Les
munitions chimiques françaises.
Généralités
Doctrine
d'emploi des munitions chimiques
Substances
utilisées
Munitions
chimiques
Les
recherches sur les munitions toxiques débutèrent en France
simultanément avec celles des autres vecteurs de dissémination des armes
chimiques. Tout fut mis en place pour disposer au plus tôt de moyens de
ripostes équivalents à ceux utilisés par les Allemands. Les travaux de
recherche, bientôt menés par les plus éminents chimistes français,
donnèrent rapidement des résultats absolument remarquables (voir l'Oeuvre
des pharmaciens) dans tous les domaines.
Les efforts
des autorités françaises et leur volonté de prendre le dessus dans ce
domaine, fut très nettement grevés par la faiblesse de l'industrie
chimique française. En effet, la plus grande difficulté fut de mettre en
place un véritable programme industriel pour la construction de
nombreuses usines chimiques. Avec un fort appui politique et financier, l'Etat
français réussit à mettre sur pied un véritable programme de
modernisation du domaine de la chimie et cela, en quelques mois (voir à
ce sujet le prologue sur la page Généralités).
La qualité
des expériences menées par les chimistes français dépassa de très
loin les études qui purent être menées outre-Rhin. Il est aujourd'hui
encore surprenant de constater avec quelle avance et quel modernisme ces
recherches ont été dirigées par à peine plus d'une centaine
d'éminents savants, chimistes, pharmaciens, médecins et ingénieurs
(voir chapitre
XIV).
Les premiers
obus chimiques furent tirés dans la plus grande impréparation, après
deux mois d'efforts colossaux menés en toute urgence, lors des offensives
de champagne en septembre 1915. La substance utilisée se révéla trop
fugace (chlorosulfure de carbone) alors qu'aucune doctrine précise
d'utilisation n'avait été diffusée. Ce fut un échec.
A la fin du
mois de novembre 1915, certaines informations laissant croire à
l'utilisation d'obus chargés de phosgène par les artilleurs allemands,
l'autorisation d'utiliser les obus français chargés en ce toxique fut
donnée peu de temps après (voir l'épisode d'Avocourt du 26 novembre
1915, La
transformation du masque T en TN). L'introduction
de ces munitions par la France est souvent donnée au 21 février 1916,
lors de l'offensive allemande sur Verdun. Cela est erroné et paraît par ailleurs impossible, vu
l'impréparation totale dans laquelle les troupes françaises se
trouvaient dans ce secteur et vu la surprise que représenta cette
offensive et son ampleur. Enfin, c'est surtout une aberration sachant que
les munitions chimiques chargées de phosgène avaient surtout un
intérêt tactique à la préparation d'une action offensive et absolument
pas dans un tir de barrage dans le cadre d'une opération défensive. L'introduction de ces munitions est
présentée à tort comme celle des premières à capacité létale ; les
obus allemands chargés en palite (chloroformiate de méthyle chloré, un
dérivé du phosgène aux pouvoirs suffocants identiques avec une
activité lacrymogène conférée par ses impuretés de fabrication)
utilisé dès juin 1915 avaient déjà ces dispositions (obus K puis K2),
tout comme les obus K1 introduits à l'été 1915 (voir les Munitions
chimiques allemandes 1915).
Quelques
documents laissent à croire que des tirs sur des objectifs limités se
sont déroulés avec des munitions chargées de phosgène entre fin
novembre et début décembre 1915. Ces informations sont à prendre au
conditionnel. Nous n'avons pas réussit à fixer de façon certaine l''introduction des obus n°5 chargés en phosgène, mais nous savons que la première opération chimique d'importance menée à l'aide des obus au phosgène est menée le 21 décembre 1915 à l'Hartmannswillerkopf.
Les obus
chargés de Vincennites furent tirés à partir de l'été 1916.
Le nombre de
munitions chimiques utilisées en 1916 resta cependant très limité ;
elles furent souvent
utilisés sur des objectifs restreints avec quelques
milliers de coups au plus. L'approvisionnement en munitions chimiques
était faible, la capacité de production sur le territoire français
étant alors médiocre. Cela s'estompa à partir de l'année 1917 ; des
stocks importants furent ainsi constitués. Mais l'artillerie chimique
était encore toute nouvelle et il fut nécessaire de former le corps des
artilleurs à l'utilisation de cette arme récente. Cela exigea à nouveau
des efforts extrêmement importants, si bien que ce fut surtout à partir
de la deuxième moitié de l'année 1917 que l'usage des munitions chimiques par les
artilleurs français devint fréquent. C'est également à partir de ce
moment que d'autres munitions chimiques (obus n°6, 7 et 9) chargées avec
des composés plus persistants, comme la bromacétone, la palite, la
chloropicrine, furent introduits en quantité notable.
Les
artilleurs français disposèrent de munitions chargées en Ypérite à
partir du mois de juin 1918, à la suite d'un véritable tour de force
industriel, moins d'une année après son apparition sur le champs de
bataille par les Allemands.
Au final,
l'industrie chimique produisit plus de 16 millions d'obus chimiques, dont
la grande majorité était du calibre de 75 mm (12,5 millions). C'est
près de la moitié du nombre produit par l'Allemagne durant le conflit ;
on peut considérer cela comme un exploit au regard du retard avec lequel
la France s'était lancée en 1915. Près de 2,5 millions de coups
existaient dans les approvisionnements au moment de l'armistice, étant destinés
aux opération de la fin de l'automne de 1918. C'est dire l'importance de
la part de munitions toxiques qui devait servir aux préparations
d'artillerie en cette fin de conflit.
Le diversité
de chargements mis à disposition des artilleurs fut cependant très
limité. Essentiellement, ils furent au nombre de cinq (les autres restant
quasiment anecdotiques en comparaison). Le phosgène, la Vincennite, puis l'Ypérite, la
bromacétone et la chloropicrine. En dehors des considérations d'ordre
industriel, ce peu de variété fut volontaire avec comme objectif de
répondre à l'ensemble des situations envisageable dans l'emploi des obus
toxiques. Pragmatiques, les artilleurs français les avaient réduits à
deux : tuer l'ennemi ou tout au moins, quand cela n'était pas possible,
le neutraliser. Contrairement aux armées allemandes, les armées
françaises avaient observées que plus les besoins en types de munitions
différentes étaient importants, plus les problèmes
d'approvisionnement au niveau des batteries étaient accrus et qu'il
était inutile d'augmenter en pure perte le tonnage de projectile à
transporter, dans le cas où les obus chimiques ne pouvaient être
utilisés (conditions météorologiques incompatibles).
Enfin,
l'artillerie de tranchée ne fut pas en reste et des bombes de tranchées
furent chargées en toxiques, dès l'été 1915 (bombe de 58T de 16kg et
bombe de 58T type LS de 18 kg). Différents chargement durent adoptés :
Collongite, Vincennites, Ypérite et Sulvinite essentiellement.