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Les
vagues françaises.
Voir également : L'organisation
de la réplique française.
A ce jour, aucune étude sérieuse ne s'est intéressée
aux opérations chimiques françaises par vagues gazeuses. Certains
travaux prétendent qu'il est impossible de recenser l'ensemble des ces
opérations. En effet, il est excessivement difficile et fastidieux de
regrouper l'ensemble des sources éparses dans les archives françaises et
il reste impossible de mettre ces sources en parallèle à celles
allemandes en raison de leur destruction durant la seconde guerre
mondiale. L'ensemble des informations regroupées ici sont en grande
partie inédites et tentent de mettre en lumière cet aspect si
emblématique et si méconnu de la Grande Guerre. |
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Ci dessus : Compagnie Z du
Génie en exercice. Les bouteilles du type grand modèle, sont groupées
sur deux collecteurs à six branche. |
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Prologue : L’industrie chimique française
et la Guerre à la
veille du 22 avril 1915 ; les raisons du succès du programme
chimique militaire et industrielle français.
Dès les premières semaines de campagne,
l’invasion allemande du Nord du territoire privait la France d’une
partie importante de son patrimoine industriel chimique. Contrairement à
l’Allemagne, le gouvernement français pensa à organiser les rapports
entre l’Etat et les industrie chimiques et pharmaceutiques au premier
jour du conflit.
La production d’explosifs fut rapidement
touchée, celle des poudreries nationales étant largement insuffisante.
La rupture des approvisionnements était multifactorielle, mais prévisible ;
importation de matières premières d’Allemagne, absence de marchés
passés vers d’autres pays, absence de stocks et saisie des usines
productrices de matières premières du Nord du Pays par l’ennemi. Dans
l’urgence, de nombreux marchés furent passés avec des producteurs privés
qui ne manquèrent pas d’imposer leurs conditions de prix.
Le 5 août 1914, fut créé l’Office des Produits
Chimiques et Pharmaceutiques ou O.P.C.P., sous la direction du Ministère
du commerce. Son rôle était d’assurer les approvisionnements en matières
chimiques et leur répartition et contribuer à développer en France la
production de ces produits. Monsieur Béhal, professeur à L’Ecole supérieure
de Pharmacie de Paris fut
nommé directeur. En janvier 1915, un comité de direction fut nommé,
constitué de députés, de chimistes et de professeurs éminents.
A la fin du mois de février, plusieurs personnalités rejoignaient le
comité de direction de l’O.P.C.P. ; par la suite, toutes jouèrent
un rôle important dans les recherches qui concernaient les gaz de combat.
La première fut le professeur Albin Haller, éminent pharmacien dirigeant
le Service des poudres. Puis Guignard, directeur honoraire de l’Ecole
supérieure de pharmacie de Paris, Roux, directeur des services
scientifiques et sanitaires et de la répression des fraudes au Ministère
de l’Agriculture et enfin monsieur Weiss, conseiller d’état,
directeur des mines au ministère des Travaux Publics.
Très rapidement, l’office recruta de nouveaux
collaborateurs et Béhal ne cachait pas son objectif : conquérir le
marché mondial de la chimie en profitant de la nouvelle économie de
guerre qui s’était imposée à la France ; « jamais une
occasion aussi favorable ne s’est offerte et très probablement ne
s’offrira à la France industrielle de reprendre la place qu’elle
occupait autrefois ».
En effet, quelques mois plus tard, la réalisation industrielle nécessaire
à la production de milliers de tonnes de gaz de combat, concrétisait les
ambitions de Béhal et le renouveau de l’industrie chimique française.
En juillet 1915, Cuvelette, nommé à la tête du Matériel Chimique de
Guerre, s’exprimait ainsi : « Répondre aux nécessités
urgentes de favoriser le développement de l’industrie nationale peut très
bien se concilier dans la question du chlore. La grande industrie chimique
des matières organiques est à peine existante en France. La fabrication
du chlore est donc liée à la question industrielle très vaste et du
plus grand intérêt pour l’avenir économique du pays ».
Le chlore en question devait évidemment être utilisé
à la production de vagues gazeuses et de gaz de combat. Ces rapports étroits, liant les intérêts et pouvoirs
publics et politiques aux pouvoirs privés, dans une recherche de développement
de l’industrie chimique, expliqueront
la promptitude avec laquelle le programme industriel de production
de gaz de combat fut lancé et réalisé, comme l’absence de débat
politique sur l’opportunité des représailles chimiques après le 22
avril 1915.
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Ci-dessus : compagnies Z à l'entraînement.
Les hommes portent au dos l'appareil Tissot grand modèle muni de la
cartouche additionnelle. Le, cliché est donc postérieur à août 1917.
La vague est nettement visible, additionnée ici d'un fumigène. Les
conditions atmosphériques sont défavorables, le nuage formé se dilue
dans l'air et ne colle pas au sol (droits réservés). |
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La nécessité de
répondre à l'attaque allemande du 22 avril 1915 s'imposa en très peu de
temps, mettant de côté toutes considérations morales face à ce mode de
combat jugé comme déloyal (voir aussi ci-dessus).
Dès le 29 avril
1915, le Général Commandant en chef demanda au Ministre de la Guerre de
constituer au plus tôt trois groupes "spéciaux" destinés à la mise
en oeuvre des appareils de série Z.
Les premiers essais de production de
vague gazeuse eurent lieu dès le 4 mai 1915. Mais les difficultés à surmonter
furent nombreuses, et tout d’abord d’ordre
industriel. Les premiers besoins en chlore liquide étaient fournis principalement
par l’Angleterre, l'industrie chimique française étant absolument
incapable d'en assumer la production.
Entre-temps, il fallut résoudre un par un, tous les
problèmes techniques liés à la production des vagues gazeuses. Les études
furent menées par les capitaines Bied-Charreton et Beccat, auxquels les
laboratoires de Delépine, Urbain et Kling participèrent. La réalisation
pratique de la vague fut étudiée en premier. La nature du gaz utilisé fut déterminée
avec précision, en procédant aux essais de différents mélanges. Les
conditions météorologiques les plus favorables furent ensuite fixées, avec la
création d’ateliers météorologiques attachés aux équipes d’émission.
