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Sources et problèmes méthodologiques :
Il n'est pas aisé de trouver des sources historiques pour retracer l'histoire de ces agressifs chimiques. Ces composés, à l'issue de la Première guerre, représentaient un domaine de recherche nouveau et plein de perspectives. Les travaux réalisés pendant le période de guerre ont souvent été conservés dans le secret le plus absolu qui fut maintenu jusqu'à la fin de la Deuxième guerre mondiale, ou au-delà. Une partie des sources disponibles sont les fonds des Services chimiques français des archives de l'Armée, mais ils sont incomplets et l'essentiel des documents qui couvrent la période au-delà de 1920 sont aujourd'hui classés et inaccessibles pour des raisons politiques. La constitution d'un corpus de sources avec des manques probablement importants dans les archives publiques contribue probablement à développer des biais et dessiner des points aveugles. L'histoire de la guerre chimique est de toute façon confrontée à un certain nombre d'obstacles dont la culture du secret encore existante et la disparition volontaire d'un certain nombre d'archives, sélectionnées au cours de l'histoire. Pour cette période, nous avons utilisé les documents des Commissions d'enquêtes du traité de Versailles, dont les rapports disponibles dans les archives Françaises, Anglaises et d’origines italiennes conservées dans les archives Anglaises, permettent par recoupage de dresser un tableau aussi précis que possible de cette période, en, tentant de s'affranchir d'une sélection volontaire d'institutions "de contrôle". Des documents Alliés et issues des archives des Etats-Unis permettent de compléter en partie les vides laissés par les épurations successives des archives françaises ; ces documents sont très variés, publiés dans des bulletins de renseignement après la fin du conflit en 1945 et jusqu’à des documents déclassifiés récents. Dans le domaine de la chimie, de la toxicologie et de la thérapeutique, de nombreuses publications scientifiques ont été diffusées pendant cette période, certaines au travers d'ouvrages ou de travaux de thèse, d'autres lors de conférences, de documents internes aux Service des Poudres. Enfin, des documents privés ont été utilisés. L'étude de l'ensemble de ces documents et plus précisément l'absence probable d’un certain nombre d'entre eux présente probablement nombre d'inconvénients dont celui d'ignorer certaines questions historiques et certains débats historiographiques majeurs.
Les arsines sont des agents de guerre chimique contenant un atome d'arsenic dans leur structure chimique. Ils ont été développés pendant la Première guerre mondiale en vue d'obtenir des composés toxiques nouveaux et innovants.
L'arsenic est un composant naturel de la croûte terrestre et est largement présent dans l'environnement, que ce soit dans l'air, dans l'eau ou dans la terre. Il est très toxique sous forme inorganique. L’arsenic est connu depuis l’antiquité, notamment pour son usage dans la métallurgie. Les dérivés de l'arsenic sont également réputés de longue date pour leurs propriétés thérapeutiques, mais aussi pour leur toxicité notoire. Ces propriétés ont fait l’objet de recherches systématiques sur de très nombreux dérivés de synthèse dans les laboratoires de l’industrie chimique et pharmaceutique allemande avant 1914. Il n’est donc pas étonnant de les retrouver utilisés comme substance agressive par les armées allemandes pendant le Première guerre, chargés dans les munitions chimiques de type croix bleue et croix jaune.
L'étude de leurs propriétés au début du XXe siècle par l'industrie chimique allemande est à l'origine de la naissance des premiers agents chimiothérapeutiques de synthèse et du développement de la chimie des médicaments. C'est en 1909, dans les laboratoires de Bayer, que Paul Ehrlich synthétise le premier médicament de synthèse, l'arsphénamine ou Salvarsan (un arsenical ou arsine actif contre la syphilis). Ce fut un succès planétaire pour la firme Bayer. Pour mener ses recherches, Paul Ehrlich avec le chimiste Alfred Bertheim et le bactériologiste Sahachiro Hata, ont synthétisés et expérimentés plus de neuf cents dérivés arsénieux au seins de leur laboratoire, leur permettant d'acquérir des connaissances importantes sur la synthèse et les propriétés des composés arsénicaux ainsi qu'une avance considérable dans ce domaine.
En 1909, dans les laboratoires de Bayer, Paul Ehrlich synthétise le premier médicament de synthèse, l'arsphénamine ou Salvarsan (un arsenical ou arsine actif contre la syphilis). Ce fut un succès planétaire pour la firme Bayer. Pour mener ses recherches, Paul Ehrlich avec le chimiste Alfred Bertheim et le bactériologiste Sahachiro Hata, ont synthétisés et expérimentés plus de neuf cents dérivés arsénieux au seins de leur laboratoire, leur permettant d'acquérir des connaissances importantes sur la synthèse et les propriétés des composés arsénicaux ainsi qu'une avance considérable dans ce domaine.
Les premiers dérivés arséniés sont étudiés par les services chimiques français dès 1915. En décembre de cette même année, Ernest Fourneau, chef de laboratoire de chimie thérapeutique de l'Institut Pasteur et membre des Services chimiques, propose l'usage de la dichloroéthylarsine (utilisée par les Allemands deux années plus tard sous le nom de DICK) mais est grièvement blessé lors de ses recherches qu'il doit abandonner pendant près de deux ans. Il faut noter que Fourneau est un grand spécialiste des dérivés arséniés de synthèse et de leurs propriétés en France ; et pour cause, il a été formé par les chimistes allemands avant-guerre.
L'origine de leur développement pendant le conflit est en réalité motivée par la volonté des chimistes allemands de trouver des substances novatrices dans la technique d'utilisation de l'arme chimique, des composés dont les propriétés toxiques n'ont pas forcément été découvertes auparavant et qui pourraient prendre au dépourvu les chercheurs ennemis. Bien qu'aucun document d'archive ne soit explicite sur l'origine de ces recherches, il est fort probable qu'elles aient débuté très précocement outre-Rhin. En 1915, le chimiste allemand Heinrich Otto Wieland, synthétise la diphénylaminechlorarsine, autrement connue sous le nom de DM ou Adamsite. Cela n'a rien d'anodin puisque Wieland est un spécialiste de la toxicologie et qu'à partir de 1917, appelé par Fritz Haber, il va diriger au sein du Kayser Wilhelm Institut, le département des gaz de combat et sera particulièrement actif dans les recherches sur les "gaz briseurs de masques", ces irritants autrement appelés arsines. L'Adamsite n'a pas de propriétés particulières connue à ce moment qui pourrait la démarquer d'autres agressifs pour envisager des recherches plus poussées. Mais la volonté des chercheurs était alors de systématiser l'ensemble des essais sur toutes les substances proposées.
Heinrich Otto Wieland chimiste allemand et spécialiste en toxicologie.
Wieland s'inscrit en 1896 aux cours de chimie de l'Université de Munich et soutient sa thèse en 1901. Il passa sa thèse d'habilitation, consacrée aux propriétés de l'oxyde d'azote en 1905. Outre les conférences qu'il donnait à l'université de Munich, il se partageait entre des missions d'ingénieur consultant et d'expertise ; et c'est ainsi qu'il devait conserver toute sa vie des liens de collaboration avec l'usine pharmaceutique C. H. Boehringer & Fils d'Ingelheim am Rhein.
D'abord exempté par l'armée impériale allemande, Wieland est finalement appelé en mars 1917 (il avait 40 ans) dans les cadres de la réserve. De 1917 à 1918, grâce à Fritz Haber, Wieland dirige le département des gaz de combat à l'Institut Kaiser-Wilhelm de Berlin, où il développe la production de gaz de combat et les recherches dans le domaine des arsines et des gaz irritants que les chimistes allemands appelaient "briseurs de masques", parce que les soldats éprouvaient une envie irrépressible d'arracher leur masque à gaz. En 1917, l'université technique de Munich lui offre pour la première fois une chaire d'enseignement, il succède alors à Adolf von Baeyer comme professeur de chimie à l'université de Munich.
Lauréat du prix Nobel de chimie en 1927 « pour ses recherches sur la constitution de l'acide biliaire et les substances apparentées ».
Pour se faire et à partir de 1916, la toxicité des substances étudiées est testée au Kayser Wilhelm Institut de Berlin sur des animaux et des volontaires, dans différentes chambres étanches, pour en déterminer l'activité. Puis, quand une substance se révèle intéressante, on la charge dans plusieurs obus que l'on fait détonner simultanément et différents expérimentateurs, avec et sans protection respiratoire, se soumettent à l'action du nuage gazeux formé pour en observer les propriétés. Pour systématiser ces essais, une chambre de détonation est construite en 1917 et le nuage formé à l'issue de la détonation d'une munition chargée de la substance étudiée est soumis à différents tests, dont un dosage et le passage au travers du filtre des différents masques alors en usage dans les différentes armées. C'est ainsi que fut découvert les propriétés de la diphénylchlorarsine, un composé qui était utilisé dans la synthèse d'autres molécules destinées à un usage commercial. Les essais systématiques pratiqués au Kayser Wilhelm Institut dans la chambre de détonation démontrent alors qu'elle passe au travers de tous les filtres de masques en usage. Ces propriétés ne sont observées qu'après dispersion de ce toxique par une violente explosion produite par un explosif. L'explosion provoque le passage du produit à l'état de vapeur, puis sa condensation sous forme de minuscules particules, à une concentration très importante. La taille des particules est si fine qu'elle permet de passer au travers des couches absorbantes des masques à gaz. C'est précisément la découverte de cette propriété qui va motiver l'utilisation des premières arsines par les armées allemandes.
