P. Labrude
Professeur honoraire de l'Université de Lorraine (pharmacie), pharmacien en chef (R), auditeur de l'IHEDN, historien de la pharmacie.
Correspondance : Pierre Labrude, 18 avenue Sainte-Anne, 54520 Laxou.
La Faculté de médecine et l'Ecole supérieure de pharmacie sont très attentives à la guerre chimique dès son commencement. La Faculté s'intéresse particulièrement à la clinique et à la thérapeutique des intoxications, par l'intermédiaire des réunions de la Société de médecine qui ont lieu dans les hôpitaux où exercent ses membres. L'activité de l'Ecole est différente. Ceux de ses membres qui n'ont pas été affectés à Paris à l'IEEC, sont dirigés vers les laboratoires divisionnaires de toxicologie, puis certains retournent à l'Ecole. Ils travaillent en particulier sur la défense chimique avec la proposition de masques et de méthodes de dosage. Parmi les thèses, celle consacrée à l'extraction du (di)brome de l'eau des mers est classifiée par le ministre de l'Armement et elle n'est soutenue qu'en 1920. Enfin, divers rapports sont envoyés directement aux organismes de commandement et de direction, et ils n'ont donc jamais été publiés.
Mots-clés : Ecole de pharmacie. Faculté de médecine. Guerre chimique 1915-1918. Nancy.
The Faculty of Medicine and the School of Pharmacy were attentive to chemical war since its beginning. The Faculty was interested by the clinical and therapeutical aspects of intoxications, using for its reports and proposals the meetings of the Société de Médecine in the hospital of the town. The activity in the School of Pharmacy was different. Its members who were not chosed for the laboratories of the Inspection des Expériences et Etudes chimiques in Paris, were designated for the divisionary toxicological laboratories. Afterwards some of them joined the School. They mainly worked on chemical defence with the proposal of masks and precise dosing methods. Among the thesis, the work devoted to the extraction of bromine from sea water was classified by the ministry of Arming and defended only in 1921. At last, different reports were directly sent to staffs and never published.
Keywords: Chemical War 1915-1918. Nancy. Faculty of Medicine. School of Pharmacy.
La contribution des Facultés de médecine, des Ecoles supérieures de pharmacie, des Facultés mixtes et des Ecoles de médecine et de pharmacie à la défense de notre pays contre l'arme chimique employée par les armées ennemies au cours de la Grande Guerre n'a fait l'objet que de rares études jusqu'à présent. Seules sont correctement connues les activités qui se sont déroulées dans les laboratoires de la Faculté de médecine et de l'Ecole supérieure de pharmacie de Paris. Je ne connais pas de travaux sur les établissements de province, et la présente commémoration est peut-être l'occasion d'ouvrir un nouveau champ de recherche historique.
L'Université de Nancy, complétée en 1872 par le transfèrement de la Faculté de médecine et de l'Ecole supérieure de pharmacie de Strasbourg, présente la particularité d'être une université de province disposant des cinq grands ordres d'enseignement avec l'une des trois écoles supérieures de pharmacie qui existent alors dans notre pays. Située à moins de vingt kilomètres de la frontière avec l'Empire allemand pendant plus de quatre décennies, elle reste très proche du front pendant les cinquante-et-un mois de la Grande Guerre. Si l'ordre de mobilisation générale fait partir aux armées un grand nombre de membres du personnel enseignant de la Faculté et de l'Ecole, ainsi que la plupart des étudiants, aucun changement n'est décidé par le ministre de l'Instruction publique et le recteur dans les attributions des enseignements, sauf à la suite des démissions, des départs à la retraite et des décès, les enseignements reprennent dès que possible et les laboratoires restent ouverts. Le fait que les Hospices civils accueillent en continu les blessés, que la majorité du personnel hospitalier appartient à la Faculté, que beaucoup des professeurs, agrégés et chargés de cours sont affectés sur place ou à proximité et que le commandement les autorise à assurer leur mission civile pendant leurs moments de loisirs (sic) permet à la Faculté et à l'Ecole d'effectuer nombre de travaux de recherche pendant toute la guerre, et même en 1918 quand le gouvernement décide de fermer l'Université. Ajoutons enfin que la reprise des activités de la Société de médecine au début de l'année 1915 avec la tenue d'une séance hebdomadaire dans un amphithéâtre de l'hôpital civil, avec la présence permanente des praticiens militaires et civils qui le souhaitent, rend possible, pendant toute la durée du conflit, la présentation de rapports, de cas, de matériels, la tenue de débats et la publication des textes correspondants.
