Sont classés ici les premiers masques utilisés, d'avril 1915 à juillet 1915.
Ils sont imprégnés d'une solution à l'hyposulfite, copiée sur celle utilisée par l'Allemagne.
Cette solution ne protège les voies aériennes que contre le chlore et le brome en faible concentration.
22 avril 1915, secteur de Langemarck. Le lieutenant Jules-Henri Guntzberger du 73e R.I.T. est en première ligne. Soudain, vers 5 heures du soir, son attention est attirée par des vapeurs qui s’élèvent des tranchées allemandes. « J’ai vu alors un nuage opaque de couleur verte, haut d’environ dix mètres et particulièrement épais à la base, qui touchait au sol. Ce nuage s’avançait vers nous, poussé par le vent. Presque aussitôt, nous avons été littéralement suffoqués, comme par des allumettes soufrées qu’on aurait brûlées sous le nez. Nous avons dû nous replier, poursuivis par le nuage. J’ai vu, à ce moment, plusieurs de nos hommes tomber, quelques-uns se relever, reprendre la marche, retomber, et, de chute en chute, arriver enfin à la seconde ligne ».
Photographie prise au 30e Groupe de brancardiers divisionnaires par le pharmacien Golse.
Les Allemands lancent la première offensive chimique de l’histoire ; ils prennent les troupes françaises complètement au dépourvu et leur cause de nombreuses pertes. La situation est jugée comme extrêmement préoccupante par les autorités françaises. Le plus pressant est alors de pouvoir fournir un moyen de protection efficace à l’ensemble des armées. Sur place, le pharmacien major Didier est envoyé en mission à Boesinghe. Il détermine ainsi la nature du gaz utilisé par les allemands, du chlore, et recueille plusieurs appareils de protection allemands. Un autre pharmacien, le caporal Launoy, recueille et analyse un bâillon protecteur allemand et détermine la composition de la solution neutralisante dont il est imbibé. Le 25 avril, ces deux rapports sont sur le bureau du ministre de la Guerre, qui décide immédiatement de copier le modèle de protection allemand pour le distribuer à l’ensemble de l’armée.
Les premiers bâillons sont créés après l'attaque sur Ypres du 22 avril 1915 ; le modèle est simplement copié sur des exemplaires allemands récupérés sur le terrain à Ypres (notamment grâce aux rapports des pharmaciens Launoy et Didier) . La solution neutralisante est analysée par le caporal Launoy, qui détermine sa composition. Le 8 mai 1915, une notice est envoyée à l'ensemble des armées pour la préparation de cette solution.
Le 25 avril 1915, le ministre de la Guerre décide de lancer la production des bâillons. La Section Technique du Génie est chargée de la production et réquisitionne la main d'oeuvre des Grands magasins de nouveautés de Paris. Le bâillon mesure environ 8cm sur 12 et est constitué par une enveloppe remplie de gaze ou de coton. Les 150 000 premiers exemplaires sont envoyés à l'armée du Nord le 12 mai 1915. Les autres armées le reçoive dès le 22 mai (200 000 envoyés à ce jour). On prévoit alors d'en fabriquer 1 125000 unités. Les premières livraisons sont insuffisantes, et dans de nombreux secteurs, on recommande de disposer de simples bacs remplis de solution d'hyposulfite et de distribuer des mouchoirs propres que les hommes devraient placer, après les avoir imbibés, devant leur bouche et leur nez. Dans la mesure du possible, les bâillons (encore appelés sachets) sont livrés dans une pochette étanche qui les préserve de la dessiccation.
On peut employer contre le Chlore certaines substances imbibées d'eau, comme:
la paille de céréales, le foin grossièrement découpé, le jute, le crin végétal...
On les trempe dans l'eau pendant quelques heures, puis on les appliques contre le nez et la bouche avec un mouchoir.
Les premières cagoules françaises sont copiées sur le modèle expérimenté par les anglais. De nombreux essais sont également réalisés dans certains Corps de troupe.
La Section Technique du Génie, chargée de la production des appareils de protection, décide au début du mois de mai de copier le modèle anglais et d'importer 30 000 mètres de flanelle anglaise. En attendant, elle improvise plusieurs modèles.