La procédure d’ouverture des cylindres fut analysée pour déterminer par
quel procédé obtenir les concentrations maximales (pour plus de précisions,
consultez la page : Etudes des vagues
gazeuses dérivantes par la section agression de l'IEEC ). Enfin, il fallut répertorier
les secteurs se prêtant particulièrement géographiquement à ce type d’opérations.
L’émission des
vagues gazeuses dérivantes fut confiée aux unités du Génie. Des unités spéciales ont
donc été constituées et appelées compagnies Z. Les autorités militaires
françaises souhaitaient mettre en oeuvre leur première opération chimique
avant la fin de l'été 1915. Du retard fut pris et la priorité fut donné au
chargement des obus chimiques au début du mois de juillet 1915. Les
disponibilités en chlore étant excessivement réduites, ce dernier fut
utilisé pour la fabrication d'autres toxiques destinés aux obus
spéciaux.
Au mois d'août,
tout fut mis en oeuvre de nouveau, pour mener une opération au plus tôt,
début septembre si possible. Le personnel fut sélectionné avec le plus grand
soin possible, notamment des hommes de la section technique du Génie ;
l'encadrement fut choisit parmi les membres du régiment des sapeurs pompiers de
la ville de Paris. Dans la mesure du possible, les hommes choisis s'étaient déjà
fait remarquer pour leur sens de la discipline, du dévouement, pour leur calme,
leur énergie et leur résistance physique. Les compagnies Z étaient alors considérées
comme des un unités d'élite ; en cas de mesure disciplinaire, les sapeurs
étaient rétrogradés dans l'infanterie. La première compagnie était
formées au 15 septembre, mais le remplissage des cylindres de chlore ne put
débuter qu'au mois d'octobre.
Formation des
compagnies spéciales de série Z :
Comme nous l’avons vu précédemment, les autorités françaises
s’accordèrent sur la nécessité de répliquer le plutôt possible aux
allemands. Le 29 avril 1915, le Général Commandant en Chef demanda au Ministre
de la Guerre de constituer trois groupes spéciaux (ou compagnies) destinés à
la mise en œuvre d’appareils série Z (des cylindre de gaz liquide), en
utilisant de préférence le personnel des sapeurs-pompiers de la ville de
Paris. Ces trois groupes devaient être par la suite, versés au dépôt du 1er
régiment du Génie.
Arrivé à la fin du mois de juin 1915, devant la difficulté
à se procurer du chlore liquide, il fut décidé de différer l’émission de
vague gazeuse pour porter tous les efforts sur le chargement d’obus et de
bombes en substances agressives. La création des compagnies Z n’était plus
une priorité au début de l’été. Au
courant du mois de juillet, la production d’obus toxique fut planifiée de façon
à disposer de stocks dès le début du mois de septembre (le programme fut
repoussé et finalement, on ne disposa que d’un type de chargement à la fin
de l’été). A la mi-août, la constitution des compagnies Z redevint un sujet
préoccupant. Les bouteilles disponibles pour le chargement du chlore étaient
alors utilisées au transport de toxiques pour le chargement des munitions
d’artillerie chimiques, mais devaient être disponibles d’ici peu. De même,
les marchés passés laissaient supposer que la quantité de chlore nécessaire
serait également disponible pour cette période. L’idée de trois groupes fut
rapidement abandonnée et à la mi-août, c’est finalement le général
Chevalier, directeur du Génie, qui décide de la création de deux compagnies,
rattachées au dépôt du 22iem bataillon du 1er régiment du Génie,
et numérotées 22/31 et 22/32.
Le personnel fut finalement sélectionné dans « les dépôts
en dehors de ceux de l’artillerie, du génie et à l’exclusion des R.A.T. (Régiments
de l’armée Territoriale), de préférence ayant déjà servi sur le front et
qui se seraient fait remarquer par leur sang froid et leur énergie et particulièrement
résistants, surtout au point de vue respiratoire ». « Il
importe surtout que l’on puisse compter sur des gradés et des hommes choisis ;
ils opèreront en effet, dans des conditions tout à fait spéciales ; ils
agiront à peu près isolément sur un front très étendu ; la
surveillance des gradés sera intermittente ; les hommes livrés à eux-mêmes
devront assurer le fonctionnement des appareils en appliquant intégralement la
consigne qu’ils auront reçue avant l’action. Il faut donc que l’unité
soit constituée par des hommes disciplinés, calmes et dévoués ».
Le souhait du Ministre de la Guerre était de mettre en œuvre les deux
compagnies sur le front dès le début de septembre 1915.
Courant septembre 1915, les deux premières compagnies étaient
enfin formées (la 22/32 fut créée officiellement en novembre 1915) ;
elles comprenaient du personnel de la Section Technique du Génie et des hommes
des dépôts. Selon le vœux exprimé par le général commandant en chef des
armées, l’encadrement était assuré par des membres du régiment des
sapeurs-pompiers de la ville de Paris, disponibles au sein du dépôt des
compagnies de sapeurs chargés de la mise en œuvre des appareils Schilt
(lance-flamme). Au mois
d’octobre, les compagnies Z participent au chargement des premières
bouteilles de chlore dans l’usine de « l’acétylène dissous »
à Champigny sur Marne.
Chaque compagnie se composait d’un état-major et de trois
sections, auxquelles fut rattaché un poste de météorologie. En effet, la réussite
d’une opération d’émission d’une vague gazeuse dérivante était
conditionnée par une multitude de contraintes techniques, mais surtout de
contraintes météorologiques. Il était impératif de surveiller, à différents
points du front d’émission, de façon préliminaire et lors du déclenchement
de l’opération, la vitesse, la régularité et l’orientation des vents.
L’ensemble de la compagnie se composait de 5 officiers, les
officiers Z, de 22 sous-officiers et de 369 sapeurs. Fin novembre 1915, une troisième compagnie fut créée, la
22/33, et formée à Satory à partir de janvier 1916 (date réelle de sa création).
Par la suite, de nouvelles compagnies furent créées. Le 9 janvier 1916, le général
Joffre ordonna la création de trois nouvelles compagnies au sein du 22e
bataillon : la 22/34, 22/35 et 22/36.
Recommandé par Joffre, le lieutenant-colonel de réserve Soulié
fut nommé chef du Service des compagnies Z, par le Ministre de la Guerre, le général
Galliéni, en février 1916. En mars 1916, la compagnie dénommée 22/34, était
enfin prête à opérer sous le commandement du capitaine Dautel, du 25e
bataillon de chasseur.