Nous envisagerons successivement la contribution de la Faculté de médecine, celle de l'Ecole de pharmacie, avant de tenter une synthèse sur ces activités et de conclure.
La Faculté ne s'est pas énormément intéressée à cette question mais elle s'en est pré-occupée très tôt et, comme on l'imagine, elle a surtout orienté ses travaux sur les aspects cliniques et thérapeutiques du sujet. La Lorraine est concernée par ces attaques qui ont eu lieu à Bois-le-Prêtre près de Pont-à-Mousson, à Verdun et dans les Vosges. Le Bulletin de la Société de médecine publie le texte de plusieurs communications qu'il semble judicieux de présenter dans l'ordre chronologique ou presque.
La toute première communication ne concerne pas la guerre chimique ; elle est faite le 3 mars 1915, donc très peu de temps après la reprise d'activité de la société et avant l'emploi du (di)chlore, par le professeur Guntz, de l'Institut chimique, auquel il a été demandé d'exposer le mécanisme des blessures par poudre brisante (1). Mais la discussion dévie vers les causes chimiques qui influent sur l'évolution des plaies : les brûlures et les intoxications par le phosphore, qui amènent Guntz à indiquer que "la projection de produits chimiques est due surtout aux obus incendiaires qui contiennent du sulfure d'antimoine". Guntz "revient" le 6 juin pour évoquer la question des "gaz asphyxiants". Ayant donné une définition de ces toxiques et présenté les conditions opérationnelles de leur emploi, il propose une classification des toxiques en produits acides (chlore, brome, chlorures d'arsenic ou de carbonyle, etc.), alcalins (rares et difficiles à préparer) et neutres, difficiles à éliminer (bromacétate d'éthyle, composés arsenicaux, hydrogène arsénié). Il envisage ensuite les conditions de protection et propose son masque "idéal", notre futur ANP, et les composés dits "antidotes", l'hyposulfite et le bicarbonate de sodium (2). Le moins que l'on puisse dire est que les médecins nancéiens se sont bien informé de cette question. C'est enfin le 8 décembre 1915 que le professeur Froelich présente brièvement le masque allemand avec cette conclusion qu'"il semble très bien conditionné" (3). Ceci conclut la période nancéienne d'information.
Les communications et présentations des années suivantes sont essentiellement dévolues à la défense contre cette arme. Le 8 novembre 1916, le docteur Lian, ancien chef de clinique à Paris et aide-major de 2e classe à l'ambulance de la 5e division de cavalerie, envisage avec beaucoup de précisions la question de l'insuffisance cardiaque en tant que séquelle de l'intoxication par les gaz chlorés à propos de quatre cas. Etant déjà l'auteur de trois communications sur le sujet et ayant proposé la création de centres d'expertise et d'épreuves d'aptitude cardiaque destinés à l'examen des soldats, il conclut en indiquant que le traitement est celui de l'insuffisance cardiaque et qu'il existera chez ces "malades" une séquelle définitive avec diminution fonctionnelle interdisant les travaux pénibles et faisant redouter les conséquences d'une infection ou d'une nouvelle intoxication (4). Ce sujet est repris le 13 mars 1918 par les Nancéiens Etienne et Vérain avec la description clinique extrêmement précise de l'évolution de l'état d'un artilleur téléphoniste, atteint le 22 octobre 1915 et resté trop longtemps à son poste après l'attaque. Il est suivi par ces auteurs jusqu'au milieu de l'année 1918 où, étant soumis à une nouvelle attaque chimique, une insuffisance cardiaque se déclare et semble définitive. Les conclusions concordent parfaitement avec celles de Lian et ces deux communications constituent une contribution importante à cette question (5).