En résumé, de nombreux modèles vont faire leur apparition ; ils seront particulièrement appréciés par la troupe, notamment en raison de leur facilité de mise en place. En réalité, la protection réalisée par les cagoules était bien inférieure à celle des bâillons ; la nécessité de remplacer la solution neutralisante d'hyposulfite par plusieurs autres solutions destinées à arrêter les nouvelles substances toxiques utilisées par l'Allemagne, mis progressivement fin aux développement de ce type d'engin de protection.
Dès la fin du mois d'avril, les Anglais expérimentent un modèle de cagoule, taillé dans un drap de laine particulièrement fin, la flanelle Viyella Début mai, la S.T.G. décide de copier le modèle anglais et d'importer 30 000 mètres de flanelle anglaise, car c'est alors la seule étoffe connue qui permet de fabriquer des cagoules efficaces. La France, contrainte d'habiller son armée toute entière en drap bleu-horizon, vit alors une véritable crise textile et l'ensemble des confections de drap sont réservées à la Fabrication des nouvelles tenues. En attendant, la S.T.G. improvise la fabrication avec tous les tissus qui lui tombent sous les mains et essaie plusieurs coupent différentes. Le 17 mai, une note est envoyée aux armées : «En plus des moyens de protection contre l’action des gaz asphyxiants indiqués précédemment, il sera distribué aux armées des cagoules. Ce sont de simples sacs en flanelle ou en toile percés d’une ouverture à hauteur des yeux ; cette ouverture est fermée par un plaque transparente de matière spéciale. Le sac est assez grand pour pouvoir englober la tête recouverte du képi ; il peut être fermé hermétiquement à la partie inférieure en l’introduisant sous la capote ou la veste que l’on boutonne par-dessus. En temps ordinaire, il peut se porter roulé en turban autour du képi. La respiration s’effectuant au travers du tissu de la cagoule, il est nécessaire de la plonger tout entière dans la solution d’hyposulfite indiquée précédemment.
Certaines cagoules comportent en outre un tampon à appliquer sur la bouche et les narines, après l’avoir trempé dans la même solution».
Autant que possible, la cagoule est envoyée dans une enveloppe imperméable, simplement fixée aux bretelles de suspension de l'équipement avec deux tresses. Le 22 mai, 48 000 cagoules, de quatre modèles différents, sont ainsi distribuées. Sur le front, elles seront particulièrement appréciées, si bien qu'au début de juin, on estime à deux millions le nombre de cagoules à produire. La situation est critique puisque l’importation de flanelle Viyella est refusée par 1'angleterre qui craint de ne pas en avoir suffisamment. Faute de tissu, la production de cagoules par la S.T.G. est arrêtée au tout début de juin. Dans cette attente, de nombreux corps de troupes décident de se débrouiller par eux-mêmes. Depuis la mi-mai, certains procédaient à l'essai de cagoules taillées dans de vieux draps, des capotes "gris de fer bleuté" réformées ou des couvertures hors service. Les engins obtenus ne donnaient pas les résultats attendus ; la respiration était pénible sous le tissu trop épais, qui ne se laissait pas suffisamment traverser par l'air. La vapeur d'eau dégagée par la respiration, le dioxyde de carbone et la chaleur s'accumulaient dans cet espace clos et rendaient rapidement le port de la cagoule insupportable. Au mois de juin, l'intendance proposa, en vue de rationaliser et uniformiser ce genre d'initiatives, un modèle en flanelle de coton bleu clair, dont la production devait rapidement se généraliser dans plusieurs corps.
Le saillant d’Ypres est à nouveau victime d’attaques allemandes par vagues de chlore ; quatre au début du mois de mai et une particulièrement importante dans la nuit du 23 au 24 mai. Les bâillons distribués depuis peu s’y montrèrent peu performant. On déplora de nombreuses victimes. Le 23 mai, le général en chef, dans une lettre adressée au ministre de la Guerre, demande d’augmenter leur taille et de changer la matière les constituant pour les rendre plus performant. André Kling, chargé de mener au front les études relatives à la guerre des gaz, adresse également un rapport au ministre de la Guerre le 25 mai 1915, qui reprend les mêmes conclusion. Ainsi, le 27 mai, il est décidé de modifier les engins de protection. Leur tailles est augmentée à la dimension de 13cm par 25. Pour assurer une meilleure filtration de l’air au travers, on garnit le nouvel engin d’étoupe à défaut de toute autre substance, et on l’appel désormais compresse. La fabrication du nouveau type d’appareil est immédiatement lancée ; ils se substitueront progressivement aux bâillons à partir du milieu du mois de juin 1915. Il subsiste cependant de nombreux défauts aux nouvelles compresses. Le 5 juin 1915, Kling précise dans un nouveau rapport : « L’étoupe doit être fixée à l’enveloppe par quelques fils pour l’empêcher de former des boules ou de s’effilocher ». Enfin, vers la fin du mois de juin, le système d’attache qui ne maintenait pas suffisamment l’appareil sur le visage et qui avait parfois tendance à s’arracher, est remplacé par deux rubans, de largeur au moins égale à celle de la compresse à son niveau, et diminuant vers les extrémités.
