B. Bonnemain
B. BONNEMAIN, membre de l’Académie nationale de Pharmacie. Correspondance : Monsieur B. BONNEMAIN, 1 Bis Grande rue – 77410 Précy sur Marne.
Dès la première attaque allemande en avril 1915 avec le chlore, le Général Joffre décide d’organiser la riposte qui s’impose. Après des organismes transitoires, l’Inspection des études et expériences chimiques est créée en septembre 1915 avec une section des produits agressifs comportant alors onze membres dont le président, le Colonel Perret, et quatre pharmaciens : Charles Moureu, Gabriel Bertrand, Paul Lebeau (puis Marcel Délépine en 1916). La section de protection, elle aussi composée de onze membres, inclut quatre pharmaciens : Paul Lebeau, Gabriel Bertrand, Alexandre Degrez, le pharmacien principal (colonel) Pellerin, remplacé par la suite par le pharmacien principal (colonel) Gauthier, et trois médecins : le professeur Achard, le docteur Vincent, le médecin principal (colonel) Dopter qui sera remplacé par le docteur Raymond. Tous vont agir avec succès pour protéger les soldats de l’effet des gaz de plus en plus dangereux au fur et à mesure des combats et pour mettre au point des produits au moins aussi toxiques pour les utiliser contre les soldats allemands. Leur expérience sera utile au-delà de la Grande Guerre. Mots-clés : Gabriel Bertrand, Marcel Delépine, Alexandre Desgrez, Paul Lebeau. Gaz de combat. Grande Guerre.
Soon after the first German attack with chlorine gas in April 1915, General Joffre started work on the expected counterattack. After transitory organizations, the Inspection of Chemical Studies and Experiments (IEEC) was set up in September 1915. It was made of two sections. One was focused on aggressive products; it had 11 members including four pharmacists: Charles Moureu, Gabriel Bertrand, Paul Lebeau (and Marcel Délépine in 1916). The other, dedicated to protect people, also included 11 members among whom four pharmacists Paul Lebeau and Gabriel Bertrand, and also Alexandre Degrez and Colonel Pellerin, later replaced by Gauthier and three physicians: Prof. Charles Achard, Dr. Vincent and Colonel Dr Dopter, later replaced by Dr. Raymond. All of them were successful in protecting the troops from gas that were increasingly dangerous as the war progressed, and in creating products, at least as dangerous as gas, to use against the German troops. Their expertise will be useful long after the Great War. Keywords : Gabriel Bertrand, Marcel Delepine, Alexandre Desgrez, Paul Lebeau. Chemical warfare agents. The Great War.
La commémoration de la Guerre 1914-1918 est l’occasion de rappeler le rôle éminent joué par les pharmaciens et médecins français à propos des gaz de combat utilisés pendant cette guerre. Deux thèses et plusieurs articles historiques ont été consacrés à ce sujet ainsi qu’un site Internet remarquable créé par l’un des auteurs de thèse de pharmacie sur ce sujet, le Dr A. Lejaille (1). Deux aspects méritent d’être bien distingués : la contribution des professionnels de santé à la protection individuelle contre les gaz de combat, d’une part, et les recherches pour trouver de nouveaux gaz agressifs à utiliser contre les Allemands, d’autre part. La première attaque allemande a lieu à Ypres le 22 avril 1915 (voir Delacour et al. dans ce numéro). Le même jour, le général Joffre décide de désigner la Direction générale du Service de santé du Grand quartier général (GQG) pour assurer la protection des troupes de ce qu’il appelle « ce nouveau mode de terreur, de maladie et de mort ». Le 28 avril, le Général Cumer réunit le chimiste André Kling, directeur du Laboratoire municipal de Paris, le pharmacien Moureu (voir Fauque dans ce numéro), membre de l’Institut (agression), et le médecin-inspecteur (équivalent à médecin général de nos jours) Vincent (protection). Des actions sont entreprises pour trouver des moyens de protection et pour fournir à l’armée des armes au moins équivalentes. C’est là où les pharmaciens vont jouer un rôle déterminant par leur connaissance approfondie de la chimie. Les laboratoires de recherche interviennent avec deux objectifs principaux : la protection individuelle et la production d’agressifs. Début juin 1915 est créée la Commission des gaz asphyxiants, remplacée le 18 juin par la Commission des études chimiques de guerre. On y trouve deux pharmaciens : Paul Lebeau (1868-1959) et Gabriel Bertrand (1867-1962).