La diphénylchlorarsine est rapidement chargée dans des munitions pour exploiter cette propriété, le but étant de traverser le masque et d'exercer son action irritante sur l’arbre respiratoire supérieur afin de rendre insupportable le port du masque et obliger les soldats ennemis à le quitter. L'utilisation simultanée de substances asphyxiantes dans les munitions comme les dérivés du phosgène, devait étendre raide mort tous combattants soumis à ce bombardement. Le procédé semblait tellement prometteur que de nombreux essais et études vont être menés sur les arsines par les chimistes allemands en mettant à profit les années d'avance par rapport aux autres belligérants dans ce domaine de connaissance. Ainsi, d'autres composés arséniés vont être développés et utilisés par l'Allemagne durant le conflit.
Il est communément admis que les deux substances arséniées présentant le plus d'intérêt comme agressifs, ont été découvertes et développées par les Etats-Unis en 1918, les Lewisites et l'Adamsite. C'est très probablement faux. Un rapport français du colonel Vinet daté de juin 1920, détail les substances présentant un intérêt militaire étudiées par les chimistes allemands pendant le conflit, qui n'ont pas été utilisées sur le champ de bataille. La liste est longue et démontre une avancée considérable des chimistes allemands dans le domaine des arsines phényles, listant probablement la majeure partie des molécules les plus agressives, qui seront par ailleurs "découvertes" et étudiées dans tous les programmes chimiques des pays en développant un dans les décennies suivantes.
Autre fait notable, ce rapport n'est pas regroupé dans les archives des services chimiques français et tout semble montrer qu'il a été volontairement écarté. A l'évidence, son contenu n'est pas connu pas d'autres nations alliées et il semble fort probable que les services chimiques français aient voulu conserver l'avancée considérable qu'il permettait d'acquérir, pour l'intérêt de la France. D'ailleurs, les substances développées par le Bouchet de 1920 à 1935 et de la famille des arsines sont présentes dans ce document.
Les arsines ont été utilisés exclusivement par l’Allemagne mais ont été l’objet de recherches et de développement important chez la plupart des belligérants qui ont développé des armes chimiques (France, Angleterre et Etats-Unis). A la fin du conflit, le potentiel agressif des arsines est loin d’avoir été complètement exploré et ces substances vont faire l’objet de nombreuses recherches de 1918 à 1945.
On désigne sous le terme générique d'arsines des composés dérivés de l'arsenic, ou plus précisément des corps agressifs à fonction arseniées (arsine désignant également le trihydrure d'arsenic ou hydrogène arsénié de formule brute AsH3). C'est un groupe très hétérogène avec des composés ayant des propriétés agressives et physicochimiques très différentes. L'arsenic est connu depuis l'antiquité pour ses propriétés toxiques mais sous sa forme inorganique, il constitue des composés solides non volatils n'ayant pas d'intérêt pour le chargement de munitions. L'hydrogène arsénié est cependant un gaz extrêmement toxique mais son instabilité et sa fortre inflammabilité l'ont fait écarter des recherches pendant la Première guerre.
On distingue quatre sous-groupes chimiques :
Les arsines aliphatiques, déjà employées durant la Première Guerre, sont irritantes et vésicantes. Elles présentaient un intérêt tout particulier car les matières premières utilisées pour leur fabrication étaient peu coûteuses. On y trouve notamment la méthyldichlorarsine, la diméthylchlorarsine ou chlorure de cacodyle, la diméthylchlorarsine, l'éthyldichlorarsine et les chlorovinylarsines comme les lewisites. Les léwisites furent produites par les Américains durant l’année 1918. Elles furent développées en France par la suite, dénommées produits V.201. La fabrication en demi-grand des plus intéressants de ces dérivés sera réalisée aux laboratoires du Bouchet en 1930, et la fabrication industrielle était en cours en 1935. La production fut lancé sur le site de la nouvelle poudrerie de Boussens en 1940.
Les arsines aromatiques, c’est-à-dire celles dont les matières premières sont le benzène et le naphtalène. Les plus notables sont la phényldichlorarsine, la diphénylchlorarsine, la diphénylbromarsine, la diphénylfluoarsine et la diphénylcyanarsine. Elles seront également étudiées en France après la Grande guerre et 200 d’entre-elles seront préparées et une dizaine aux propriétés particulièrement intéressantes, retenues. Deux furent particulièrement étudiées en France: I.102 (phénylarsine-imine) et I.103 (oxyde de diphénylarsine), qui furent synthétisées en quantité semi-industrielles avant d'être abandonnées, après des essais à Béni-Ounif.
Les arsines dites mixtes.
Les arsines hétérocycliques possèdent des molécules beaucoup plus condensées. C’est dans cette classe que l’on trouve les produits vraiment solides, se prêtant à la vaporisation dite ‘’en chandelle’’. Ce procédé développé à partir de 1918 consistait en un bâton solide du toxique, que l’on enflammait et qui se répandait ainsi par ses fumées. La plus représentative est aussi l'une des plus étudiée en vue de son utilisation, l'Adamsite. En France et dès 1932, on s’orientait vers d'autres composés totalement inédits comme l’arsacridine (composé déjà connu en Allemagne et dont l'action irritante devient intenable à la concentration de 1/100e de mg par m3), le carbasol et la phénoxarsine (produit 986) découverte par les Anglais.
Dans le registre des effets physiologiques de ces substances, on retrouve généralement une irritation oculaire et des voies aériennes supérieures. Elles sont susceptibles également de provoquer des éternuements incontrôlables, des nausées, des vomissements et une sensation générale d’inconfort. Certaines sont vésicantes. Elles sont utilisées dans un premier temps pour leur capacité à traverser le masque de protection et pour exercer leur action irritante sur l’arbre respiratoire supérieur afin d’empêcher le port du masque.
Les recherches sur les agressifs dérivés de l'arsenic débutent très tôt en France, dès 1915 et bien en avance sur les autres nations. Le cacodyle (un composé organique de l'arsenic) avait déjà été étudié dans la Commission des substances puantes avant-guerre, permettant de prendre une bonne longueur d'avance. Ainsi, les premiers essais sont menés par Lebeau et Urbain en juin 1915, concluant à sa difficulté à l'employer au regard de l'instabilité de ses vapeurs qui s'enflamment très facilement à l'air. En août 1915, Job travaille sur le cyanure de cacodyle ou diméthylcyanarsine, une substance puissamment toxique et paralysante à forte concentration, mais sans réussite en raison de sa fragilité et de sa facilité à s'hydrolyser. En décembre 1915, appuyé par Moureu, Ernest Fourneau, spécialiste des composés arséniés, propose l'usage de la dichlorométhylarsine, un sternutatoire et vésicant avec cette fois ci, de réelles capacités de militarisation et d'usage comme agressif chimique de guerre. La dichlorométhylarsine sera d'ailleurs utilisée par les Allemands près de deux années plus tard.
Malheureusement, Fourneau est gravement blessé lors d'une manipulation de produits dangereux et ses travaux sur les arsines ne reprirent qu'en 1917, après leur introduction par les Allemands. Mis un temps de côté, les recherches sur ces composés sont évidemment relancées après la découverte de leur usage par les Allemands. Le pharmacien aide major Robin au laboratoire du professeur Moureu, ainsi que André Kling et Job effectuent les premiers essais avant qu'ils ne soient repris par deux autres laboratoires, celui du professeur Bougault et celui du professeur Tiffeneau.
Plutôt que de conduire des essais systématiques sur les composés produits comme l'ont choisi les chimistes allemands, les Français semblent alors rechercher les rapports entre la structure chimique des composés et leurs propriétés agressives. Les arsines aliphatiques semblaient les plus simples et les moins coûteuses à produire, mais les chercheurs butaient systématiquement sur leur fragilité les rendant impropre à un usage militaire. Ils privilégient ainsi l'étude des composés arséniés aromatiques phénylés, chlorés et cyanés. Le laboratoire du professeur Tiffeneau propose en août 1918 un procédé de synthèse de la dichlorophénylarsine extrêmement simple et peu coûteux. Le professeur Bougault secondé par le pharmacien aide-major Robin découvrent et étudient de nombreux composés arséniés, comme la dichlorophénylarsine dont ils décrivent un procédé de synthèse extrêmement performant, ainsi que la diphénylchlorarsine. Le mélange de ces deux substances devait donner les chargements en obus n°22 et appelé Sternite (diphénylchlorarsine solide dissoute dans une solution de dichlorophénylarsine). Ces munitions ne furent jamais produites, leur chargement dans un obus spécifique étant encore à l'étude à l'Armistice. Notons que Ernest Fourneau, pharmacien et éminent chercheur, fondateur de la chimie thérapeutique, chef de service du laboratoire de chimie thérapeutique de l'Institut Pasteur de 1911 à 1944 mais surtout membre des Services chimiques français au sein de l'IEEC dès 1915 et jusque 1940, travailla également sur ces composés arséniés dans le but de synthétiser un médicament. Ces recherches débouchent en 1921sur la découverte de l'acétarsol (commercialisé sous le nom de Stovarsol) et surtout sur celle en 1925 de l'orsanine ou 270 Fourneau, actif dans le traitement des trypanosomiases humaines (maladie du sommeil).