Le 22 novembre 1916, Roucayrol présente un appareil utilisé dans les postes de secours et les ambulances pour le traitement des intoxications pulmonaires en vue soit de renvoyer les soldats à leur poste, soit de les évacuer dans les meilleures conditions. L'auteur n'indique pas clairement s'il est l'inventeur de l'appareil qui, compte tenu de son but : porter les médicaments jusqu'à l'alvéole pulmonaire, et de sa description, constitue un générateur d'aérosol comparable à ce qui existe aujourd'hui. L'auteur décrit aussi avec précision la composition et la formule de sa solution (adrénaline et cocaïne) dans une solution aqueuse glycérinée et dont le gaz vecteur est l'oxygène (6).
Enfin, le 24 janvier 1917, le professeur Weiss qui, en qualité de réserviste, a beaucoup oeuvré en matière de médecine et chirurgie de guerre, présente l'observation de quatre territoriaux intoxiqués par l'oxyde de carbone dégagé par leur poële et que, ne parvenant pas à sortir de leur état semi-comateux, il s'est décidé à traiter par l'oxygène sous pression en mettant en place un système de fortune utilisant du matériel d'anesthésie : masque de Camus mis en pression à la main, puis appareil d'Harcourt. D'autres procédés sont abordés dans la discussion : injections sous-cutanées par Etienne, et observation par Michel, secrétaire de la société, de l'emploi de la méthode d'Arsonval, présentée en 1916 à la Société de thérapeutique (7).
La Faculté a publié après guerre une longue liste des publications réalisées par ses cadres au cours du conflit. Peu explicite pour certains des professeurs et agrégés, elle ne fait que très peu état de travaux sur l'arme chimique, si ce n'est chez l'agrégé de médecine générale et chargé du cours et de la clinique des maladies tuberculeuses Jacques Parisot pour lequelle elle indique, malheureusement sans détails, "nombreux mémoires adressés au sous-secrétariat d'Etat au Service de santé militaire, inédits, sur les symptômes, le traitement, la pathogénie, les suites tardives et les séquelles de l'intoxication par les gaz" (8). Le médecin-major Parisot acquiert en effet une expérience unique sur ce sujet puisque, du milieu de l'année 1915 jusqu'à l'Armistice, il est affecté à l'ambulance 1/86 qui concourt au traitement des blessés chimiques. Compte tenu des emplois tenus et des récompenses acquises par ce professeur pendant le conflit, puis de la carrière exceptionnellement prestigieuse qu'on lui connaît, un examen attentif de ces documents, qui ont vraisemblablement été conservés au Service historique de la Défense ou au Musée du Val-de-Grâce, serait sans doute intéressant. En 1917, il publie un travail sur les troubles cardiovasculaires dus aux toxiques asphyxiants (9).
La situation est très différente de celle de la Faculté car plusieurs des membres du corps enseignant vont se trouver, à partir de 1915, directement impliqués dans les recherches sur l'arme chimique. Je n'envisagerai pas les travaux effectués par les jeunes agrégés et chargés de cours Damiens, Douris et Sartory, qui sont tôt ou tard affectés à Paris dans les différents organismes créés pour la recherche et la mise au point de produits agressifs et de moyens de protection.
A Nancy, dès le début du conflit, les locaux de l'Ecole de pharmacie sont mis à la disposition de l'autorité militaire. Leur emploi varie selon les moments et les nécessités. C'est ainsi que le centre médico-légal installe son laboratoire de chimie dans celui du professeur de pharmacie galénique en mai 1917 (10). Mais la contribution scientifique de l'Ecole provient essentiellement de quelques professeurs et étudiants qui, parallèlement à leur mission militaire, effectuent spontanément des recherches et font éventuellement des propositions au commandement. Il s'agit de Bruntz et Busquet, de Favrel et de Lavialle pour les premiers, et de Cordebard, Royer et Chamagne pour les seconds.
Le premier travail est réalisé dès 1915 par Bruntz et Busquet. Bruntz, pharmacien, médecin et professeur, dirige l'Ecole et est mobilisé en qualité de bactériologiste, cependant que Busquet, agrégé de physiologie à la Faculté de médecine, est chargé du cours de pharmacodynamie à l'Ecole mais n'est pas mobilisé. Ils effectuent des recherches sur les effets physiopathologiques des vapeurs lacrymogènes générées par les produits dispersés par les Allemands, et les lésions histologiques qu'elles occasionnent. Ce travail fait l'objet d'un rapport à l'autorité militaire (11).