Le 17 septembre 1915, l’Inspection des études et expériences chimiques (IEEC) est établie avec ses deux sections ; la section des produits agressifs et la section des protections.La section des produits agressifs comporte alors onze membres dont le président, le Colonel Perret, et quatre pharmaciens :
– Charles Moureu (Vice-président) (1863-1929), professeur à l’École de pharmacie de Paris ; – Gabriel Bertrand (1867-1962), professeur à la Sorbonne ; – Paul Lebeau (1868-1959), professeur à l’École de pharmacie de Paris, – Marcel Délépine (1871-1965), arrivant au début de l’année 1916, professeur de minéralogie et d’hydrologie à l’École supérieure de pharmacie de Paris. La section de protection, elle aussi composée de onze membres, inclut quatre pharmaciens : – Paul Lebeau et Gabriel Bertrand à nouveau ; – Alexandre Degrez, professeur à la Faculté de médecine de Paris ; – Le pharmacien principal (équivalent aujourd’hui à pharmacien en chef) Pellerin, remplacé par la suite par le pharmacien principal Gauthier.
Et trois médecins : – le professeur Achard, membre de l’Académie de médecine ; – le docteur Vincent déjà mentionné ; – le médecin principal (équivalent aujourd’hui à médecin en chef) Dopter, représentant du GQG, qui sera remplacé par le docteur Raymond.
En tout, treize laboratoires sont créés pour étudier les substances agressives et trois pour la fabrication et le contrôle des produits fabriqués pour l’armée (masques, gaz…). Il faudrait dire quelques mots de chacun des pharmaciens et médecins les plus impliqués dans la direction de cette organisation, mais faute de place, nous allons nous limiter à quelques-uns d’entre eux dans cet article.
Parmi toutes les personnes ayant contribué à l’élaboration des moyens de protection français, Paul Lebeau a joué un rôle essentiel. C’est à lui que l’on doit une grande partie des mesures de protection individuelles contre les gaz de combat. Il naît le 19 décembre 1868. Issu de milieu modeste, son père était marchandtailleur, il passe son enfance dans son village natal de Boiscommun, dans le Loiret. En 1885, à 17 ans, il passe le concours d’entrée à l’École de physique et de chimie industrielle de la ville de Paris. Il en obtient le diplôme trois années après. Il débute alors dans la recherche au sein d’un laboratoire de l’école, puis entre, grâce à son ancien patron, Alexandre Étard, dans l’équipe de chercheurs de Henri Moissan, à l’École supérieure de pharmacie. Tout en y travaillant, il accomplit son stage officinal d’une durée de trois ans, sa scolarité officinale, trois années également, puis sa licence et enfin sa thèse. En 1898, il obtient le doctorat ès sciences physiques, et en 1899, l’agrégation de pharmacie. En 1908, il est nommé à la chaire de toxicologie de l’École supérieure de pharmacie. À la fin de la guerre en 1918, Lebeau succède à Moureu dans la chaire de pharmacie chimique de l’École de pharmacie. On ne peut pas rappeler ici tous les travaux scientifiques de Lebeau que ce soit en chimie minérale ou chimie organique. Il a en particulier travaillé sur les siliciures métalliques, sur les arséniures, et sur le fluor à la suite de son maître Moissan. À la mobilisation en août 1914, Lebeau a 46 ans et est exempté de service actif. La majeure partie de ses collaborateurs est mobilisée. Après les événements du 22 avril 1915, Paul-Louis Weiss, alors à la tête de la Section des études et expériences de la Commission des gaz asphyxiants, fait appel aux connaissances de toxicologie de Lebeau. Ce dernier réclame alors ses anciens élèves et collaborateurs aux armées, et met à nouveau sur pied son laboratoire qui va désormais se charger de la protection individuelle. Il va s’occuper également d’un laboratoire d’analyse des viscères d’hommes intoxiqués, en collaboration avec le professeur André Mayer du Collège de France. Après les balbutiements et les premières mesures de protection adoptées, Lebeau va prendre une place de plus en plus importante dans les études de protection. Dès l’attaque allemande du 22 avril 1915, le pharmacienmajor Léon Launoy, professeur agrégé de sciences naturelles à l’École supérieure de pharmacie de Paris, qui dirige le laboratoire de toxicologie de la Xe armée, est dépêché sur les lieux. On lui remet un coton trouvé sur un prisonnier allemand, qu’il avait reçu pour se protéger des gaz. Rapidement, Launoy identifie la substance comme étant de l’hyposulfite de sodium et le gaz répandu, du chlore. Ses conclusions connues de l’État-major, il reçoit l’ordre de confectionner d’urgence de tels cotons, ce qui est fait avec les déchets d’une filature proche. Des cagoules sont aussi réalisées (2). Dès le 28 juillet 1915, Paul Lebeau fait adopter un tampon de gaze imprégné d’huile de ricin et de ricinate de sodium qui protège contre le chlore et le bromure de benzyle. 4 500 000 tampons de ce type sont fabriqués d’août à janvier 1916 (3). Il travaille longuement sur les tampons et leurs produits d’imprégnation. Il intervient également dans la transformation des tampons en masques complets, et conçoit le fameux masque ARS qui se révèle le meilleur. Après l’attaque allemande de juillet 1917 à l’ypérite, Lebeau entreprend immédiatement des études pour mettre au point des vêtements et autres effets étanches, résistants, et se fabriquant à bas prix. Il réalise des musettes de protection en tissu imprégné, en simple ou double épaisseur, pour y conserver le pain à l’abri de l’ypérite.