Formule chimique de l'Orsanine.
Les recherches françaises sur les produits arséniés, dans le but d'un usage militaire, eurent des répercussions importantes dans le domaine de la thérapeutique. Au travers des connaissances acquises dans les rapports entre la constitution chimique et l'agressivité des substances, des voies de recherche nouvelles se sont ouvertes aux chercheurs. C'est ainsi que fut synthétisé en 1921 dans le laboratoire de chimie thérapeutique de l'Institut Pasteur, par Ernest Fourneau, l'acétarsol ou 189 F.
Il est le terme de la fabrication du célèbre Salvarsan de Paul Ehrlich (1909), premier médicament de synthèse et dérivé de l'atoxyl d'Antoine Béchamp (1859).
La mise au point de l'acétarsol prouva que, contrairement à l'opinion d'Ehrlich et de Hata, les composés arsenicaux pentavalents n'étaient pas dangereux, et les publications de Fourneau, de Tréfouël et de Germaine Benoit sur ces dérivés relancèrent ainsi la course aux médicaments de cette famille.
Tréfouël entre à l’Institut Pasteur en 1920 comme assistant de laboratoire dans le service de chimie thérapeutique dirigé par Ernest Fourneau. Il synthétise nombre d’acides dérivés de l’atoxyl, contribuant à démontrer l’étroitesse de la relation qui s’établit entre l’activité spécifique d’un composé d’une part, et la nature de la chaîne substituée et sa position sur le noyau aromatique d’autre part. Ainsi participe-t-il à la découverte de deux médicaments de choix : l’orsanine, active contre la maladie du sommeil, et le stovarsol, efficace contre la syphilis, les leishmanioses et l’amibiase. Il participe également à la recherche de médicaments antipaludiques, systématiquement entreprise par Fourneau à partir de 1930. Dans ce but, il synthétise de nombreux dérivés de la série des quinoléines, parmi lesquels la rhodoquine qui se montre d’une grande efficacité thérapeutique. Dans un autre domaine, la principale contribution de Jacques Tréfouël aux progrès de la chimie thérapeutique est certainement la découverte en 1935, en collaboration avec Thérèse Tréfouël, Federico Nitti et Daniel Bovet, des propriétés thérapeutiques des sulfamides.
Germaine Benoit est assistante au laboratoire de chimie thérapeutique dirigé par Ernest Fourneau. Elle participe aux premières grandes avancées de la lutte contre la maladie du sommeil et le paludisme par ses importantes contributions d'ingénierie chimique à la découverte et à la mise au point de médicaments tels que l'orsanine et la rhodoquine. En 1934, elle reçoit le prix Louis, de l'Académie de médecine, pour ses recherches sur les médicaments sympathicotropes.
Essayé contre la syphilis primaire par Edmond Fournier à l'hôpital Cochin, le sel sodique de l'acétarsol, ou 190 F, plus stable que son acide et actif par voie orale, fut commercialisé sous le nom de Stovarsol (de stove, qui veut dire « fourneau » en anglais). Il s'agit du premier médicament facilement absorbable par voie orale contre la syphilis, ce qui n'était pas le cas du Salvarsan. Le médicament a par ailleurs été conçu avec la collaboration des établissements Poulenc.
L'orsanine, ou 270 Fourneau, est un autre dérivé de l'arsenic pentavalent, qui a été utilisé dans le traitement de la maladie du sommeil. Cet isomère de position du stovarsol est le dérivé hydroxylé en position deux de l'arsacétine, elle-même dérivé acétylé de l'atoxyl. Découverte par Fourneau à l'Institut Pasteur de Paris, c'est Jean Laigret en 1925, à l'Institut Pasteur de Brazzaville, qui introduit l'orsanine dans le traitement de la maladie du sommeil. Ses propriétés trypanocides la plaçaient en tête des composés arsenicaux, avec un indice thérapeutique cinq fois supérieur à celui du Salvarsan, découvert par Paul Ehrlich en 1909
Il n'est pas aisé de retracer les recherches allemandes sur ces composés ; il n'existe pas d'archives officielles allemandes ayant subsistées et ce domaine de recherche qui semblait très prometteur à la sortie du conflit est rapidement tombé dans un degré de confidentialité des plus élevé. Les données les plus intéressantes que nous avons pu regrouper sont issues des Commissions interalliées d'Armistice et de quelques notes et rapports d'intervenants alliés en Allemagne (anglais, italiens ou français) ou de services de renseignement.
Les arsines ne sont pas des composés nouveaux en Allemagne. Les dérivés de l'arsenic sont connus de longue date pour leurs propriétés thérapeutiques et pour leur toxicité. En 1902, des médecins allemands introduisent l'atoxyl, un composé aniliné de l'arsenic, dans le traitement de certaines dermatoses. Puis en 1905, un Canadien et un Autrichien découvrent qu'il est efficace contre le trépanosome responsable de la maladie du sommeil, ce qui attire l’attention du bactériologiste allemand Paul Ehrlich. Avec le chimiste Alfred Bertheim et le bactériologiste Sahachiro Hata, ils explorent de nombreux dérivés de synthèse prochent de la molécule initiale. Dans les laboratoires de la firme Bayer, il synthétise et expérimente plus de neuf cents dérivés arséniés, dont le six cent sixième, ainsi dénommé 606 et dont Ehrlich et Hata signent ensemble la découverte en 1908, est introduit en 1911 contre la syphilis et se révèle très efficace. Amélioré secondairement en Néosalvarsan (néoarsphénamine), puis en Mapharsen (arsphénoxide), tous ces dérivés arséniés restent pendant une dizaine d'années le traitement de référence de la syphilis et donneront eux même naissance à de multiples dérivés.
Probablement peu de temps après la découverte des propriétés de l'Ypérite et toujours selon les rapports des Commissions d'Armistice, les chimistes allemands s'intéressèrent à des composés agressifs de faible volatilité avec un point d'ébullition élevé, qui devaient donner des composés agressifs plus efficaces et de persistance modérée, moins importante que l'Ypérite. On se porte alors par simplicité sur les composés arséniés déjà connus et déjà étudiés, comme certaines arsines liquides et des essais systématiques conduisent à la découverte des propriétés particulièrement agressives de certaines substances, irritantes et asphyxiantes, pour des concentrations particulièrement faibles. Ces propriétés motivent des recherches importantes sur certaines de ces arsines liquides. Des études plus sérieuses sont entreprises dans la foulée et après la mise en service d'une chambre de détonation et les premières séries d'expérimentation vont apporter des résultats importants. Des essais sont portés sur la série des arsines aromatiques susceptibles de résister à l'explosion d'un projectile et donc à des températures élevées de l'ordre de 350 à 400 °C, qui produisent des vapeurs à ces températures. En faisant détonner de la diphénylchloroarsine (cyanure de dyphénylarsine ou Clark I) puis en passant le nuage toxique produit au travers des cartouches de masque à gaz, on constate alors que la substance traverse sans problème le filtre de charbon. L'analyse du nuage toxique de la chambre de détonation montre des concentrations proches de 20mg/m3 bien plus importantes que dans la vapeur saturée (0,35mg/m3). C'est un résultat complètement inattendu qui laisse alors entrevoir une utilisation militaire de premier ordre.
Au microscope, on constate que le nuage est formé de particules solides dont le diamètre est inférieur à un dix millième de millimètre. La nature du phénomène est rapidement expliquée ; au moment de la détonation, la masse d'arsine est pulvérisée et volatilisée tandis que la chaleur de la réaction permet de la vaporiser. Si une partie du produit est détruite, le reste qui est à l'état de vapeur va se condenser en particules solides de dimension extrêmement réduite, capables de traverser la cartouche du masque. La concentration du nuage formé n'est pas très importante et ne permet que difficilement d'atteindre la concentration asphyxiante, mais le seuil irritant du composé est tellement bas qu'il doit rendre le port du masque insupportable et combiné simultanément à des substances toxiques, le résultat doit être imparable en mettant les hommes hors de combat, même protégés par un appareil de proctection.
Initialement, il était prévu de mélanger l'arsine à du phosgène mais les études rapidement conduites montrent que la diphénylchloroarsine est plus active seule, pulvérisée par une explosion intense au sein d'un projectile. La technique agressive ainsi mise au point parait alors tellement décisive que l'essentiel des efforts portés sur la production des gaz de combat se concentrent sur la production de diphénylchloroarsine en mai 1917. Toutes les ressources en arsenic du Reich sont réquisitionnées et un plan d'urgence est lancé pour obtenir le chargement d'un grand nombre de munitions en un temps record. L'Etat major allemand, tellement impatient de disposer d'une arme aussi prometteuse et capable de renverser la situation sur le front, décide de se passer d'essais complets et entérine l'introduction des nouvelles munitions dès que possible. Les premiers tirs ont lieu dès le 10 juillet 1917 et leur action se révèle alors si peu efficace qu'ils passent complétement inaperçue chez les Alliés. Les Allemands rencontrent en effet de sérieuses difficultés dans la dispersion de ces substances solides et dans la précipitation de leur introduction, ils ont fortement surévalué leurs capacités.