A la fin du mois de juin 1915, le système d'attache est remplacé par deux rubans de la largeur de la compresse.
Appellation :
Il y fréquemment confusion dans les appellations des premiers appareils de protection. Dans les nombreux rapports, on utilise assez souvent le terme de sachet pour désigner l'enveloppe du bâillon ou de la compresse aussi bien que l'appareil lui-même. La dénomination de C1, C2 et C3 est réservée pour désigner les différentes gazes que contient le tampon P2.
Au début du moi de mai 1915, le pharmacien aide-major Piedalu propose un masque contre les gaz asphyxiants au Gouverneur de la place de Verdun, le général de division Coutanceau. Séduit par cette idée, ce dernier ordonne au Service de l'intendance, le 10 mai 1915, d’organiser la fabrication d'un lot de 10 000 masques de ce genre. Il est confectionné en molleton (une sorte de serviette éponge), imprégné de la solution neutralisante d'hyposulfite, et possède la particularité de réunir la protection des yeux à celle des voies respiratoires. Il est garni pour la vision d'œillères en mica ou en Celluloïd. L'appareil se fixe sur le visage au moyen d'un double ruban élastique qui passe derrière les oreilles. Le masque est fabriqué par un entrepreneur privé de blanchissage à Verdun, monsieur Blanchard. Cette mesure provisoire devait permettre d'attendre la livraison des bâillons annoncée par le G.Q.G.. Début juin, 12 500 masques Piedalu ont été fabriqués et on a reçu de Paris, 60 000 bâillons et 800 cagoules. Le nombre d’appareils n'est pourtant pas suffisant pour en équiper chaque homme. Le 18 juillet, 10 000 masques supplémentaires sont donc mis en fabrication. C 'est donc, en tout et pour tout, seulement 22 500 masques Piedalu qui ont été produits. Rapidement, l'appareil sera reconnu comme défectueux, ne s’appliquant pas correctement sur le visage et sera réformé. L’achat de ces masques ayant représenté une somme importante, une partie sera récupérée et transformée en lunettes de protection après transformation.
Le respirateur Cadroy-Javillier :
A la fin du moi de mai 1915, Maurice Javillier, pharmacien aide-major et le commandant Cadroy, chef du Génie à Dunkerque, mettent au point différents appareils de protection dont l’un d’eux est constitué d’une sorte de cartouche filtrante reliée aux voies respiratoires par un tuyau souple. La partie supérieure de la boîte est percée de trous circulaires faisant office d’entrée d’air. Le fond est mobile pour permettre d’ouvrir la boîte et d’y placer les substances neutralisantes.
Le 17 juin 1915, les 20 premiers respirateurs sont essayés au 36e C.A. dont dépendent Cadroy et Javillier. Ils donnent entière satisfaction et une importante commande de 12 000 unités est passée auprès d’un industriel, à Coudekerque Blanche. 1000 appareils sont reçus début août puis 12 000 le 31 août et 14 000 immédiatement recommandés.
Le 14 juin 1915, un rapport sur l’appareil a été envoyé à Paris, et l’Etablissement Central du Matériel Chimique de Guerre est fortement intéressé. Dès lors, le respirateur connaît un succès certain ; l’ECMCG passe alors commande auprès du fabricant, puis plusieurs armées par la suite. Ils seront envoyés au front à compter du 2 octobre 1915. Il semble que près de 20 000 appareils Cadroy-Javillier aient été réceptionnés dans chacune des armées.