Avec Georges Urbain, il étudie des mélanges asphyxiants ; il imagine la vincennite, à base d’acide cyanhydrique liquide, qui est utilisé dès 1917. Il en a été fabriqué 4 000 tonnes pendant la guerre, le quart de la production de phosgène mais cinquante fois plus que l’ypérite. Enfin, Lebeau met au point un système d’information des combattants sur la conduite à tenir lors des combats où des gaz risquent d’être utilisés. Après l’Armistice, il continue, outre son travail de recherche de l’avant-guerre, à être conseiller de la Défense nationale et poursuit ses recherches sur la protection au sein de l’IEEC. Il intervient également dans l’instruction des médecins Z et des pharmaciens Z des formations sanitaires et siège à la Commission des intoxications créée par le Service de santé de l’armée. En 1939-1940, il fait partie de l’État-major de la Défense contre les gaz. Le général Dassault, Grand chancelier de la Légion d’Honneur, déclarait lors de la remise de la Légion d’Honneur à Lebeau : « On peut dire sans exagération que vous avez puissamment contribué à la victoire de 1918 : vous avez en effet sauvé notre armée d’un terrible danger […], et vous lui avez fourni les moyens d’une riposte éclatante ». Ses éminents services ont aussi été reconnus par les Alliés : il est élevé en 1920 à la dignité de Commandeur de l’Ordre de l’Empire Britannique, de l’Ordre de la Couronne de Belgique et de l’Ordre de la Couronne d’Italie. Paul Lebeau s’est éteint en 1959, dans sa 91e année.
Un deuxième personnage important est Gabriel Bertrand. Il est né le 17 mai 1867 à Paris 5e. Il sort bachelier de l’enseignement spécial en 1886 et devient stagiaire à l’École de pharmacie, puis pharmacien de première classe en 1894. Il voyage en Allemagne où il visite les principaux laboratoires de chimie biologique, puis obtient son doctorat ès sciences en 1904. Entretemps, il est devenu chef du service de biologie de l’Institut Pasteur en 1900. Lui aussi a réalisé de très nombreux travaux scientifiques, en biochimie et en botanique.
Bertrand propose au général en chef, dès janvier 1915, l’utilisation de substances agressives (la chloracétone) dans une grenade mise au point par ses soins. Il sera l’un des premiers conseillers du ministre de la Guerre après le 22 avril 1915, et participe donc à la première réunion du 28 avril 1915 relative aux gaz asphyxiants. Il est d’emblée l’un des chercheurs les plus actifs dans le domaine de la protection, qu’il doit se résoudre à laisser de côté pour se consacrer à l’agression. Ses profondes connaissances en chimie en feront un acteur important des nombreuses recherches menées sur les différentes substances agressives. La liste des honneurs qu’il a reçue en reconnaissance de ses travaux est impressionnante; il sera élevé au grade de commandeur de la Légion d’honneur à titre militaire en 1934 et plusieurs fois nominé au prix Nobel de chimie. Gabriel Bertrand est décédé le 20 juin 1962 à l’Institut Pasteur.
Un autre pharmacien va activement participer à la lutte contre les gaz de combat, Alexandre Degrez (1863-1940). Il entre rapidement dans la Section de protection de la Commission créée en 1915, où son rôle va vite prendre de l’importance, notamment dans les études menées sur la protection collective. Il participe activement, en collaboration avec Lebeau, à la mise au point des masques T et TN en 1915. Puis, en collaboration avec Guillemard et Labat, dans son laboratoire de protection collective de la Faculté de médecine, il mène des recherches relatives à la neutralisation des substances agressives. Ainsi, il peut mettre au point les solutions d’hyposulfite utilisées dans les pulvérisateurs Vermorel. Puis, en 1917, dès l’apparition de l’ypérite, il élabore la neutralisation de celle-ci par le chlorure de chaux. Enfin, il met au point un procédé de nettoyage des vêtements infectés, à l’aide d’eau bouillante.