Le deuxième composé arsénié développé et utilisé en novembre 1917, possède des propriétés irritantes sur les voies respiratoires beaucoup moins marquées. Il a été utilisé essentiellement pour son action vésicante, qui diffère de l’Ypérite par sa rapidité d’action. L’action de l’Ypérite nécessite en effet un délai avant de mettre hors de combat une personne infectée. Ce délai dépend de la dose et dans tous les cas, aucun symptôme n’est observé pendant les 4 premières heures (pouvant même aller jusqu’à 12 ou 24 heures). Cette propriétés la rend particulièrement insidieuse mais réduit ses possibilités d’utilisation tactique. Le dichlorure de phénylarsine est donc chargé en projectile pour tirer profit de ses puissantes capacités vésicantes immédiates ; sous forme liquide, elle produit des rougeurs et une irritation importante de la peau au bout de quelques minutes. Au bout de quelques heures, apparaît ensuite de cloques extrêmement douloureuses, qui guériront au bout de plusieurs jours. En novembre 1917, André KLING identifie le premier chargement en dichlorure de phénylarsine (très proche du Clark I ; un noyau benzène étant substitué par un atome de chlore sur la liaison de l'arsenic).
C'est ensuite au printemps de 1918 que deux nouvelles arsines apparaissent, chimiquements proches, l'éthyldichloroarsine et l'éthyldibromarsine. Le Dick ou éthyldichlorarsine est utilisé au regard de sa volatilité bien plus importante que les autres dérivés arséniés. Elle atteind 22mg/m3 à 20°C et est supérieure au seuil d'irritation de 1,5mg/m3 et du seuil d'intoxication de 10mg/m3 (en comparaison le Clarck I à une volatilité quasiment nulle, de l'ordre de 0.35mg/m3 et en réalité très proche du seuil d'irritation). Elle permet une utilisation sans passer par la nécessaire vaporisation et condensation en fines particules solides comme le Clarck. Elle est ainsi utilisé comme agent irritant et vésicant dans des munitions qui ont une persistance sur le terrain bien supérieure à celle des autres arsines actives uniquement au sein du nuage formé par l'explosion du projectile.
Envisagé un moment, le cyanure de cacodyle ou dimethylcyanarsine, qui possède des propriétés de toxicité générale importantes et des capacités paralysantes, est finalement écarté en raison de sa facilité à s'hydrolyser qui grève sa possibilité d'obtenir des concentrations suffisantes sur le champ de bataille. Puis, en mai 1918, suite à l'introduction de disques de coton spéciaux dans les masques alliés ayant pour fonction d'arrêter les fines particules de Clarck I, on lui substitua la diphénylcyanoarsine (ou cyanure de diphénylarsine, CyanClark ou Clarck II) qui passait à son tour au travers des disques de coton (production lancée en février 1918). Ses propriétés irritantes sont très proches du Clarck I avec un seuil d'irritation très bas. Pour le Clarck I, une amélioration sera trouvée avec l'introduction en septembre 1918 de nouvelles munitions chargées d'un mélange de diphénylchloroarsine (Clark I) et de N-éthyl-Carbazol (pour moitié environ), censé décupler ses propriétés.
Finalement, les arsines allemandes ne conduisent pas aux effets attendus et les résultats furent généralement décevants. Selon les chimistes allemands interrogés dans les années 1920 sur cet échec, dont on retrouve le témoignage dans les rapports des Commissions interalliées et dans les notes du Colonel Vinet, une des raisons serait l'accoutumance aux propriétés irritantes des substances arséniés. L'organisme humain a en effet la capacité à s'accoutumer à l'effet des substances irritantes ; les chimistes allemands l'observèrent en pénétrant dans les ateliers de chargement de ces substances où les ouvriers y travaillaient sans inconfort alors que tout visiteur occasionnel ne pouvait supporter d'y rester, aveuglés immédiatement par l'irritation des yeux. Il est maintenant évident que les chercheurs allemands avaient surestimés l'effet des arsines étudiées et que leur introduction a été précipitée.
Bien d'autres raisons expliquent cet échec. La vaporisation et condensation nécessaire à l'éfficacité des Clarck dépendait de trop nombreux facteurs, très peu maitrisables dans le cadre d'un tir par munitions d'artillerie. L'introduction de nouvelles substances en mars 1918 comme le mélange liquide d'éthyldichlorarsine et de d'éthyldibromarsine fut un nouvel échec, alors que ces substances devaient agir sous forme de vapeur et non sous forme de fines particules, simplement dispersées par l'explosion d'un obus chimique à faible charge explosive (obus à gaine centrale, 20g de charge explosive dans la fusée et 145g dans le tube central, pour un obus de 40kg chargé de près de 4 litres d'agressif). La raison en est simple et est identique à celle qui explique en grande partie l'échec des munitions chimiques allemandes en 1915 et 1916 ; le nombre de munitions à utiliser sur une surface de front est considérable pour obtenir une concentration de vapeur suffisante par simple dispersion du toxique par explosion et épandage sur le sol. A l'inverse, les munitions françaises toxiques formaient à l’éclatement un nuage toxique fugace alors que les munitions allemandes laissaient finalement une partie de leur contenue sur le sol, retombant sous forme de fines gouttelettes. Cette quantité de toxique répandue à terre assurait la persistance de certaines munitions, mais empêchait d’obtenir un nuage toxique important et concentré. Même si cela n’avait que peu d’importance dans les tirs sur zone, battant de grandes étendues de terrain, utilisés principalement par les artilleurs allemands, cela grevait de beaucoup les tirs dits de surprise ou de harcèlement pour lesquels les munitionsdu type croix bleu étaient conçues. A l’inverse, les Français avaient réalisé que chaque nuage toxique, provoqué par l’explosion de l’obus, « agissait pour son compte », c’est à dire individuellement. Ainsi, il était inutile de chercher à créer un nuage d’ensemble. Ce nuage toxique se diluant par sa périphérie, plus son rayon était grand et plus le temps pendant lequel sa concentration restait élevée était important. Cette constatation qui incita probablement les Allemands à utiliser des munitions de fort calibre, ne garantissait pas d’obtenir des tirs efficaces. En effet, les chimistes français réalisèrent que c’était finalement la densité et la cadence du tir qui conditionnait le résultat. En ce sens, en plus d'une efficacité grevée dès le départ par la conception des munitions, la tactique utilisée par les artilleurs allemands devait encore en diminuer l'efficacité.
Un rapport du professeur Lebeau du 23 août 1918 précise en effet que des essais réels montrent un seuil d'irritation notable à partir de 0,05g/m3 pour le mélange utilisé en projectile. Le masque M2 (remplacé par l'ARS depuis début 1918) permet de tenir à peine une minute dans une concentration de 0,2g/m3, mais à 1g/m3, l'ARS permet de tenir à minima pendant 5 minutes. L'effet supposé des arsines "briseuses de masques" est alors inexistant, expliquant probablement leur utilisation en mélange avec l'Ypérite dans des projectiles à vocation vésicante. En revanche, leur délai d'action après un temps de latence de quelques minutes, permettait l'intoxication des sujets à une dose efficace sans qu'ils puissent s'en rendre compte, si le bombardement chimique par obus croix bleu n'était pas immédiatement décelé et le masque de protection mis en place dès le début du bombardement.
Sternutatoire et vomitif
Liquide visqueux brun foncé ; pur, cristaux blancs
Mai 1917
3364 tonnes
11 juillet 1917
Vésicant, sternutatoire, irritant et vomitif
Liquide
novembre 1917
Vésicant et sternutatoire
Août 1917
1092 tonnes
mars 1918
Cristaux prismatiques incolores.
Mai 1918
3571 tonnes
20 mai 1918
Wolfen
Höchst
Casella
Total :
1725 t
645 t
994 t
165 t, Août 1918
300 t, Septembre 1918
108 t, Août 1918
Mai 17
Août 17
Nov. 18
Nov 18
Production reconvertie pour le commerce après 1918.
1045 t
2526 t
144 t, Août 1918
Fév. 18
La Diphénylchlorarsine est utilisé pour sa production
150 t, Juillet 1918
Oct. 18
- Chlorure d'arsenic
- Hydrogène arsénié
- Oxyde de méthylarsine
- Chlorure de cacodyle
- Cyanure de cacodyle ou diméthylcyanarsine (écarté au profit de la diphénylcyanarsine ou clarck II, moins hydrolysable), malgré une toxicité générale intense et son action paralysante).
- Sulfocyanure de cacodyle
- Chlorovinyldichlorarsine, dichlorovinyldichlorarsine et trichlorovinyldichlorarsine, qui sont les Lewisites
- Phénylméthylchlorarsine
- Phénylarsine
- Triphénylarsine
- Chlorure de diphénylarsine ou Clarck I
- Dichlorure de phénylarsine
- Oxyde de phénylarsine
- Nitrophénylarsinedichloride
- Oxyphénylarsinedichloride
- Bromophénylarsinedichloride
- Phényldiméthylarsine
- Ether dithylique de la p-nitrophénylarsine
- Dichlorure de p-diméthylaminophénylarsine
- Dichlorure de naphtylarsine
- Bromure et iodure de diphénylarsine
- Acétate et formiate de diphénylarsine
- Acide diphénylarsinique
- Chlorure de phénarsazine ou Adamsite
Les États-Unis ne s’engagent dans la guerre contre l'Allemagne que le 2 avril 1917, mais ils se sont préparés à une éventuelle participation au conflit bien avant. L'usage de l’arme chimique dans le conflit a encouragé les Etats-Unis à développer des réponses et développer également un programme chimique dès le début de 1917. Une commission avait été fondée en 1910 pour enquêter sur les gaz asphyxiants et toxiques dans les mines. En février 1917, elle propose ses services au Comité militaire du Conseil national de la recherche (NRC). Le 3 avril, ce comité créait une sous-commission sur les gaz nocifs, composée d'officiers de l'armée de terre et de la marine, et de membres de la commission sur les produits chimiques du NRC, présidée par George A. Burrell, un ancien du Bureau des mines, devenu ainsi directeur de la recherche sur les gaz de combat en avril 1917. Les premiers travaux vont permettre d’élaborer un masque à gaz.