Enfin, le général commandant en Chef décida le 24 mars 1916,
d’adopter la numérotation suivante : deux compagnies devaient désormais
être attachées à un seul bataillon. Ainsi :
Le 31e bataillon du génie sera composé des
compagnies 22/35 et 22/36 qui prendront les noms de compagnie 31/1 et 31/2. Le
32e bataillon du génie sera composé des compagnies 22/32 et 22/33
qui prendront les noms de compagnie 32/1 et 32/2. Le 33e bataillon du
génie sera composé des compagnies 22/31 et 22/34 qui prendront les noms de
compagnie 33/1 et 33/2. Deux nouvelles compagnies, en formation à cette date,
seront dénommées 31/3 et 32/3. Enfin, la compagnie de dépôt portera le nom
de compagnie D/31.
De nouvelles compagnies furent créées les mois suivants :
la 31/4 en juin 1916. Il existait ainsi à cette date
9 compagnies Z.
Le
28 juin 1917, deux groupes furent formés, ayant chacun 2 bataillons à 2
compagnies, dénommés 1er et 2e groupe Z. Le nombre de
compagnies fut ramené à 8 par suppression de la 5e compagnie du 31e
bataillon. Il fut ainsi constitué dans chaque bataillon, par dissolution de
cette compagnie, une section de parc.
Ainsi, en juillet 1917, on compte : 2
groupes Z à 2 bataillons ; chaque bataillon étant constitué de 2
compagnies Z et d’une section de parc, chaque compagnie Z possédant 3
sections et un poste mobile de météorologie.
Dénomination à sa création |
Date de création |
Appellation au 24 mars 1916 |
Appellation à partir de juillet 1917 |
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22/31 |
septembre 1915 |
33/1 |
Dissoute |
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22/32 |
novembre 1915 |
32/1 |
33/1 |
2e groupe Z |
22/33 |
fin novembre 1915 |
32/2 |
34/1 |
2e groupe Z |
22/34 |
janvier 1916 |
33/2 |
34/2 |
2e groupe Z |
22/35 |
janvier 1916 |
31/1 |
31/1 |
1er groupe Z |
22/36 |
janvier 1916 |
31/2 |
31/2 |
1er groupe Z |
31/3 |
mars 1916 |
31/3 |
32/1 |
1er groupe Z |
32/3 |
mars 1916 |
32/3 |
33/2 |
2e groupe Z |
31/4 |
juin 1916 |
31/4 |
32/2 |
1er groupe Z |
Par exemple, le 33e bataillon
comprend la Cie 33/1 (22/32 puis 32/1) et la Cie 33/2 (ex 32/3), 2iem groupe Z.
Les compagnies Z
utilisaient trois types de bouteilles : type lourd (70 kg pour 40 kg de gaz,
1,25m de haut), type moyen (50 kg pour 27 kg de gaz, 0,90m de haut), type léger (25 kg pour 15 kg de
gaz, 0,75 m de haut).
Pour les opérations
avec matériel léger ,
l’émission pouvait avoir une durée de 5 à 20 minutes suivant la densité de
la vague, sur un front de 500 à 600 mètres pour une compagnie (750 bouteilles
légères, soit 11,250 tonnes de gaz par compagnie).
Toutes les
bouteilles étaient constituées de tôle d'acier de 4mm d'épaisseur, soudées
à l'autogène, portant à leur base une frette servant d'embase au
récipient. Leur diamètre était de 20 cm.
Ces trois types de
bouteilles portent à leur partie supérieure un robinet à pointeau et un tube
plongeur vissé dans l'oeil du récipient. Le tube plongeur a un diamètre
intérieur de 5 mm. Le robinet à pointeau est manoeuvré au moyen d'une clef
carrée de 8 mm.
Pour les opérations
avec matériel lourd, une compagnie pouvait faire une émission d’une durée
de 1 à 2 heures, suivant la densité de la vague, sur un front minimum de 3 km.
On utilisait alors près de 1000 bouteilles par km (40 tonnes/km) ; une compagnie pouvant
mettre en œuvre environ 3000 bouteilles. Les bouteilles étaient groupées sur
un collecteur en fer, prolongé par un tube d’éjection en plomb se terminant
par une lance en fer. Les bouteilles étaient alors dissimulées dans des abris
creusés au moins à 2 mètres sous le parapet.
La vague pouvait être
rendue opaque par l’adjonction d’un produit fumigène : l’opacite ou
chlorure d’étain.
La première opération
des compagnies Z devait se réaliser dans l’Aisne, près du mont Têtu. Le lâcher
de la vague, programmé pour le 3 décembre 1915, fut repoussé à plusieurs
reprises pour finalement être annulé pour des raisons météorologiques et
techniques.
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Ci-dessus : Vue d'un collecteur fixé sur
un tableau de distribution. Il permet de brancher plusieurs bouteilles
sur une seule nourrice d'évacuation. |
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Ci-dessus : bouteille à gaz de type lourd.