D’autres personnalités vont être déterminantes dans cette guerre des gaz : nous n’évoquerons pas le pharmacien Charles Moureu, déjà évoqué par ailleurs (voir Fauque dans ce numéro), ni le médecin Paul Voivenel qui sera mentionné dans plusieurs articles de ce numéro (Ferrandis, Dorandeu et al., Renard et al. dans ce numéro).
Né en 1871, Marcel Delépine est agrégé de l’École supérieure de pharmacie de Paris en 1914. Il est mobilisé dans le Service de santé à Nantes en août 1914, en tant que pharmacien aide-major (équivalent à lieutenant), puis major (équivalent à capitaine) (4). Puis il est détaché à la mission du général Curmer du Génie en mai 1915 où il met au point, avec Bertrand, la première substance agressive française, le BD1, des initiales de ses concepteurs. Puis, toujours en collaboration avec Bertrand, il élabore la Claircite. À la création de l’Établissement central du matériel chimique de guerre (ECMCG), dirigé par le commandant Papon dès le 1er juillet 1915, il est chargé au sein de cet établissement de diriger un laboratoire de réception des différents produits chimiques, particulièrement ceux provenant des usines de produits agressifs. Il continue ses études sur les substances agressives dans son laboratoire de l’École supérieure de pharmacie jusqu’à la fin de la guerre. En novembre 1915, il est nommé membre de la section d’études de la poudrerie du Bouchet, où il travaille notamment sur le chargement des munitions en toxique. Il fera partie de l’IEEC jusqu’en 1939 et participera aux études de celle-ci pendant la campagne de 1939-1940. Delépine succède à Charles Moureu au Collège de France en 1930. Nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1917, à titre militaire, il est promu officier en 1923. Il décède en 1965.
Né à Paris en 1867, il est reçu pharmacien en 1897. Au moment de la guerre, il est dirigé sur le front belge et y reste avec le 74e RIT, jusqu’en mai 1916. En juillet 1916, il est détaché aux Services chimiques. Il y mène des études sur la protection collective des forts et des abris. Puis, il est chargé de l’organisation des cours et des conférences pour l’instruction des officiers sur les gaz. Il donne également des cours sur la protection collective. En une semaine, les stagiaires deviennent des spécialistes de la question, capables de rédiger leurs observations sur le champ de bataille. Après la guerre, il est successivement nommé professeur de minéralogie, puis professeur de physique à la Faculté de pharmacie de Paris. Il décède en 1940.
Jean-Maurice Javillier est né à Nevers en 1875 d’un père pharmacien d’officine. Il est reçu pharmacien et licencié ès sciences en 1898. Élève de Gabriel Bertrand, il en devient l’assistant de 1908 à 1914. Il est bien sûr mobilisé en 1914. En novembre 1914, il est affecté à la section chimique de la 8e armée, à Dunkerque d’abord, puis détaché au laboratoire de Gabriel Bertrand pour participer, lui aussi, à la protection contre les gaz de combat. C’est durant cette période qu’il met au point avec le commandant Cadroy, fin 1915, un appareil respiratoire très efficace qui sera à la base du masque M2. En 1916, Javillier est détaché au ministère de la Marine pour travailler sur les intoxications par l’hydrogène arsénié, substance provenant des accumulateurs, dans les sous-marins. Il est enfin détaché en 1918 au ministère de l’ l’Armement auprès de l’IEEC (5). Il décède en 1955.