Ce groupe a rapidement manqué de chimistes. En mai 1917, le Bureau des mines a donc été autorisé à travailler avec les laboratoires de 21 universités du pays, trois entreprises et trois organismes gouvernementaux. Par ailleurs, un laboratoire central a été créé en juillet 1917 à la « Catholic University of America » de Washington. Les armes chimiques ont été développées et testées dans ce laboratoire connu sous le nom de « American University Experimental Station ». Pour rattraper l'avance technique allemande, les laboratoires américains vont être « militarisés », c'est à dire intégrés à l'armée.
Les universités vont alors se voire directement chargées de contribuer à l'effort de guerre chimique, les laboratoires devenant une nouvelle subdivision du service de la guerre chimique, au sein de l'US Army. Ce sont finalement plus de 10% des équipes universitaires en pharmacochimie des États-Unis qui sont alors directement impliquées dans la recherche d'armes chimiques durant la fin de la Première Guerre mondiale. Ainsi, en 1918, dans différentes universités, plusieurs laboratoires regroupant des universitaires et spécialistes en chimie travaillent d'arrache-pied à la recherche de nouveaux agressifs chimiques. C'est ainsi qu'a la fin de la guerre, deux laboratoires différents vont découvrir les deux composés arséniés parmi les plus agressifs.
A la Northwestern university, Winford Lee Lewis fait partie de ces chercheurs. Il a quitté l'université Northwestern en 1918, où il avait été professeur associé de chimie, pour devenir le directeur de la Direction générale des offensives de la nouvelle unité de guerre chimique à la « Catholic University of America ». Cette unité, appelée Unité organique n°3, constituée en urgence, s'est vu confier la tâche d'inventer de nouveaux gaz, notamment rendu plus toxiques par des composés arsenicaux. En avril 1918, le révérend John Griffin suggère à Lewis d'étudier la thèse de doctorat d'un prêtre étudiant chimiste au début du XXe siècle et tout particulièrement les expériences faites avec de l'arsenic trichloré, de l'acétylène et un catalyseur, qui avaient failli le tuer. Lewis a repris ces travaux qui documentait la formation de substances arséniées "extrêmement toxiques", pour reproduire l'expérience et purifier les produits de la réaction. Il identifia ainsi trois composés de la classe des chlorovinylarsines, dont l'un semblait posséder des propriétés plus intéressantes que les deux autres, découvrant ainsi le caractère particulièrement agressif de la chlorovinyldichloroarsine en avril 1918. Ces substances porteront ensuite son nom, Lewisite 1,2 et 3.
La Lewisite produit des symptômes proches de ceux de l'ypérite, mais plus graves, cicatrisant moins bien, et qui surtout apparaissent très vite après l'exposition, handicapant plus rapidement les victimes. Purifiée, elle est un liquide incolore et huileux à température ambiante avec une légère odeur de géranium. Avec un point de congélation compris entre -18°C et 0°C, la Lewisite est efficace sur une plage de température bien plus large que l'Ypérite. L'essentiel des travaux du laboratoire de chimie de l'Université catholique d'Amérique à Washington pendant la fin Première Guerre mondiale vont s'orienter vers l'évaluation des arsines substituées comme agressif chimique. Ensuite, Lewis et son groupe ont travaillé pour mettre au point une technique de production plus sûres et plus efficaces et ont élaboré le procédé d'industrialisation à grande échelle, en utilisant du mercure (du chlorure mercurique) pour la catalyse et divers additifs. Une usine de production a été construite à Willoughby dans l'Ohio, et environ 150 tonnes de Lewisite étaient en transit vers l'Europe lorsque l'Armistice a été signé en novembre 1918. Le navire aurait finalement largué sa cargaison en mer.
Largage de Lewisite en mer. L’immersion en mer de stocks d’armes chimiques désuets a été une technique très utilisée après la Première guerre mondiale et jusqu’à la fin du XXe siècle. Cette technique, peu couteuse et jugée non dangereuse à cette époque, était particulièrement discrète et ne laissait (pensait-on) pas de traces. Aucune précaution ne fût prise pour la préservation des fonds sous-marins et personne n’imaginait alors l’impact que cela aurait sur l’environnement.
Après guerre, Lewis poursuivit ses études de la lewisite et les arsines. Il décrit ses travaux sur dans un article qu'il a co-écrit avec HW Stiegler en 1925 pour le "Journal of the American Chemical Society".
A l'université de l'Ilinois, Roger ADAM qui travaille également sur les composés arsénieux explore la voie inédite (en tout cas le pense t-il...) des Phénarsazines, en privilégiant ceux qui paraissent avoir la structure chimique la plus toxique, au travers des dérivés halogénés et cyanurés de cette famille. Dans ce groupe d'arsines hétérocycliques halogénées, les dérivés synthétisés les plus toxiques sont les dérivés chlorés (en comparaison au fluor, au brome et à l'iode). C'est ainsi qu'est développé en priorité le chlorure de diphénylaminarsine qui sera nommé par la suite Adamsite ou DM. Ce produit a pourtant été synthétisé pour la première fois en Allemagne par Heinrich Otto Wieland en 1915, mais il n'a pas retenu l'attention des chimistes allemands à cette époque, probablement car se présentant sous une forme solide à température ordinaire tout en ayant une toxicité non exceptionnelle. Ses propriétés qui le rendent particulièrement intéressant pour un usage comme agressif de combat et qui ont retenues les chimistes américains et allemands à la fin du conflit son les suivantes : grande résistance à l'hydrolyse, grande résistance à de hautes températures et possibilité de la chauffer pour obtenir des particules très fines. L'agent nommé DM a été produit et stocké par les Américains en grande quantité à la fin de la Première Guerre mondiale, mais jamais déployé sur le champ de bataille.
A la fin de la Première guerre, le développement des arsines comme substances agressives était pleinement lancé. Pour la plupart des pays investis dans les recherches sur les armes chimiques, leur potentiel était encore à découvrir et à développer. Elles réunissaient toutes les caractéristiques pertinentes pour un agressif militaire au travers de leurs multiples propriétés (irritantes, sternutatoires, vomitives, vésicantes, toxiques, suffocantes...). Elles agissaient à des concentrations particulièrement faibles et pouvaient traverser le filtre des appareils respiratoires. Elles furent ainsi l'objet de nombreuses recherches. Dans cette famille chimique, la frontière entre les agressifs à vocation militaire et les médicaments parmi les plus prometteurs était par ailleurs très limitée, donnant s'il en était besoin, une raison supplémentaire à leur étude.
Essais de dissémination d'arsines par émission en chandelle. Angleterre, Porton-Down.
L'usage par les Services chimiques français est développé sur cette page : Les services chimiques françaisdans l'entre-deux guerre
De très nombreux dérivés seront étudiés pour un potentiel usage militaire. Les Services chimiques français en synthétisèrent et étudièrent plusieurs centaines. Certains composés, comme la chlorophénoxarsine se révélèrent même plus irritants que l'Adamsite, mais en réalité, la stabilité de cette dernière se révéla un atout majeur pour son utilisation. Et finalement, se sont essentiellement et simplement deux composés qui seront militarisés, l'Adamsite ou DM et la Lewisite par tous les belligérants développant l'arme chimique.
Pendant la deuxième guerre mondiale, L'Allemagne nazi synthétisa 4000 tonnes de DM et développa des munitions chimiques où l'Adamsite fut mélangé avec du Clarck I. Elle adopta également des engins français à vaporisation de 3 et 16 kg.
Les Anglais et les Américains possédaient également des engins à vaporisation d'arsine. Ils consistaient à un mélange d'Adamsite et de poudre qui pendant leur combustion, formaient des aérosols de particules de l'ordre du micron, non arrêtées par le charbon actif des cartouches. L'Angleterre avait réalisé des essais avec l'utilisation de 15 tonnes de DM dans le Nord de l'Ecosse sur la mer du Nord.
Les Services chimiques français réussirent la mise au point d'engins à vaporisation de DM du type "coulé à froid", appelés engins Z5. Leur chargement été constitué par un mélange de DM, de perchlorate d'ammonique et de sirop d'urée Nobel. L'ensemble, sous forme d'un mélange pâteux, coulé dans la carcasse d'engins, prenait en masse. Leur combustion permettait la formation de nuages extrêmement agressifs. A titre d'essais, une émission réalisée en Algérie à B2 Namous en 1938, sur une base de 1km, au moyen de 320 engins Z5 de 15kg chargés chacun de 4,850 kg de DM, a produit un nuage de 5km de large à 50 km du point d'émission, rendant le port du masque obligatoire. Les derniers perfectionnements des engins Z5 consistaient à l'addition d'huile d'anthracène à la charge, rendant nettement plus difficile l'arrêt des particules par les filtres spéciaux. Cette technologie, issue des recherches au laboratoire de Dispersion du Bouchet, fut l'objet de tractations avec les Allemands entre 1940 et 1944.