Elle mesure 1,250m de haut pour 22 cm de large. |
Très
peu de travaux permettent aujourd'hui d'appréhender cet aspect des hostilités
du côté français. L'essentiel de ceux qui ont été publiés jusqu'ici sont
complètement inexacts et absolument inexploitables tant ils sont truffés
d'erreurs. Olivier Lepick, dans son ouvrage La Grande guerre Chimique, dresse
pour la première fois un tableau de ces attaques un peu plus précis. Il insiste
sur la difficulté à retracer un bilan de ces opérations, les archives
allemandes étant malheureusement parties en fumée à la fin de la Seconde
Guerre mondiale. Les publications les plus récentes jugent l'ensemble du
programme chimique français, et particulièrement celui relatif aux attaques
par vagues gazeuses, comme médiocre. La réussite des attaques françaises
serait limitée par trois facteurs : le tonnage de gaz utilisé pendant ces
attaques, l'utilisation de chlore seul et la qualité du masque respiratoire
allemand. Une étude plus approfondie de l'ensemble des opérations des
compagnies Z permet de confondre ce jugement. La qualité des observations et
des études réalisées par l'IEEC ont permis aux services français d'atteindre
une maîtrise dans ce domaine, inconnue jusqu'alors. Non seulement, le tonnage
utilisé fut dans l'ensemble important et souvent supérieur à celui observé
par les Allemands, mais les travaux réalisés sur les facteurs influençant la
concentration de la vague, permirent de déterminer les conditions d'émission
les plus favorables et d'obtenir des concentrations de toxiques bien plus
élevée pour des tonnages identiques. Les conditions météorologiques furent
définies avec soin ; vitesse du vent, régularité, mouvements particuliers
dans chaque secteur d'émission, tendances générales des vents, vitesse au sol
et à plusieurs mètres de haut, heure d'émission, température du sol et
différence avec la température ambiante, soleil, humidité... Mais aussi une
quantité d'autres facteurs, comme la vitesse d'éjection du gaz en sortie des
rampes d'émission, fonction du gaz utilisé, de la contenance des bouteilles,
de la température ambiante, du nombre de bouteilles groupées sur une nourrice,
ou sur un collecteur, de la longueur du tuyau de la bouteille à la rampe, de sa
constitution (diamètre, métal, caoutchouc...), de la profondeur des abris
d'émission (facteur pouvant diminuer de moitié la concentration de la vague),
et de bien d'autres encore. Selon les études menées par le capitaine Bied
Charreton, ces facteurs pouvaient modifier la concentration obtenue d'un facteur
de 1 à 10.
La décision d'ajouter du phosgène au chlore dans les vagues fut prise le
18 décembre 1915 par le général Commandant en Chef.
Contrairement aux unités
allemandes, les compagnies Z procédaient à la mise en place des bouteilles
chargées de gaz toxique, en les enfouissant dans des abris souterrain, qui les
mettaient à l'abri des tirs d'artillerie. Au cours de l'année 1916 et pendant
les premières émissions, ces abris étaient peu profonds. Mais l'expérience
démontra qu'il était nécessaire d'avoir une couche de terre de plusieurs
mètres pour suffisamment protéger les cylindres d'acier. L'aménagement de ces
abris fut constamment modifié pour qu'ils puissent accueillir un nombre de
bouteilles de plus en plus important.
Les opérations
chimiques :
Les opérations étaient en principe à l’initiative des commandants de groupe
d’armée, auxquels une compagnie (ou plus) était mise à disposition. L’étude
des opérations incombait au commandant du groupe Z ou de la compagnie, ou du
bataillon. Il déterminait les zones de terrain où l’opération était
envisageable et définissait le plan général.
Ce plan était envoyé au Général Commandant en Chef. Puis, venait l’étude
préliminaire et détaillée, avec examen topographique du terrain, détermination
du type d’installation à adopter, liaisons téléphoniques à créer, nature
et quantité du matériel à prévoir, étude météorologique et probabiliste.
Elle donnait lieu à la rédaction d’un projet d’opération, présenté par
le chef du groupe Z (ou commandant de compagnie avant leur formation) et soumis
à l’approbation du Général Commandant le groupe d’armée qui envoyait au
Général en Chef un compte rendu succinct de l’opération projetée.
Après approbation, on passait à la préparation. Le chef de bataillon préparait
la commande de matériel, le piquetage en ligne des postes d’émission et
s’assurait du bon déroulement des travaux et de l’installation. Les
bouteilles étaient envoyées par train, réceptionnées à la gare la plus
proche du front, et transportées par camion ou par voie de 60 au plus près des
lignes. Elles étaient ensuite portées à bras dans les boyaux et tranchées. Puis, un
fois les travaux terminés, venait la période d’attente des conditions
favorables.
Dès qu’elles se présentaient, les compagnies étaient alertées par le
commandant de l’unité. L’heure de l’attaque était fixé par le général
commandant la division ou le groupe d’armée, sur proposition du commandant de
l’unité Z. L’attaque déclenchée, ce dernier en surveillait, minute par
minute, en liaison téléphonique constante avec les postes météorologiques et
les postes d’émission, le déroulement.
En général, deux
hommes étaient affectés à chaque poste d'émission. Un caporal surveillait 5
postes, un sergent douze postes, un lieutenant et un adjudant surveillaient 25
postes. Les différentes phases de l'opération se faisaient à des heurs
fixées à l'avance, pour éviter l'emploi de signaux qui pourraient donner
l'éveil à l'ennemi.
Chaque Cie puis
chaque groupe Z possédait un poste météorologique. Avant l'opération, il
renseignait le commandement sur le régime atmosphérique du moment et celui
probable dans les heures à venir. Peu de temps avant l'opération, il faisait
des prévisions à courte échéance, pour préciser l'heure à laquelle
l'opération pouvait avoir lieu. Pendant l'opération, il suivait à chaque
instant l'allure des vents pour permettre au commandement de donner l'ordre
d'arrêt si la poursuite de l'opération devenait dangereuse. Deux études
étaient systématiquement faites. La première était celle de la situation atmosphérique
générale. Deux à trois fois par jour, les postes Z recevaient de toutes les
stations météo de France, des pays alliés et des principaux pays neutres, les
renseignements concernant la situation et la tendance barométrique, ainsi que
l'état du temps à ces postes. Au moyen de ces renseignements, les chefs de
poste établissaient les cartes isobariques qui faisaient ressortir les points
de basse et haute pression. Ces cartes permettaient, dans une certaine mesure,
de prévoir la direction des vents et la vitesse des grands courants aériens.
La seconde était l'étude des modifications que subissaient le poste météo et
les éléments atmosphériques des lignes. La forme et la nature du terrain
avaient une influence considérable sur la vitesse et la direction du vent au
contact du sol, et c'est précisément ces conditions qui influençaient la
vague à son émission. Il fallait ainsi, par une longue série d'observation
quotidienne, poursuivie simultanément au poste météo et dans les tranchées
de première ligne, déterminer à quelle vitesse et direction de vent en chaque
point de la tranchée, correspondait chaque vitesse et direction de vent lues au
poste météo. Toutes ces observations permettaient d'établir des tables
de correspondance qui permettaient de déduire d'une lecture faite au poste, une
vitesse et une direction réelle de vent au parapet de la tranchée
d'émission.