A l'occasion d'expertises effectuées au laboratoire de chimie de l'hôpital militaire Sédillot, Lavialle met au point, en 1915, avec l'aide du pharmacien-major Varenne, une méthode de caractérisation de l'acide cyanhydrique utilisable en toxicologie, qui fait l'objet d'une publication (12). Poursuivant leurs recherches sur le sujet, ils présentent une seconde note en 1918 (13). Ce thème constitue enfin le sujet de la thèse de Jennesseaux (14), qui est soutenue le 3 avril 1918 devant un jury constitué par les professeurs Favrel, Bruntz et Lavialle. Ce travail a toutefois une vocation plus analytique que toxicologique. Professeur titulaire de la chaire de chimie, Favrel est mobilisé le 2 août 1914 et affecté à l'hôpital militaire de Toul. A partir de juin 1915, il dirige le laboratoire de toxicologie de la 72e division d'infanterie dans le secteur de Verdun avant d'être nommé en avril 1916 chef du laboratoire de chimie et de répression des fraudes de la Place de Nancy. Parallèlement à son activité "officielle", il se livre dans son laboratoire et avec son collègue Lavialle, à des expériences sur la protection contre les "gaz". Ils s'enferment dans des atmosphères toxiques avec des masques de leur invention en vue d'en tester l'efficacité. C'est ainsi qu'en juillet 1917, Favrel propose à l'Inspection des études et expériences chimiques un tampon imprégné d'un mélange à base de phénylhydrazine en vue de se protéger contre la chloropicrine. Celui-ci n'est pas retenu car il ne s'avère pas plus efficace que le masque M2 (15). Favrel continue semble t-il à se rendre sur le front à proximité de Nancy à la suite d'attaques chimiques et à en ramener des obus et des prélèvements afin d'en étudier la nature et la composition. Il fait en effet état de sa propre expérience de toxiques, comme l'ypérite, qui sont apparus pendant qu'il est affecté à Nancy. Dans un article qu'il publie après le conflit (16), il écrit : "En 1918, les obus sont souvent remplis de produits arsenicaux. L'examen du contenu de l'un de ces obus m'a montré qu'il était constitué par un liquide dont les cristaux étaient en suspension. Les cristaux étaient constitués par un mélange de phényldichlorarsine et de diphénylchlorarsine (...). Les deux corps, en raison même de l'explosion, étaient pulvérisés si finement que les masques à tampon étaient incapables d'arrêter complètement ces poussières comme je m'en suis assuré moi-même (...)". Dans ce même document et à propos de l'ypérite, il témoigne : "Pour ma part, j'ai pu constater qu'après avoir manipulé ce produit, et, malgré les précautions prises, j'ai été atteint le lendemain seulement d'une ophtalmie des plus douloureuses qui me mit pendant quarante-huit heures dans l'impossibilité d'ouvrir les yeux".
Certains élèves de l'Ecole mettent à profit les situations auxquelles ils sont exposés et leurs heures de repos pour se livrer à des essais. C'est ainsi que Cordebard, qui aurait dû effectuer sa troisième année en 1914-1915 et terminer sa scolarité, et qui est en même temps délégué préparateur et interne provisoire des Hospices civils, se livre à des essais d'intoxication en chambre infectée en vue de déterminer les limites supportables. Ces essais se passent sur le front meusien où il est pharmacien auxiliaire faisant fonction de médecin auxiliaire au groupe de brancardiers de la 67e division d'infanterie après avoir été aide-chimiste dans son laboratoire de toxicologie. Dans sa thèse (17), Hélène Freund rapporte des entretiens qu'Henri Cordebard a eu avec des personnes de sa connaissance : "Il faisait des tests de tolérance à l'ypérite (et au chlore ?). Il s'enfermait dans une sorte de poulailler où régnait une atmosphère constante et déclenchait un chronomètre. Quand il ne pouvait plus respirer, il sortait ; il calculait ainsi des doses en fonction du temps. Souvent il restait à terre et ne pouvait plus sortir : il fallait aller le chercher. Il fit aussi ces expériences sur des animaux, mais sans succès". Il en résultera pour Cordebard une anosmie partielle et définitive.