Engin Z5 français pour dispersion d'Adamsite en chandelle
A la fin de la Première Guerre, la France n'avait utilisé aucune substance irritante à type d'arsine. Il fut envisagé d'étudier la vaporisation de arsines en commençant par le produit utilisé par les Anglais, la DM ou Diphénylaminochlorarsine. L'atelier de Pyrotechnie du Bouchet étudia un engin analogue aux chandelles anglaises et mis au point en 1923 une chandelle de 1 kg en mélange comprimé. L'amorçage fut mis au point en 1925 en liaison avec l'École centrale de Pyrotechnie de Bourges. Des procédés de dosage pour de très petites quantités de produits furent mis au point, des appareils de prélèvement d'atmosphère pouvant fonctionner à distance furent réalisés. L'étude de la vaporisation par mélange chauffant fut appliquée à un grand nombre de substances. Les engins utilisant un mélange comprimé furent abandonnés au profit d'engins coulé qui permettaient la fabrications et la dispersion de grandes quantités de toxiques. Ces engins furent essayés dès 1930 en Algérie mais se révélèrent décevant. Le laboratoire de dispersion du Bouchet fut créé en janvier 1932 et du reprendre l'intégralité de ces études. Un nouvel appareillage permit d'étudier au microscope la dimension des particules et leur aptitude à floculer dans les conditions variées de formation du nuage. Puis, des méthodes de prélèvement de nuage, par précipitation électrique sur des plaques de verre et de dosage des produits obtenus par spectrographie ou par colorimétrie, seront mises au point. Les essais à Béni-Ounif permirent de préciser dès 1932 le taux de compression à faire subir à la substance, puis le taux de remplissage. Le degré de tamisage des poudres fut déterminé avec le même soin, puis l'influence des impuretés sur la dispersion du produit agressif défini. On testa des chandelles obtenues par compression, puis par coulage à chaud et enfin à coulage à froid à l'aide de résines synthétiques. La densité d'engins à mettre en œuvre fut ensuite étudiée a Béni-Ounif. L'ensemble de ces quinze années d'études permit la mise au point des engins Z5 et leur efficacité toute particulière dû au mode de fabrication.
Les Services chimiques français réussirent également à militariser la DM sous forme de munitions chimiques d'artillerie. La dispersion réalisée par la détonation des munitions se révéla peu efficace. Pour pallier cette difficulté, un obus dit à "dépotage" fut mis au point. La munition, pendant sa trajectoire, détonnait et larguait un pot chargé en DM, qui tombait au sol et se consumait, libérant son nuage agressif de DM. Ce procédé fut récupéré après 1940 par l'Allemagne nazi.
La Lewisite a été l'objet d'études importantes en Angleterre et en France avant 1940. Elle fut chargée en Angleterre, aux Etats-Unis, en Russie et au Japon. Sa fabrication en France était prévue mais elle ne fut produite qu'en petite quantité. Elle fut chargée en obus, grenades et bombes d'avion, parfois mélangée avec l'Ypérite (Ypérite HL des Anglais). Son utilisation par épandage à l'aide de camion a été développé pat l'Angleterre. Les Allemands préférèrent développer la trichloréthylamine (développée par les Services chimiques français), chargée en obus et rockets.
L'intérêt de l'utilisation des arsines dispersées sous forme d'aérosol résidait notamment dans leur capacité à traverser les filtres en charbon actif. Toutes les nations ont mené des recherches pour trouver un filtre spécial et l'associer au filtre de charbon existant. Les Allemands ont utilisé de la bourre de coton amianté et des feutres imprégnés d'abiétate d'alumine puis, plus tard, du papier amianté. Les Américains ont adopté un filtre en laine minérale pour les masques civils et un papier de coton amianté pour les modèles militaires ; le papier amianté permet en effet de réaliser des surfaces filtrantes plus grandes et d'obtenir une dépression plus faible qu'avec les autres matières.
En France, après l'adoption d'un papier d'alfa spécial et malgré de nombreuses améliorations, comme un colmatage préalable avec des fumées d'indigo, on ne retenait pas plus de 90% des particules d'arsines. Le Laboratoire de Protection du Bouchet réussit à mettre au point un filtre en papier à pâte pure d'alfa dans laquelle on incorporait 3 à 5% de fibres d'amiante du Cap, dite "Amosite", précédé d'un filtre en papier hydrofuge. Les fibres d'amiante ont été adoptées en raison de leur finesse de 1 micron, contre 20 pour les fibres d'alfa. En 1940, la Laboratoire du Bouchet étudiait la réalisation d'un papier amianté et carboné capable d'arrêter à la fois les vapeurs et les aérosols.
Evolution des cartouches de protection françaises. A gauche, une cartouche de masque ARS standard sans protection contre les arsines. Au centre, une cartouche d'ARS équipée de sa galette additionnelle modèle 1933 ; premier modèle arrêtant les arsines sous forme d'aérosol, mais pas en totalité. A droite, cartouche modèle 35M, adoptée en 1935 à la suite des travaux au Bouchet.
Connue depuis le milieu du XIXe siècle (Synthétisée par le chimiste autrichien Bayer en 1858).
Propriétés physiques : Liquide incolore. Point d'ébullition 132°. Volatilité à 20°C : 74,44mg/m3. Miscible au phosgène.
Propriétés physiologiques : Odeur suffocante. Irritant, vésicant. Seuil d'irritation : 2mg/m3. Seuil d'intoxication : 25mg/m3. Produit de mortalité ; 3000 selon Muller., 5.600 pour 10 minutes selon Prentiss. Dose mortelle : 24mg.
Sa forme liquide provoque rapidement l'apparition de vésicules cutanées. Ses vapeurs et cela dès 2mg/m3, provoquent une irritation nasale qui fait éternuer puis qui s'étend douloureusement à toute la poitrine. A 25mg/m3, le séjour en atmosphère contaminée devient absolument insupportable. Au-delà, des lésions pulmonaires irréversibles peuvent apparaître et finalement provoquer la mort.
Sa synthèse est revendiquée par deux chimistes polonais en 1927, gryszkiewicz et trochimowsky, travaillant à l'Institut de recherche des armes chimique polonaise.
Propriétés physiques : C'est un solide fondant à 115,5°C.
Liquide dont le point d'ébullition est de 106,5°C. Considéré comme beaucoup moins actif que le composé monométhylé.
Synthèse revendiquée par deux chimistes allemands en 1921, Wilhelm Steinkopf et Gustav Schwen de l'Institut de chimie organique de de Dresde. C'est un composé liquide bouillant à 128-129°C.
Obtenu par le chimiste allemand Bunsen en 1841.
Il fut développé par l'Allemagne pendant la Première guerre, mais n'a pas été chargé en munitions, car trop facilement hydrolysable. Il a été écarté au bénéfice de la diphénylcyanarnise (Clark 2). Ses propriétés ont été décrites par Ferdinand Flury (qui a également travaillé sur la mise au point du zyklon B), un chimiste allemand. C'est une substance moins irritante que la Clark 2, mais présentant des propriétés de toxicité générale intense et devenant paralysant à forte concentration. 1mg/m3 entraine des nébulosités cornéennes guérissables.
C'est un composé connu dont la synthèse a été étudiée et décrite par plusieurs chimistes avant le conflit (La Coste en 1882 et Dehn en 1908). La Coste décrit un composé très dangereux dont les vapeurs provoquent des difficultés respiratoires, des pertes de connaissance ainsi que des paralysies persistantes et des insensibilités des extrémités. Il décrit également l'irritation violente des muqueuses, du nez, des yeux et des oreilles ainsi que les brûlures qui forment de douloureuses cloques sur la peau.
Sa préparation dans l'industrie chimique allemande est différente des synthèses décrites auparavant ; c'est un processus relativement complexe, qui nécessite de nombreuses opérations, cependant parfaitement maitrisés déjà avant le conflit au travers de la synthèse d'autres composés arséniés utilisés comme produits commerciaux en tant que médicaments.
Propriétés physiques : liquide incolore jaunissant à l'air. Point d'ébullition 157°C. Volatilité à 20°C : 22mg/m3. Soluble dans les solvants organiques, aux autres arsines, à l'éther dichlorométhylique, au phosgène.
Propriétés physiologiques : Seuil de perception à l'odorat : 0,5mg/m3. Odeur nettement perçue à 1mg/m3, avec une odeur fruitée agréable. A cette concentration, une légère irritation apparaît au niveau du nez en quelques minutes. Seuil d'irritation : 1,5mg/m3. A 2mg/m3, l'irritation devient très forte. Seuil d'intoxication : 10mg/m3 ; une minute à cette concentration rend l'irritation intolérable. A des concentrations plus élevées, on observe une grave détresse respiratoire et des douloureuses crampes au niveau de la poitrine. A des concentrations de plus de 400mg/m3, les lésions entraînent fréquemment la mort du sujet. Produit de mortalité : 3000 mg/minutes. Dose mortelle : 24mg. Des documents français de la période 1939-1940 la présente comme un composé aussi toxique que le phosgène mais moins actif en raison de sa faible volatilité.
