Les lacrymogènes sont presque tous des produits non volatils à température ordinaire, qui nécessitent une dispersion sous forme d’aérosol pour exercer leur activité. Ils sont donc chargés dans des obus ou dans des grenades. Leur action s’exerce principalement au niveau de l’œil, entrainant une douleur accompagnée de larmoiement et de conjonctivite. On observe aussi une irritation des voies aériennes supérieures, accompagnée de toux, ainsi qu’une sensation de brûlure sur les parties du corps touchées, lorsque le lacrymogène se trouve en concentration élevée. Certains sont susceptibles de provoquer des lésions cutanées et pulmonaires, ces dernières pouvant même être fatales. Ils seront utilisés dès le début de la Première Guerre, puis leur usage s’intensifia à partir de l’été 1915. Ils pouvaient être destinés à gêner le port d’un appareil respiratoire ; leurs effets n’étaient pas contrés par les premiers masques et, bien que n’entraînant pas toujours de risques vitaux, ils étaient particulièrement redoutés.
1) Le bromacétate d’éthyle.
Action physiologique
Lacrymogène
Nom de guerre
Macétite (France)
Formule
BrCH2 COOEt
Epoque d’apparition
Août 1914 (France)
Moyen de dispersion
Grenades et fusées
C’est le premier produit agressif utilisé pendant la Première Guerre, les Français innovant l’utilisation de substances toxiques dès le début du conflit. A l’air libre, son action n’est pas violente, mais il peut se révéler mortel dans un espace clos.
2) Le bromure de xylyle.
En mélange avec du bromure de xylylène : T stoff (Allemagne)
CH3 C6H4CH2Br
Janvier 1915 sur le front Russe puis massivement le 20 juin en Argonne (Allemagne)
Obus
Sa volatilité relativement basse, surtout par temps froid, est la cause de l’échec de son introduction par les Allemands sur le front russe. Il sera à nouveau utilisé dès le mois de juin 1915 à l’Ouest, avec plus de succès. Il agit à des concentrations très faibles et ne présente presque pas d’effet toxique.
3) La chloracétone.
Tonite (France)
CH3COCH2Cl
24 avril 1915 (France)
Grenades
Elle fut utilisée pour charger les grenades Bertrand, puis, au début de la pénurie de brome, elle remplacera le bromacétate d’éthyle des grenades suffocantes. On finira par lui substituer l’acroléine car son action n’était pas satisfaisante.
4) Le bromure de benzyle.
Lacrymogène et légèrement toxique
Cyclite (France)
C6H5CH2Br
Juin 1915 dans l’Argonne (Allemagne)
Obus et bombes de minen
C’est un lacrymogène assez puissant, utilisé la première fois le 20 juin 1915 en Argonne, par les Allemands. Son usage se généralisera à partir du mois de juillet 1915, sur tous les secteurs du front. Les moyens de protection français n’étaient alors absolument pas efficaces.
5) La bromacétone.
Lacrymogène et toxique
B stoff (Allemagne)
CH3COCH2Br
Juillet 1915 (Allemagne)
La bromacétone est un puissant lacrymogène, d’action violente, mortelle à forte concentration (celle-ci ne pouvant s’obtenir que dans un local fermé). A l’état de vapeur, elle imprègne facilement les vêtements, lui donnant ainsi une persistance modérée.
6) La bromométhyléthylcétone.
Bn stoff (Allemagne)
BrCH2COEt
Août 1915 (Allemagne)
Les Français ne réaliseront la synthèse de ce corps qu’en mars 1918, et l’utiliseront alors sous forme de mélange avec de la chlorométhylcétone ; ils baptiseront l’ensemble ''homomartonite''.
7) L’Acroléine.
Lacrymogène, toxique et suffocant
Papite (France)
CH2CHCHO
Début 1916 (France)
Obus puis grenades
Encore appelée aldéhyde acrylique ou propénal, c'est un lacrymogène très puissant. Une forte concentration de ce produit, en milieu fermé, provoque la mort en une minute. D’abord employée en obus, elle finira par être chargée dans toutes les grenades suffocantes françaises, leur conférant ainsi une redoutable efficacité dans les abris et les espaces clos.