Les balbutiements des premières opérations :
La compagnie 22/32 embarquait le 3 novembre 1915 de la gare des
matelots pour la Champagne. Sur place, elle procéda à l’instruction des
renforts qui finissaient de rejoindre la compagnie, et à diverses
reconnaissances. Le choix du site pour la première émission fut retenu le 16
novembre : le mont 180, entre le mont Têtu et la butte de Mesnil. Les
travaux d’aménagement débutèrent le 18 ; les abris furent creusés
sous le parapet de la tranchée, sous forme de niches d’émission, peu
profondes.
Mais rapidement, les conditions de travail devaient se détériorer.
Le gel et dégel successif et la pluie éboulaient les niches aménagées.
L’accès aux premières lignes devenait très compliqué au milieu de tranchées
effondrées par les conditions météorologiques et les bombardements. Puis, les
sacs de terre et le matériel de boisage finirent par disparaître au profit des
troupes d’infanterie qui n’hésitaient pas à piller les abris. Des sapeurs
furent blessés par les bombardements incessants.
Enfin, le portage des bouteilles en première ligne débuta le
29 novembre. 500 bouteilles furent amenées à destination dans des conditions
difficiles, de nuit. La fin du transport devait avoir lieu dans la nuit du 2 décembre ;
les hommes partirent avec leur chargement de l’index à 18 heure. Mais les
porteurs, après avoir lutté jusqu’à 4 heure du matin, durent abandonner
leurs bouteilles où elles se trouvaient. Plusieurs s’étaient cassés une
jambe, démis l’épaule, ou avaient été blessé par les bombardements. Il
fallut trois nuits pour rassembler les bouteilles laissées éparses sur le
terrain. Le 7 décembre, la compagnie fut contrainte de réparer toutes les
niches d’émission, détruites par le mauvais temps. Le 9, tout était enfin
prêt et la compagnie, très éprouvée, prit position en première ligne dans
l’attente de conditions favorables. Le 11, un renfort de la compagnie 22/31
arrivait pour remplacer la centaine d’hommes évacués depuis les jours
derniers. Les conditions étaient toujours déplorables. Le 11, à minuit,
l’ordre fut donné de mettre les bouteilles en batterie et de fixer la
tubulure ; l’émission devait être imminente. De nombreuses bouteilles
fuyaient, le matériel avait été très éprouvé, tant et si bien que dans la
confusion la plus complète, l’opération fut purement et simplement annulée.
Dans les jours suivant, l’état du matériel fut de nouveau
évalué, et devant les réparations à effectuer, l’opération fut définitivement
abandonnée. Le 17 novembre, la compagnie recevait l’ordre de changer de
secteur. C’est donc une méconnaissance
complète de la complexité de la mise en œuvre de ces opérations qui serra la
cause de l’avortement de la première émission gazeuse française.
La
compagnie 22/31 est formée à Satory le 5 septembre 1915 ; le capitaine
Grisard en prend le commandement le 1er octobre. Le 1er décembre
1915, la compagnie 22/31, sous les ordres du commandant Grisard, reçue
l’ordre de rejoindre la région des Vosges pour préparer une opération spéciale.
Mais ce n’est qu’une fraction de la compagnie, un détachement de
reconnaissance, prélevé sur l’effectif total, qui se rend en ce début de décembre
dans le secteur. La compagnie au complet n’arrive dans les Vosges qu’à
partir du 16 décembre, pour un déclenchement de l’opération prévu à la
fin du mois. Ainsi, le 16 décembre, la compagnie Z 22/31 (bientôt renommée Z
33/1) rejoint la vallée de la Thur, au nord de Thann, dans le secteur de la 66e
D.I.. La préparation de l’opération fut plus longue que prévu et il semble
que les préparatifs ne furent achevés qu’au 20 janvier 1916.
Malheureusement,
l’arrivée du matériel spécial et son transport, l’indiscrétion des
troupes ne permirent pas de préserver le secret de l’opération. Il s’en
suivi un énervement général de la population et du commandement. Cette
situation fut connue du Président de la République, Raymond Poincaré, en
voyage dans la région, puis par différents membres du gouvernement. Ils firent
remarquer que des populations civiles françaises importantes vivaient à
proximité de la ligne d’émission et que la nappe de gaz ne manquerait pas de
provoquer des pertes parmi ces civils français. Il semble que Poincaré
intervint personnellement pour empêcher l’opération, en jugeant la perte de
populations civiles françaises comme intolérable. Les militaires français jugèrent
que l’opération ne pouvait avoir lieu sans évacuation de la ville de Thann,
ce qui ne semblai pas réalisable.
A
la date du 30 janvier, la compagnie Z reçue l’ordre de se tenir prête à opérer.
On remarqua alors dans les tranchées ennemies, des essais de rampes de
feu destinées à la protection contre les gaz ; l’opération était
donc connue également de l’ennemi et fut finalement ajournée.
La
compagnie fut alors dirigée vers le Thillot, mais le matériel arrivé en
pleine nuit fut installé tout près de la gare, à la vue de tous les
voyageurs. En hâte, des bâches furent demandées au commandant du cantonnement
de la gare, qui refusa...
Les
conclusions sur les préparatifs des opérations spéciales furent rapidement
tirées : « une compagnies Z arrivant dans un secteur ne doit pas
être astreinte aux mêmes démarches qu’une unité quelconque sous peine
d’attirer l’attention et de compromettre l’opération projetée (…) ;
elle doit être isolée le plus possible de tout autre troupe ou de civils (…) ;
le matériel qui doit rejoindre le plus tard possible la compagnie, doit être
transporté de la gare aux abris d’attente la nuit ».
Suite à l’échec de l’opération de Thann, le commandant Chevalier
fut remplacé par le chef de bataillon Bloch, commandant le génie de la 129e
D.I.. Puis le capitaine Franceschi fut nommé pour remplacer le capitaine
Grisard, à la tête de la compagnie 22/31. Le 28 avril, la compagnie 22/31 reçut
l’ordre de s’installer dans la région du Violu.
La
première opération ayant effectivement été réalisée se déroula au nord de
Reims, à La Neuville-Le Godat, le 14 février 1916 . Contrairement à ce
qui est fréquemment reporté, cette opération fut de grande envergure , 2700
bouteilles contenant 108 tonnes de chlore ayant été placées en ligne. Au
final, 90 tonnes de chlore sur
2,2km de front seront utilisés pour l'opération, soit un tonnage de 40 tonnes
par km, un tonnage plus important que celui des vagues allemandes de l'année
1915 et sur un adversaire qui possède un appareil de protection nettement moins
efficace que celui des troupes françaises (voir l'historique
de la compagnie 22/33). Par ailleurs, et toujours en
opposition à ce que l'ensemble des auteurs ont pu décrire jusqu'ici, ces
opérations sont presque toutes d'envergure importante, comme le laisse voir le
tableau ci-dessous.