Données modernes : LCt50 entre 3000 et 5000 mg/mn/m3. Concentration incapacitante moyenne ICt50 entre 5 et 10mg/mn/m3.
Sur la peau et les muqueuses, les vapeurs provoquent des irritations pour des concentrations importantes supérieurs à 100mg/m3. En revanche, sa forme liquide et pour quelques mg, donnes-en quelques minutes une rougeur et des irritations importantes, puis en trois à quatre heures, des vésications et des cloques. Elles guérissent habituellement facilement.
Obtenu par action de l'acétylène sur le trichlorure d'arsénic, c'est un liquide bouillant à 93-94°C.
Propriétés physiologiques : Irritant et vésicant, traversant à l'état liquide la toile et le caoutchouc.
On distingue habituellement trois types de Lewisite, appelées Lewisite 1, Lewisite 2 et Lewisite3.
La préparation industrielle allemande datant de la Première guerre (selon les sources du colonel Vinet, mais nous ignorons si d'autres types de synthèse ont été étudiés) est réalisée par l'action de l'arsenic trichloré sur l'acétylène en présence de trichlorure d'aluminium servant de catalyseur. Par l'action de l'acide chlorhydrique, l'hydrolyse produit trois composés qui sont les trois Lewisites. Dans cette méthode, la Lewisite 3, la moins active prédomine. Le chlorure d'aluminium anhydre utilisé possède une réactivité intense qui rend les réactions compliquées et dangereuses, avec de nombreuses réactions secondaires indésirables qui conduisent à la dégradation du produit. La réaction dégage une chaleur considérable et de violentes explosions peuvent parfois se produire. Enfin, cette difficulté à maîtriser la réaction conduit à la formation de grandes quantités de Lewisite secondaire et tertiaire, de goudrons et d'autres matériaux explosifs, alors que seule la Lewisite primaire est désirée. Lewis, en 1918, semble avoir utilisé une méthode de synthèse qui s'affranchie des problèmes précédents lors des réactions secondaires indésirables, en recherchant des catalyseurs moins actifs que le chlorure de magnésium. Il utilisa une solution de chlorure mercurique dans de l'acide chlorhydrique qui donna satisfaction, en baissant la température de réaction. Dans les années 1930 à 1940, la France travailla sur différents types de procédés de synthèse, notamment avec du cyanure cuivreux et du chlorure cuivreux, pour lesquels la température de réaction était encore élevée et qui rendait le processus instable. Finalement, il semble qu'en mai 1940, la production sur le site de Boussens utilisa la technique de Lewis avec quelques modifications, en se servant du chlorure mercurique et du cyanure mercurique.
Propriétés physiques : liquide incolore à l'état pur. Point de fusion : -18°C. Point d'ébullition 190°C. Tension de vapeur à 20°C : 0,394mm. Volatilité à 20°C : 2300mg/m3. Solubilité dans l'eau faible. 0,5g/100). Soluble dans le benzène, alcool absolu, huile d'olive et autres solvants organiques. Miscible au phosgène.
Propriétés chimiques : hydrolyse rapide au contact de l'eau. La chaleur augmente la rapidité de cette hydrolyse. Les métaux sont attaqués lentement.
Propriétés physiologiques : Odeur âcre de géranium. Irritant et vésicant. Seuil d'irritation 0,8mgr/m3 selon Prentiss. Seuil de perception supérieur à cette concentration : 14mgr/m3. Concentration mortelle : 48mgr/m3. Produit de mortalité : 1500mgr/minute selon Muller, 1200 pour 10 minutes selon Prentiss. Un séjour de 5 minutes dans une concentration de 300 à 500 mg/m3 est mortelle. La LCT50serait de l'ordre de 1300mg/mn/m3, l'ICT50 d'environ 300mg/mn/m3. Son action vésicante s'exerce immédiatement, contrairement à l'Ypérite, provoquant un érythème en quelques minutes.
C'est un puissant toxique vésicant qui possède une forte action irritante des yeux, du nez, de la gorge, des tissus conjonctifs et des muqueuses. Son action respiratoire peut provoquer un œdème pulmonaire quelques heures après l'exposition. Dans une atmosphère contaminée, son action fait immédiatement tousser et pleurer. Puis une sensation de brûlure apparaît rapidement au niveau des yeux avec émission de larmes, sensation de présence d'un corps étranger jusqu'à un trouble de la cornée qui disparaît au bout d'une dizaine de jours. A haute concentration, elle est absorbée par la peau pour produire des effets systémiques notamment sur le système respiratoire.
Sa toxicité se différencie de celle de l’ypérite par l’immédiateté de l’irritation ou de la sensation de brûlure des yeux, de la peau et de l’appareil respiratoire. L’apparition en moins de 5 minutes sur l’épiderme, de zones grisâtres est pathognomonique de la contamination percutanée par la lewisite. La vésication et les lésions sont plus rapides et profondes qu’avec l’ypérite. Par voie percutanée, la DL50 est de 35 mg/kg (soit 2,5 g pour un adulte de 70 kg). Les vésications apparaissant pour des doses déposées sur la peau de 14 mg. Contrairement à l’ypérite, la lewisite n’a pas d’effet radiomimétique sur la moelle osseuse mais au plan général, elle entraîne de la somnolence et des troubles nerveux périphériques, des troubles digestifs (vomissements et diarrhée), une hémolyse provoquant une anémie avec répercussions hépatiques et rénales, et des troubles de la perméabilité capillaire responsable d’une hémoconcentration et d’un état de choc potentiellement létal.
Propriétés physiques : liquide clair à transparent, coloré en jaune par la présence de Lewisite 1. Point d'ébullition : 230°C. Insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool et les solvants organiques.
Propriétés physiques : s'hydrolyse au contact de l'eau.
Propriétés physiologiques : moins active que la Lewisite 2, quoi que son action irritante semble supérieure. Sa toxicité et son action vésicante sont moins importants que la Lewisite 1.
Propriétés physiques : solide sous forme de gros cristaux. Point de fusion : 21°C. Point d'ébullition : 260°C. Solubilité dans l'eau nulle. Soluble dans les solvants organiques sauf l'alcool.
Propriétés chimiques : ne s'hydrolyse pas au contact de l'eau. Est décomposé à la température d'ébullition de 260°C.
Propriétés physiologiques : Très nettement moins active, irritante et toxique que les deux autres Lewisites.
Etudiée après la première guerre par Lewis et Stiegler. Elle constitue une masse semi-solide avec des prorpiétés irritantes marquées.
Etudié par Lewis.Substance visqueuse jaune-brun, soluble dans l'alcool et insoluble dans l'eau, d'odeur repoussante. Propriétés irritantes sur les muqueuses.
Etudiée par Lewis et Stiegler. Liquide.
Etudiée par Lewis et Stiegler. Substance huileuse et inodore, qui présente un pouvoir toxique intense.
Etudiée par Paul John Hanzlick, pharmacologue américain et Quick et Adams (Etats-Unis). C'est une arsine huileuse, bouillant à 192-194°C.
Etudiée par Steinkopf en Allemagne après-guerre. Elle est liquide et présente un pouvoir irritant intense.
Obtenue par l'action de l'acétylène sur la méthyldichlorarsine. Vésicant énergique entraînant des lésions difficilement guérissables.
Analogue à la précedante
Divisées en trois catégories : les arsines phénylées, les arsines styrylées et les arsines azotées
Les Allemands la synthétise à partir de l'oxyde diphénylarsinique obtenu en partant du chlorure de diazobenzol et de l'arséniate de sodium, sur lequel ils font agir l'acide chlorhydrique. Les Alliés utilisent l'action du trichlorure d'arsenic sur la triphénylarsine en partant du chlorobenzène.
Propriétés physiques : à l'état pur, elle se présente sous forme de cristaux blancs, mais le produit industriel prend la forme d'un liquide brun foncé se transformant avec le temps en une masse visqueuse. Point de fusion : 38,9C. Point d'ébullition : 333°C. Volatilité à 20°C insignifiante : 0,35mg/m3. Faiblement soluble dans l'eau, soluble dans les solvants organiques comme le benzène, l'alcool, le tétrachlorure de carbone. Miscible au phosgène et à la chloropicrine. Se décompose rapidement au contact de l'eau en donnant de l'acide chlorhydrique et un oxyde de phénylarsine toxique. Cette réaction est lente dans une atmosphère simplement humide.
Propriétés chimiques : elle s'hydrolyse lentement en contact avec de l'eau. Elle résiste très bien à la chaleur jusque 350°C. Cette propriété permet ainsi son chargement en projectile, d'autant qu'elle résiste très bien à la détonation et qu'elle ne réagit pas avec les métaux.
Propriétés physiologiques : Irritant. Seuil de perception : 0,2mg/m3. Seuil d'irritation : 0,1mg/m3 (Muller), 0,5mg/m3 (Prentiss). Seuil d'intoxication : 1mg/m3. Produit de mortalité : 4000mg/minute. Indice de concentration dangereuse ; 4000 (Muller), 15000 pour 10 minutes selon Prentiss. Dose mortelle : 32mg.
Données récentes : Concentration moyenne irritante : 12mg/mn/m3. LCt50 : 15000 mg/mn/m3.