Pour sa part, Royer, élève ayant terminé sa scolarité en janvier 1916 et qui est affecté au groupe de brancardiers de la 73e division avec le grade de pharmacien auxiliaire, propose un masque de son invention à l'Inspection des études et expériences chimiques en avril de cette année. Mais cet organisme refuse ce prototype le 8 mai suivant (18).
Il faut enfin consacrer un développement à la thèse de Chamagne sur le (di)brome, soutenue le 17 juillet 1920 devant un jury présidé par Favrel assisté des professeurs Grélot et Pastureau, ce dernier étant auparavant pharmacien militaire et professeur agrégé du Val-de-Grâce. Ce travail est dédié à l'intendant général Adrian et son texte est précédé de cette mention : "La soutenance de cette thèse, qui devait avoir lieu (...) dans les premiers jours de l'année 1918, a été suspendue pour des raisons de Défense Nationale, et reportée à une date indéterminée par décision du Ministre de l'Armement et des Fabrications de guerre". Dans un travail richement illustré de représentations d'appareils, l'auteur présente l'industrie du brome et les méthodes de préparation utilisées. Le brome, que la France importe, est mis en oeuvre lors de la préparation de divers produits qui servent à charger les munitions chimiques : bromures de benzyle, de xylyle, bromacétone, bromométhyéthylcétone, éthyldibromarsine. La méthode que Chamagne propose et pour laquelle il a conçu un appareillage, s'applique au traitement des gisements naturels en libérant notre pays des contraintes d'un approvisionnement étranger. Le brome ainsi obtenu est exempt de chlore, à la différence des produits américain et allemand, ce qui évite la coûteuse opération de raffinage. Il est également possible ainsi d'obtenir directement les bromures alcalins (19).
Quel bilan tirer de ces recherches, des publications parues, des thèses soutenues, des rapports adressés et des propositions effectuées ? A coup sûr ce bilan apparaît modeste : une dizaine de publications, des rapports confidentiels donc de nombre inévaluable, deux thèses de pharmacie, deux propositions de masques qui ont été rejetées, des expériences personnelles de contact avec des toxiques.
Au delà de cela, il est clair que tant la Faculté que l'Ecole ont été conscientes du problème posé par la guerre chimique dès son apparition et même avant... Si le bilan de la Faculté de médecine en ce domaine peut apparaître modeste, ses membres ont été moins confrontés aux intoxiqués que les médecins de l'avant et Nancy n'a pas abrité d'hôpital pour les accueillir. Les médecins nancéiens, et c'est normal, ont surtout été préoccupés par la clinique et par la thérapeutique des intoxications, comme les communications sur l'oxygène hyperbare et sur le nébulisateur d'adrénaline et de cocaïne le montrent.
La situation des membres du personnel de l'Ecole supérieure de pharmacie est différente car, souvent mobilisés en dehors de Nancy et donc assez près du front, ils ont, pour certains, été affectés dans les laboratoires de toxicologie dès leur création. La formation des pharmaciens en chimie et toxicologie leur assure une "familiarité" avec les toxiques, les problèmes générés au laboratoire par le chlore ou le brome n'étant pas différents de ceux qui leur sont posés dans l'industrie ou sur le terrain. Aussi les pharmaciens se préoccupent-ils des masques destinés à la défense, des méthodes de détection et de dosage, et des agressifs destinés à l'attaque. Les travaux les plus importants sont certainement ceux de Lavialle et de Varenne sur l'acide cyanhydrique et la thèse de Chamagne sur la préparation du brome.
Au total, la Faculté et l'Ecole se sont préoccupées de la guerre chimique dès son apparition et jusqu'en 1918, 1920 avec Chamagne qui constitue un cas particulier exemplaire ! L'effectif des professeurs et élèves concernés ne représente au total qu'une douzaine de personnes et leurs résultats sont à l'aune de leur nombre. Cela n'enlève rien à leur dévouement et au mérite d'y avoir consacré du temps, en plus de leurs autres occupations, militaires et universitaires. N'oublions pas que l'Université est ouverte et que les enseignements, les examens et la recherche et les soutenances de thèse continuent en dépit des départs aux armées, de la proximité du front et des bombardements... Puisse ce travail, quelque peu pionnier, ouvrir des horizons nouveaux aux historiens de ces sujets.