Les
premières opérations sont l'occasion de nombreux essais, la technique et
l'organisation se développant au fur et à mesure des émissions. Rapidement,
les bouteilles sont protégées dans des abris creusés sous le parapet de la
tranchée, abris qui seront creusés de plus en plus profondément et qui
abriteront un nombre de bouteilles de plus en plus important. Dans la majeure
partie des opérations par matériel lourd, les abris sont séparés d'une
distance d'une vingtaine de mètres. Les tuyauteries en caoutchouc sont
remplacées par de collecteurs métalliques sur lesquels ont dispose 3, puis
6,12 et enfin 18 bouteilles. La première émission réalisée par
matériel léger se déroule le 3 juin 1916, au Violu, sur un terrain à priori
impraticable pour ce genre d'opération. Très rapide à mettre en oeuvre, ce
type d'émission devait surprendre l'adversaire dans des secteurs réputés à
l'abri d'attaques par vague. Les documents saisis sur des prisonniers allemands
mettront en lumière la crainte que les troupes ennemies pouvaient avoir devant
ce type d'attaque, où aucun secteur ne pouvait être épargné. De fait, ce
type d'opération fut l'objet d'études et d'instructions particulières, de
façon à se développer dès la fin de l'année 1916. Malgré un tonnage faible
et une largeur de front réduite, les conditions d'émission permettaient
d'obtenir des résultats probants tout en harcelant l'adversaire.
L'inconvénient majeur était la dangerosité et la vulnérabilité ; la
dernière de ces opérations se soldera par l'intoxication de près de la
moitié de la Cie et le décès de 79 sapeurs.
Au
cours de l'année 1916, les émissions furent concentrées sur quelques secteurs
géographique. La région au nord de Roye, coupée en deux une petite rivière
de Picardie, la Avre, fut l'objet de plus de 50 lâchers de gaz contre les
troupes allemandes, dans le cadre de 11 opérations successives menées par le
31e bataillon du génie. Ces attaques locales, planifiées dans le cadre de la
grande offensive franco-britannique de la Somme, avaient pour objet de harceler
l'adversaire, de lui causer le plus de pertes possible et surtout de l'obliger
à maintenir sur ce front une quantité de troupe importante, en lui faisant
craindre une action offensive sur ce secteur à la limite de la grande
offensive. Ces troupes allemandes, maintenues dans un secteur qui s'avèrera
stratégiquement insignifiant, manquèrent sur le front de la bataille qui se
jouait à quelques kilomètres de là.
La diversité du type d'opérations menées par les unités Z est tellement
étendue qu'il est très délicat d'en faire une synthèse. Les velléités
offensives des opérations chimiques, telles qu'elles avaient été envisagée
aux prémices de la réplique alliée, furent revues très largement à la
baisse. Et même, lors des préparatifs de la première opération préparée
par la Cie 22/32, il n'était absolument plus question de percer le front, ni
même de lancer une offensive limitée, à la suite d'un lâcher de gaz. Le but
de ce type d'opération est pratiquement constant tout au long du conflit ;
harceler l'adversaire, lui provoquer des pertes, fixer ses réserves sur des
points du front sans intérêt stratégique, le contraindre à une défense
passive en tous lieux et tous points du front, le démoraliser... A certaines
occasions, les lâchers de gaz pouvaient avoir pour objectif de forcer la
résistance de certaines parties du front, sur des objectifs restreins et dans
le cadre d'opérations limitées. Très souvent, ces opérations étaient
suivies de coups de mains, organisés par les troupes occupant le secteur et
souvent avec l'aide de sapeurs volontaires des Cies Z. Ils étaient l'occasion
de cueillir des renseignements chez l'adversaire et de se rendre compte de
l'efficacité des vagues gazeuses. En 1916, ils étaient fréquemment lancés
après la dernière vague ; l'ennemie qui était souvent aux aguets et les tirs
de représailles de l'artillerie allemande rendaient ces missions très
périlleuses. Parfois, les hommes n'avaient même pas l'occasion de quitter les
lignes françaises tant la densité du feu ennemi était importante. A partir de
1917, on choisit souvent d'attendre avant d'envoyer les troupes opérer ces
coups de mains. Parfois, ils avaient lieu un, deux ou trois jours après
l'opération. Les prisonniers recueillis étaient alors plus à même de fournir
des renseignements sur les effets des gaz.
Tout au long du conflit, de nombreuses stratégies furent élaborées pour
surprendre les Allemands lors des émissions. La première vague était
souvent claire, de concentration importante pour causer le maximum de pertes.
Les chefs de bataillon planifiaient parfois un deuxième lâcher dans les deux
minutes suivantes, à l'aide d'une vague opaque. Malheur à celui qui n'avait
pas son appareil de protection directement sous la main. En plus de l'atmosphère
toxique qui envahissait la tranchée, la visibilité tombait alors à quelques
centimètres au bout de 2 minutes et pouvait provoquer un véritable mouvement de panique. Toutes les
combinaisons possibles furent essayées, de façon à ne jamais renouveler un
plan d'opération (voir le détails des opérations).