8) La chloracétophénone.
Lacrymogène et légèrement vésicant
Grandite (France)
C6H5COCH2Cl
1916 (France)
Appelée Grandite, du nom du pharmacien Jacques Bongrand (décédé en 1916 au front). Elle possède des effets violents et proches de ceux des arsines.
Il s’agit de dérivés halogénés et organiques de l’arsenic. On distingue deux groupes chimiques distincts. Les arsines aliphatiques sont solides, tandis que les arsines aromatiques sont liquides. Toutes les arsines de la Première Guerre seront introduites, puis utilisées exclusivement par les Allemands. A leur apparition, les premières étaient destinées à être dispersées en particules suffisamment fines pour traverser le filtre des appareils protecteurs. Leurs effets sur l’appareil respiratoire supérieur (toux, éternuement et écoulement nasal) devaient alors empêcher le port du masque. Les différentes arsines utilisées par la suite voyaient leurs caractéristiques se diversifier et leurs effets devenir de plus en plus violents. On distingue deux classes d’arsines : les irritantes et les vésicantes.
Pour exercer leur action, ces toxiques devaient être dispersés sous forme de très fines poussières et devenaient alors susceptibles de traverser le filtre des masques protecteurs. Cette dispersion était assurée par l’éclatement de l’obus qui les contenait. Les arsines agissent alors au niveau des voies respiratoires supérieures et au niveau des yeux, en provoquant une vive irritation. On observe ensuite une très vive sensation de brûlure accompagnée de toux, de nausées et de vomissements. Les symptômes apparaissent après quelques minutes d’exposition et ne cessent que plusieurs heures plus tard. Si l’exposition est prolongée, une dyspnée asthmatiforme peut apparaître.
-Le chlorure de diphénylarsine.
Vomitif et sternutatoire
Clark 1 (Allemagne)
(C6H5)2 AsCl
11 juillet 1917 (Allemagne)
C’est la première arsine qui apparaît dans les obus à croix bleue. Les effets se développent seulement après quelques minutes d’exposition, si bien que le sujet est intoxiqué sans s’en rendre compte.
- Le cyanure de diphénylarsine.
Clark 2 (Allemagne)
(C6H5)2 AsCN
20 mai 1918 (Allemagne)
Il s’agit de l’irritant le plus efficace utilisé pendant la Première Guerre.
Elles sont toutes sternutatoires et vésicantes à l’état liquide.
- Le dichlorure d’éthylarsine et le dibromure d’éthylarsine.
Ces deux arsines ont des propriétés identiques : elles sont sternutatoires et vésicantes. Elles font leur apparition en mars 1918. L’individu intoxiqué est pris d’une violente détresse respiratoire, accompagnée de crampes au niveau de la poitrine. Ces symptômes peuvent se répéter durant une période de 24 heures. Leur action vésicante ne s’observe qu’à l’état liquide.
- Le dichlorure de phénylarsine.
Employée à partir de novembre 1917, cette arsine présente des effets à peu près identiques à ceux des deux précédentes, avec, en plus, une action vomitive. De fortes concentrations de vapeurs font apparaître des phlyctènes cutanées douloureuses.
Il s’agit des éthers méthyliques dibromés et dichlorés que les Allemands emploient à partir de mars 1918, en mélange dans les obus à croix jaune. Ils provoquent des troubles de l’équilibre et de l’orientation, par atteinte du labyrinthe de l’oreille interne. Ils possèdent des effets très disparates : une activité lacrymogène, des effets irritants respiratoires, suffocants, sternutatoires, vésicants et même cancérigènes. On trouve dans cette catégorie deux substances utilisées par les Allemands : l’oxyde de méthyle dichloré et l’oxyde de méthyle dibromé.
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