Comment ne pas citer le pharmacien et médecin lyonnais Étienne Barral (1860-1938) (6), un proche d’Alexandre Degrez, qui avait travaillé avant la guerre sur le phosgène et qui va participer à la fabrication industrielle des éléments nécessaires à la préparation des masques. À la demande du ministère des Armées, il réalise en 1916 une étude sur l’intoxication au phosgène. Il faut aussi citer le pharmacien aide-major Tetard, chef de service à l’atelier d’imprégnation des appareils de protection, qui met au point une technique de récupération des matières premières des masques, puis plusieurs procédés de réparation des appareils endommagés, notamment avec le pharmacien Defacqz, du laboratoire de contrôle des appareils de protection. On ne peut oublier non plus de mentionner le pharmacien aide-major Augustin Damiens, un des principaux collaborateurs de Lebeau, Marius Picon, qui se chargent souvent des essais réels des appareils protecteurs, sans se soucier des risques que cela comporte ; ils seront plusieurs fois intoxiqués. Bien d’autres mériteraient de figurer ici, tous ayant joué un rôle essentiel dans l’oeuvre des Services chimiques pendant la Grande Guerre, comme Ernest Fourneau, ou Raymond Delaby qui sera affecté au Val de Grâce en 1916, ou encore le Pr. Bougault qui vient d’obtenir des résultats intéressants dans la série des arsines quand la guerre prend fin. Aux bataillons de l’industrie chimique allemande, ils ont su, avec tout le personnel des Services chimiques, faire face aux dangers qui menaçaient la France. Ces quelques 110 chimistes ont permis aux Alliés de prendre le dessus, aussi bien dans le domaine de la protection, que dans celui de l’agression. La moitié d’entre eux étaient des pharmaciens.
On crée également en 1915 les laboratoires de toxicologie divisionnaire ne dépendant que du médecin divisionnaire. Ils sont dirigés par un pharmacien secondé par des aides-chimistes souvent pharmaciens eux-mêmes ou étudiants en pharmacie, où le toxicologue est l’homme de terrain chargé de recueillir des prélèvements de projectiles intacts, de terre, d’engins de protection ennemis… et des échantillons de gaz. À la fin du mois d’août 1915, sur l’insistance de la Commission de protection, le GQG charge les médecins divisionnaires de dispenser un enseignement théorique et pratique sur les moyens de protection. Le but est de donner confiance aux hommes envers leurs tampons qu’ils regardent souvent d’un oeil méfiant. Dans la pratique, la mise en place de ces exercices est prise en charge la plupart du temps par les pharmaciens toxicologues qui sont les plus aptes à dispenser cet enseignement. Les pharmaciens toxicologues s’occupent aussi de la constitution des ateliers de réfection, de modification et de ré-imprégnation des appareils protecteurs, en prélevant le plus souvent des brancardiers des groupes de brancardiers divisionnaires comme main-d’oeuvre. Ce genre d’initiative, relevant souvent du pharmacien toxicologue et du médecin divisionnaire, s’observe déjà depuis le mois de mai 1915, où dans de nombreuses formations, on a fabriqué sur place des compresses et des cagoules pour pallier le manque d’appareils. Enfin, à partir de juillet 1918, les ambulances Z sont créées. Celle du Dr Voivenel est officiellement créée le 1er août 1918 (7).
Comme on a pu le constater, plusieurs pharmaciens et médecins vont activement participer à la protection contre les gaz de combat et à la mise au point de nouveaux gaz agressifs, le plus souvent en mélange. Nous avons insisté sur les pharmaciens chimistes mais les médecins ont également été très impliqués, notamment pour les traitements des gazés. Les connaissances acquises durant cette période vont également être utilisées par la suite pour la Seconde Guerre mondiale. Comme le concluait Voivenel dans son ouvrage sur les gaz dès 1919, « Interdits ou non, légitimes ou illégitimes, logiques ou illogiques, dans les guerres futures, les gaz réapparaîtront, plus terribles ». Ce ne sera pratiquement pas le cas pendant la Seconde Guerre mondiale mais par contre, on a vu son usage se répandre encore récemment !
1. Lejaille A. http://www.guerredesgaz.fr/Les%20gaz.htm, 2014. 2. Nauroy J. Z... comme c’est bizarre ! Revue d’histoire de la pharmacie 1986:317-23. 3. Chaigneau M. Une visite à la Faculté de pharmacie de Paris : souvenirs de quelques-uns de ses maîtres. Revue d’histoire de la pharmacie 1985:99-112. 4. Guitard EH. Le Professeur Marcel Delépine (1871-1965). Revue d’histoire de la pharmacie 1965 :435-40. 5. Clarté C. Maurice Javillier, un pharmacien membre de l’Institut, sa vie, son oeuvre, Tours : François Rabelais ; 1988, 132 p. (compte rendu par Julien P Maurice Javillier (1875-1955), pharmacien, biochimiste, membre de l’Académie des Sciences. Revue d’histoire de la pharmacie 1992:108-9). 6. Desgrez P. Le Professeur Étienne Barral (1860-1938). Revue d’histoire de la pharmacie 1992 :323-9. 7. Combarieu A. La guerre des gaz (1915-1918) : mise en perspective historique du témoignage du docteur Paul Voivenel, Toulouse : UFR Toulouse III ; 2002:174 p.
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