Elle provoque une extrême irritation du nez, de la gorge et des voies respiratoires après un temps de latence de quelques minutes qui permet l'intoxication des sujets à une dose efficace sans qu'ils puissent s'en rendre compte. Ces symptômes s'amplifient, même soustrait de l'atmosphère contaminée, pour atteindre leur intensité maximale après 5 à 15 minutes. L'irritation débute par les voies aériennes supérieure, provocant un écoulement nasal important, puis gagne la gorge provocant une toux incoercible avec une sensation d'étranglement, une intensification de la sécrétion des glandes salivaires. On observe des nausées importantes suivies de vomissements prolongés et douloureux. Quand l'irritation se propage aux sinus, elle cause de fortes douleurs aux tempes et une sensation de compression dans le crâne et de surpression dans les oreilles ainsi que de fortes douleurs maxillaires et dentaires avec des crampes de la mâchoire. L'irritation pulmonaire donne un sentiment d'oppression accompagné de violentes douleurs sternales, puis une grave détresse respiratoire.
Ces symptômes, en cas d'exposition légère, diminuent après environ 30 minutes d'exposition en atmosphère décontaminée pour disparaître après une ou deux heures. Pour de plus hautes concentrations, l'irritant est susceptible de provoquer de graves lésions pulmonaires pouvant se révéler mortelles.
On observe également une atteinte du système nerveux, avec des perturbations motrices, des troubles de l'équilibre associés à de violentes douleurs dans les membres. Des perturbations du métabolisme sont décrites avec un amaigrissement très important chez les sujets exposés, plusieurs semaines après l'intoxication.
Liquide à température ordinaire ; température d'ébullition de 255°C. Ce composé est essentiellement irritant, sternutatoire, vomitif et puissamment vésicant à l'état liquide. Le seuil d'irritation selon les services chimiques français est de 5mg/m3 et elle devient suffocante pour 50mg/m3. Des données plus actuelles situent le seuil d'irritation autour de 15mg/m3 et une LCt50 de 2,6g/mn/m3 par inhalation. Toujours à l'état de vapeurs, la LCt 50 selon des données plus actuelles se situe autour de 2500mg/mn/m3. A la concentration de 1,8g/m3, l'action vésicante se fait ressentir au travers de ses vapeurs et irrite fortement la peau, mettant hors de combat toute personne exposée en quelques minutes. Des phlyctènes se forment rapidement, en quelques heures et se gonflent de sérum clair. Les cloques sont douloureuses mais guérissent en général plus rapidement qu'avec l'Ypérite. Par contact direct avec la peau, les rougeurs évoluent en quelques minutes en cloques douloureuses. Les lésions ophtalmiques laissent souvent des séquelles pouvant évoluer jusqu'à la cécité.
Elle a été principalement utilisée pour son action vésicante ; son seuil d'irritation sur les voies aériennes est en effet 50 fois plus élevé que celui des arsines utilisées comme sternutatoires (pour le Clarck I). Son avantage en comparaison à l'Ypérite est d'avoir une action pratiquement immédiate, mettant hors de combat en quelques minutes les combattants exposés, alors que l'action de l'Ypérite peut prendre 24 à 48 heures.
Solide en cristaux blancs fondant à 54°C, présentant des propriétés analogues à celles du composé chloré (diphénylchlorarsine), mais moins actif.
Sa synthèse industrielle est réalisée en Allemagne à partir de la diphénylchlorarsine par action du cyanure de potassium à chaud.
Propriétés physiques : elle se présente sous forme de cristaux prismatiques incolores. Point de fusion 31°C. Point d'ébullition : 377°C. Tension de vapeur à 20°C : 0,0002mm de Hg. Volatilité à 20°C très faible : 0,16mg/m3. Miscible au phosgène. Quasiment insoluble dans l'eau, mais parfaitement dans les graisses et leurs solvants.
Propriétés chimiques : Très stable ; hydrolyse partielle avec l'eau.
Propriétés physiologiques : odeur d'ail et d'amandes amères caractéristique. Seuil de perception : 0,01mg/m3 mais jusque 0,005mg/m3 pour certains auteurs. Seuil d'irritation : 0,1mg/m3. Seuil supportable : 0,25mg/m3. Seuil d'intoxication : 16mg/m3. Dose mortelle : 32mg. Produit de mortalité : 4000 (selon Muller), 10000 pour 10 minutes (selon Prentiss). Des données plus modernes suggèrent une concentration moyenne irritante de 30mg/mn/m3 pour 30 secondes ainsi qu'une concentration létale moyenne LCt de 10000mg/mn/m3.
Les données françaises avant 1940 la considèrent comme suffocante vers 150mg/m3 pour un seuil d'irritation de 0,1mg/m3.
C'est donc l'agent irritant le plus efficace utilisé pendant la première Guerre.
Développée dans l'entre-deux guerre. Seuil d'irritation très bas, devenant intolérable vers 0,01mg/m3. A la dose de 2mg/m3, elle est intolérable dès 1 minute d'exposition.
Liquide, bouillant à 108-110°C.
Critaux fondant à 53°C. Irritant cutané et irritant des muqueuses.
Non développées ici.
Propriétés physiques : Substance cristallisée de couleur vert foncé ou jaune, selon les auteurs. Point de fusion : 193-195°C. Point d'ébulition : 410°C. Solubilité dans l'eau nulle. Peu soluble dans les solvants ordinaires. Insoluble dans le phosgène. Volatilité : 0,02mg/m3.
Propriétés chimiques : Hydrolyse très lente à l'eau et donc considéré comme très résistant. Soluble dans les solvants organiques usuels. Très résistant à la chaleur, au moins jusque 370°C sans être décomposé.
Propriétés physiologiques : pratiquement inodore. Seuil d'irritation : 0,1mg/m3. Seuil d'intoxication 0,4mg/m3. 0,1 à 2,5mg/m3 provoquent une irritation des voies aériennes supérieures en quelques minutes. A la dose de 50mg/m3, l'exposition devient intolérable en moins de 30 secondes. Produit de mortalité : 30000 pour 10 minutes selon Prentiss. 30 minutes à 0,4g/m3 provoque la mort expérimentale des gros animaux. Certains documents plus récents évoquent une concentration mortelle de l'ordre de 15000mg/mn/m3. Son seuil d'irritation est très bas, mais sa volatilité est infime, ainsi son action n'a été envisagée qu'avec des poussières solides du composé extrêmement fines. ICt 50 : 22 à 150mg/mn/m3 selon des données américaines récentes. LCt 50 : 13000 à 15000mg/mn/m3.
Les effets physiologiques de l'Adamsite sont décrits comme semblables à ceux des arsines irritantes utilisées pendant la Première Guerre mondiale, Clark I et Clarck II. Ces effets irritants sur les voies aériennes supérieures sont un obstacle au port du masque ; leur durée d'action est décrite comme étant moins importante. Les aérosols d'Adamsite faiblement concentrés provoquent une irritation limitée aux voies aériennes supérieures mais une concentration plus élevée touche les voies aériennes inférieures et irrite la peau. En comparaison aux effets du Clarck I, la DM met plus de temps avant d'agir.
Comme pour les autres agressifs irritants de la même famille, les premiers symptômes sont une sensation de démangeaison dans les narines. Suit une irritation du nez, de la gorge et des voies respiratoires après un temps de latence de seulement deux à trois minutes qui suffit à permettre l'intoxication des sujets à une dose efficace sans qu'ils puissent s'en rendre compte. Ces symptômes s'amplifient, même soustrait de l'atmosphère contaminée, pour atteindre leur intensité maximale après 5 à 10 minutes. L'irritation débute par les voies aériennes supérieure, provocant un écoulement nasal important, puis gagne la gorge provocant une toux incoercible avec une sensation d'étranglement, une intensification de la sécrétion des glandes salivaires. On observe ensuite des nausées importantes suivies de vomissements incoercibles. Quand l'irritation se propage aux sinus, elle cause de fortes douleurs aux tempes et une sensation de compression dans le crâne et de surpression dans les oreilles ainsi que de fortes douleurs maxillaires et dentaires avec des crampes de la mâchoire, accompagnés de maux de tête frontaux devenant insupportables. L'irritation pulmonaire donne un sentiment d'oppression accompagné de violentes douleurs sternales. On décrit également une impression de vertiges avec des perturbations motrices et des frissons qui parcourent tout le corps. Les effets systémiques apparaîssent après environ 30 minutes d'exposition : maux de tête, transpiration, frissons, nausées, crampes, vomissements et durent plusieurs heures.
Des dérivés de l'Adamsite ont été synthétisés et étudiés pour leurs propriétés agressives. La littérature de l'entre-deux-guerres permet d'en faire une liste. Il semble que tous les dérivés halogénés aient été envisagés. Le fluorure de Phenarsazine (publication de Gibson aux Pays-Bas), le bromure (en Allemagne par Bayer), l'iodure (Allemagne). Leurs propriétés physiologiques semblent analogues, sans qu'aucun ne dépasse en stabilité l'Adamsite.
Selon Lewis et Turner (Etats-Unis), c'est un composé aux propriétés analogues de l'Adamsite, mais compliqué à synthétiser et d'un prix de revient élevé.
Même remarque que le chlorure de Phenoxarsine
Obtenu par l'action de la diphnénylamine sur la Lewisite I, ce composé est un solide fondant à 186-187°C soluble dans le xylène et l'alcool absolu, présentant des propriétés lacrymogènes.
Le chlorure d'arsacridine est un irritant de la peau et des muqueuses.
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