dose létale en aérosol étant de 5 à
10 mg/min,m3. La dose létale par ingestion est estimée entre 3 et 33mg.
La dose létale percutanée est de l’ordre de 2 à 10 mg.
Les premiers symptômes seraient des
douleurs gastro-intestinales.