Au final, il est frappant de constater avec quelle détermination les
services chimiques français se sont consacré à la technique des vagues
gazeuses dérivantes, sans entraver le développement d'autres techniques comme
celle de l'artillerie. Les troupes allemandes et anglaises se contentaient de
porter en ligne des milliers de cylindres, de les enterrer au deux tiers et
d'ouvrir les pointeaux au moment opportun ; l'évacuation se faisait par un
simple tuyau de caoutchouc qui était fixé sur le bord de la tranchée. De
leurs côté, l'organisation des émissions par les Cies Z devint de plus en
plus complexe. Les postes d'émission des opérations par matériel lourd
étaient protégés par plusieurs mètres de terre et regroupaient parfois des
dizaines de bouteilles, montées sur des collecteurs avec des nourrices
métalliques calibrées. Rien n'était laissé au hasard et tout avait été
déterminé pour une efficacité maximale (voir la partie Etude
et la partie Technique)
. Les différents secteurs d'émission étaient tous reliés par ligne téléphonique
au PC de la Cie ou au PC de commandement. Les lignes téléphoniques étaient
souvent doublées par des lignes de secours. En plus d'un poste météorologique
placé en arrière du front, différents opérateurs météo communiquaient en
temps réel leurs informations au PC, tous les jours, ainsi que pendant toute la
durée des
opérations. La direction des vents et leur vitesse étaient analysées en temps
réel lors des émissions ; le commandant de la Cie pouvait (ce qui se fit
fréquemment) arrêter à tous moment un poste ou un groupe de postes
d'émission, qui pouvait présenter un risque en raison de conditions météo
défavorables. Malgré toutes ces précautions, les intoxications dans les rangs
des manipulateurs des Cies Z étaient fréquentes. On imagine donc aisément
qu'elles furent encore plus nombreuses au sein des troupes allemandes qui
n'avaient pas mis en place de système si complet de précautions.
Date
|
Front
d’émission
|
Nature
de l’émission
|
|
Corps
allemands paraissant avoir subi l’attaque
|
Observations
|
|
14
février1916
|
Secteur
de Reims
La
Neuville le Godat
4h30-5h50,
front de 2200 m
1h00
d'émission entrecoupée de deux pauses.
|
Chlore
90
tonnes
40
t/km
|
|
32e Div
|
|
22/33(32/2) |
25
mars 1916
|
Secteur
de la Pompelle
23h00-23h30
23h45-00h05, front de 2800 m
|
Chlore
72
tonnes
25t/km
|
|
4e
Div
|
39
intoxications dans les unités Z, 75 au total.
|
22/32
(32/1) |
13
avril 1916
|
Secteur
de Compiègne
Ferme
de Quennevières, Boyau du peintre (Compiègne),2h30-4h00
Front
de 2600 m
|
Chlore
103
tonnes
40t/km
|
1,25tonnes/minutes/km
de front sur 30 minutes consécutives. |
16e
Div de réserve
|
|
22/35
(31/1) et 22/36 (31/2)
|
3
juin 1916 |
Au
Violu (Vosges) |
Opération
par matériel léger, près de 400 bouteilles |
|
|
Opération
interrompue |
33/1
(ex 22/31) |
4
juin 1916
|
Secteur
de Reims
Secteur
Les Marquises
22h00-23h00
Front
de près de 3000 m
|
Chlore
72
tonnes
23t/km
|
|
103e Div
|
14
intoxications dans les unités Z
|
32/3 |
13
juin 1916
|
Secteur
de Reims
La
Neuville Le godat
|
Chlore
35
tonnes
|
|
32e
Div, 12e Btn de chasseurs
|
|
22/33(32/2) |
28
juin 1916
|
Région
nord de Roye (Somme)
Fouquescourt-Parvillers-Andèchy
Front
de 7100m
|
Chlore
220
tonnes
31t/km
|
|
36e
Div
|
|
31/1
et 31/3 |
5
juillet 1916
|
Région
nord de Roye (Somme)
Lihons-Maucourt
|
|
|
35e
Div
|
Opération
interrompue ; 62 intoxications dans l’unité Z et 8 morts.
|
31/4
(deviendra 32/2) |
12
juillet 1916
|
Région
nord de Roye (Somme)
Secteur
Echelle Saint-Aurin-Dancourt-calvaire de Beuvraignes
Front
de 5400 m
|
Chlore
130
tonnes
24t/km
|
|
2e
Div de la Garde
|
|
31/2 : 76 tonnes
|
14
août 1916
|
Région
nord de Roye (Somme)
Secteur
Echelle Saint-Aurin-Dancourt-route de Tilloloy à Roye
Front
de 3800 m
|
Chlore
110
tonnes (57 + 53) tonnes
29t/km
|
|
11e
Div de réserve
|
|
31/2
(57t) et 33/1 (53t) |
15
août 1916
|
Région
nord-est de Compiègne
Secteur
sud-ouest de Moulin-s/-Touvent
Front
de 2200 m
|
Chlore
40
tonnes
18t/km
|
|
16e
Div de réserve
|
|
31/4
(située à gauche de la 31/1, qui attendra le 4 octobre pour déclencher
son opération) |
25
août 1916
|
Ferme
de Navarin
Front
évalué à 12 000m
|
Chlore
420
tonnes ?
38t/km
|
|
9e
et 10e Div de réserve
|
|
22/32
(32/1) : 84 tonnes sur près de 2200 m ; 38t/km
32/3 : 103 tonnes sur près de 3km ; 35t/km
22/34 : 52 tonnes
|
13
septembre 1916
|
Région
nord de Roye (Somme)
Route
d’Amiens à Roye et Andechy
Front
de 2400 m
|
Chlore
40
tonnes
16t/km
|
|
8e
Div de réserve Bav
|
|
31/3 |
|
|
|
|
|
|
|
4
octobre 1916
|
Secteur
de Compiègne
Secteur
Ferme de Quennevières Boyau Duplessis
Front
de 2750 m
|
60
tonnes
22t/km
|
|
45e
Div de réserve
|
7
intoxications dans l’unité Z
|
31/1 |
6
octobre 1916
|
Secteur
Somme-Suippes, Perthes, du boyau Jousset dans la tranchée Wombey, au
saillant ouest du bois du coucou, du boyau chabannais à la tranchée
Fleurus.