Leur durée d’utilisation au front sera extrêmement brève ; le 20 octobre 1915, la Commission de Protection recommande d’en interdire l’utilisation. Ils resteront parfois en service dans de nombreuses unités, relégués à un protection de secours.
Les premières lunettes de protection contre les substances chimiques sont conçues et commandées avant l’attaque du 22 avril sur le saillant d’Ypres. Elles sont alors destinées à protéger les hommes utilisant les grenades françaises suffocantes, dont l’usage s’intensifie depuis le début de l’année 1915. Le 20 avril, 90 000 paires sont mises à la disposition des armées. Le modèle est alors en caoutchouc avec des oculaires en gélatine.
Le 9 mai 1915, après les premières attaques par vague de chlore, le Ministre de la Guerre décide de commander 100 000 paires de lunettes, en vue de protéger les hommes les plus exposés. Le 11 mai, on juge finalement le nombre nécessaire à 400 000. Mais à qui passer commande d’un nombre aussi important d’exemplaires. En France, aucune industrie n’est alors capable d’atteindre une telle production. Seuls deux fabricants peuvent alors réaliser le modèle (Houzelle et Hutchinson), chez qui seulement 50 000 paires sont commandées (à peine 3000 exemplaires sont fabriqués par jour). Seulement, toutes les armées réclament la livraison de protection pour les yeux et n'hésitent pas à passer commande auprès des mêmes fournisseurs que le Ministère, en surenchérissant pour obtenir les précieuses lunettes le plus rapidement possible. Toutes les industries et tous les commerces susceptibles de fournir n'importe quelle protection pour les yeux, vont être rapidement submergés de commandes. Dans cette frénésie de récupérer tout ce qui ressemble à des lunettes de protection, les stocks de lunettes d'automobilistes et de lunettes de viticulteurs vendus dans le commerce, sont épuisés en quelques jours. Malheureusement, elles ne sont pas du tout destinées à cet usage et se révèleront d’aucune efficacité. La situation ne va guerre évoluer jusqu'au mois de juin. Il faut cependant préciser que les recherches sur la protection contre les gaz de combat débutent à peine et que la protection des yeux est portée au deuxième plan par rapport à celle des voies respiratoires. Le chlore ne provoque d'ailleurs d’irritation oculaire qu'à de fortes concentrations. La situation ne deviendra réellement critique que par la suite, lors de l'apparition d'autres substances toxiques, fortement lacrymogènes, à partir de juillet 1915.
Le 11 mai 1915, après l'attaque sur le saillant d'Ypres, 400 000 nouveaux exemplaires sont à nouveau commandés. Mais leur livraison prendra plusieurs mois et dans cette attente, tout ce qui ressemble à des lunettes de protection sera mis en service.
Dans de nombreux secteurs, on organise également la fabrication artisanale d'engins de protection.
Pour faciliter 1'utilisation de la compresse et pour réunir la protection des voies respiratoires a celle des yeux, la S.T.G. proposa un modèle de masque, mis au point par le comandant Legouez, le 18 juin 1915. Le masque est compose d'une armature métallique sur laquelle est cousu un tissu. Un bourrelet de cuir est placé sur le bord du masque pour assurer un meilleur confort. La vision est assurée par une ouverture rectangulaire pratiquée au niveau des yeux et garni d'un oculaire en matière transparente. Une fois le masque sur le visage, on place la compresse devant l'ouverture prévue à cet effet. Le 7 juillet 1915, après plusieurs essais de l'appareil en atmosphère chlorée, on décide la fabrication de 100 000 masques S.T.G.. Seulement, le 2 août, après l'adoption d'autres appareils plus performants, la commande est réduite à 60 000 exemplaires, qui seront distribués à la fin du mois. Aucun étui de protection n'ayant été prévu pour son transport, l'armature métallique du masque se déformait rapidement, lui faisant ainsi perdre de son étanchéité. De fait, son apparition sera éphémère et il disparut rapidement au profit des tampons P2..
Avis de Droit d'auteur : Toutes les photos et les matériels de site Web sont le Copyright 2003 exclusif de l’auteur ou appartenant aux déposants respectifs avec leur autorisation et ne peuvent pas être reproduits, stockés dans un système de récupération, ou transmis entièrement ou partiellement, par n'importe quels moyens, électroniques ou mécaniques, la photocopie, l'enregistrement, ou autrement, sans la permission écrite antérieure de l'auteur.