L'auteur ne déclare pas de conflit d'intérêt concernant les données présentées dans cet article.
1. Guntz A., Mécanisme des blessures par poudre brisante, Bulletin de la Société de Médecine de Nancy 1915;1: 97-104. 2. Guntz A, Sur les gaz asphyxiants. Bulletin de la Société de Médecine de Nancy 1915;1:474-8. 3. Froelich R, Appareil à masque allemand contre les gaz asphyxiants. Bulletin de la Société de Médecine de Nancy 1916;2:68-9. 4. Lian C, De l'insuffisance cardiaque, séquelle de l'intoxication par les gaz chlorés. Bulletin de la Société de Médecine de Nancy 1917;3:32-5. 5. Etienne E, Verain M, Insuffisance cardiaque grave et définitive, séquelle de l'intoxication par les gaz. Bulletin de la Société de Médecine de Nancy 1918;4:111-4. 6. Roucayrol E, Présentation d'appareil contre les accidents pulmonaires des gaz toxiques. Bulletin de la Société de Médecine de Nancy 1917;3:43-5. 7. Weiss T, Traitement de l'intoxication par l'oxyde de carbone par l'oxygène sous pression. Bulletin de la Société de Médecine de Nancy 1917;3:100-1. 8. Meyer E, Rapport sur la situation et les travaux de la Faculté. in: Rapport annuel du Conseil de l'Université et comptes rendus des Facultés et Ecole, année scolaire 1919-1920. Nancy: Coubé;1921: 141. 9. Parisot J, Tixier L, Les troubles cardio-vasculaires consécutifs à l'intoxication par les gaz asphyxiants. Paris médical 1917;20:389-94. 10. Bruntz L, Rapport sur la situation et les travaux de l'Ecole, in: Rapport annuel du Conseil de l'Université et comptes rendus des Facultés et Ecole, année scolaire 1914-1915. Nancy: Coubé;1916: 132. 11. Bruntz L, Rapport sur la situation et les travaux de l'Ecole, in: Rapport annuel du Conseil de l'Université et comptes rendus des Facultés et Ecole, année scolaire 1916-1917. Nancy: Coubé;1918: 139-40. 12. Lavialle P, Varenne L, Note sur la caractérisation de l'acide cyanhydrique en toxicologie par la réaction du sulfocyanate ferrique. Journal de pharmacie et de chimie 1915;12:74-81. 13. Lavialle P, Varenne L, Caractérisation et dosage des petites quantités d'acide cyanhydrique. Journal de pharmacie et de chimie 1918;17:97-102. 14. Jennesseaux L, Action du cyanure de potassium sur le sulfate de cuivre ammoniacal et son application au dosage de l'acide cyanhydrique et du cuivre. Thèse Université Pharmacie Nancy; 1918, Berger-Levrault, 1918, 112 p. 15. Service historique de la Défense, 10 N 127. 16. Favrel G, Produits chimiques employés par les Allemands pendant la guerre 1914-1918. Bulletin de la section corporative des étudiants en pharmacie de Nancy 1920;1:5-10. 17. Freund H, Henri Cordebard : un pharmacien célèbre. Vie, oeuvre, dosage de l'alcool dans le sang. Thèse, diplôme d'Etat de docteur en pharmacie Nancy; 1991, p. 10. 18. Service historique de la Défense, 10 N 127. Royer meurt dans la catastrophe du tunnel de Tavannes dans la nuit du 4 au 5 septembre 1916. 19. Chamagne G., L'industrie du brome. Contribution à l'étude d'une nouvelle méthode industrielle de préparation du brome par traitement direct de l'eau des mers ou des eaux minérales de faible concentration en bromure. Thèse Université Pharmacie Nancy; 1920, Berger-Levrault, 1920, 96 p.
Illustrations - Favrel dans son laboratoire, - l'appareil de Chamagne.
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