|
Chlore
128
tonnes
42t/km
|
|
52e
Div de réserve
|
|
22/33(32/2) |
28
octobre 1916
|
Région
nord de Roye (Somme)
Secteur
Echelle-Saint-Aurin-Dancourt
Front
de 2100 m
+ 1100 m
|
Chlore-phosgène
155
tonnes
47t/km
|
|
2e
Div de la Garde
|
|
31/4
(deviendra 32/2) : 59 tonnes
33/1 : 96 tonnes
|
8
novembre 1916
|
Secteur
de la Harazée
|
Matériel
léger
|
|
19e
Div de réserve
|
|
|
23
novembre 1916
|
Secteur
de Saint-Souplet
|
Chlore-phosgène
130
tonnes
|
|
10e Div erzatz
|
|
32/3 |
25
novembre 1916
|
idem
|
|
|
Idem
|
|
|
5
décembre 1916
|
Région
nord de Roye (Somme)
Fouquescourt-Andéchy
Front
d'environ 6000m
|
Chlore-phosgène
212
tonnes
35 t/km
|
|
15e
Div de réserve
|
6
intoxications
|
31/3
: 106 tonnes
31/2 : 106 tonnes
|
12
décembre 1916
|
Secteur
sud-ouest de Moulins-s/-Touvent
|
|
|
213e
Div
|
|
|
12
décembre 1916
|
Secteur
de Bailly
Front
de 500 m
|
Matériel
léger
|
|
212e
Rgt de réserve
|
|
|
20
décembre 1916
|
Secteur
au nord de Vingré
Front
de 2200 m
|
Chlore-phosgène
80
tonnes
36t/km
|
|
9e
Div
|
4
intoxications
|
31/4
(deviendra 32/2) |
22
décembre 1916
|
Région
nord de Roye (Somme)
Secteur
Dancourt bois D
Front
de 2750 m
|
100
tonnes
36t/km
|
|
23e
Div
|
|
33/1 |
23
décembre 1916
|
Région
nord de Roye (Somme)
Secteur
Dancourt bois D
Front
de 2750 m
|
|
|
23e
Div
|
Suite
de l'opération de la veille
|
33/1 |
31
décembre 1916
|
Secteur de Tahure
|
Chlore
(puis chlore + opacite) : 9 tonnes (matériel léger)
Phosgène
: 1,6 tonnes (matériel 1/2 lourd).
|
|
263e Rgt, 239e Rgt, 240e
Rgt
|
|
22/33(32/2) |
16 février 1917
21h00
|
Secteur
de Sainte-Marie à Py-Saint-Souplet, à l’est de la route
Saint-Hilaire-le-Grand-Saint Souplet
Front
de 1450 m, une vague 21h à22h30
|
Chlore
+ Phosgène + Opacite
127
tonnes
Matériel
lourd
90t/km
|
|
25e
Div de réserve
|
26
intoxications
|
32/3 |
17
février 1917
1h00
|
Secteur
d’Auberive, à cheval sur la route de Mourmelon-le-Grand à Auberive,
secteur Russe
Front
de 1400 m
|
Chlore
+ Phosgène
Matériel
lourd
128+16
tonnes
100t/km
|
|
212e
Div de réserve
|
Interrompue
par une saute de vent, seulement 319 bouteilles ouvertes
|
22/32
(32/1) |
29
mars 1917
5h00
|
Idem
|
Chlore
+ Opacite + Phosgène en 2 vagues
Matériel
lourd
3800 bouteilles
144
tonnes
100t/km
|
|
212
Div de réserve
|
|
22/32
(32/1) |
1er
avril 1917
0h00
|
Bois
Brûlé, forêt d’Apremont
Front
de 600 m
|
1er
vague 0h00 à 0h08, Chlore + Opacite
2e
vague : 1h30 à 1h40, Chlore + Phosgène + Opacite
28t/km
|
|
1er Div Bav
|
|
|
12
avril 1917
2h00-2h15 |
Secteur
de La Harazée |
Matériel
léger
12 tonnes
Une vague |
|
|
|
33/2 |
31
mai 1917
22h30
|
Secteur
de Nieuport, entre la côte et le canal de Plaschenaele
Front
de 2650 m
|
de
22h30 à 23h30
126
tonnes
48t/km
|
|
1er
Div Maritime
|
Front
non continu en raison des Polders.
30
intoxications
|
31/1
62 tonnes
31/2 : 64 tonnes
|
4
juin 1917
0h45
|
Idem
Front
utile 1200 m
(?)
|
Une
vague Chlore + Phosgène
avec matériel léger à 0h45
7,2
tonnes
pour la Cie 31/1 et sensiblement le même tonnage pour 31/2
|
|
idem
|
Idem
|
31/1
et 31/2 |
22
juin 1917
|
Secteur
de Troyon, bois des chevaliers. |
1er
vague 0h30
2e vague :
2h00
Chlore +
phosgène +opacite 12 tonnes
Matériel
léger |
|
|
|
22/33 |
25
juin 1917
|
Opération
de la Grotte du dragon
|
Chlore-phosgène |
|
|
|
31/4 (deviendra
32/2)
|
11
juillet 1917
1h30
|
Secteur
de Troyon, Bois de Saint-Remy au sud de la route de Mouilly à Saint-Remy
Front
de 350 m
|
Une
vague Chlore + phosgène + opacite de 15 min.
12
tonnes
34t/km
Matériel
léger
|
|
8e
Div de Ldw
|
|
22/33 |
11
juillet 1917
1h30
|
Secteur
de Troyon, Bois Bouchot, en avant de Vaux-les-Palameix
Front
de 400 m
|
1er
vague : 1h30 à 1h38, Chlore + phosgène
2e
vague : 2h30 à 2h36, Chlore + opacite
12
tonnes
30t/km
Matériel
léger
|
|
45e
Div de réserve
|
|
22/33 |
19
juillet 1917
|
La
Harazée
Front
de 400 m
|
Une
vague Chlore + phosgène + Opacite de 1h00 à 1h12
Matériel
lourd
30
tonnes
75
t/km
|
|
2e
Div Bav
|
|
34/2
(ex33/2) |
24
juillet 1917
|
Urvillers
|
|
|
|
|
|
24
août 1917
|
Saint-Quentin,
saillant de Rocourt, saillant côte 116
Front
de 10 000 m
|
380
tonnes
38t/km
|
|
25e
Div de réserve
|
75
intoxications dont 1 mort.
|
32/2
(ex 31/4) : 95 tonnes
31/1 : 84 tonnes
|
9
septembre 1917
|
Creute
du Panthéon
|
|
|
|
|
|
14
septembre 1917
|
Seicheprey,
bois de Mort Mare
|
1er
vague : 2h30
2e
v
40
tonnes Chlore + opacite + phosgène
|
|
|
|
22/33
et 22/34 |
3
octobre 1917
|
Fey
en Haye
Front
de 1000m
|
Chlore
+ phosgène
|
|
|
|
22/32
(32/1) et 32/3 |
14
octobre 1917
|
Marvoisin
Front
de 400 m
|
Matériel
léger
7
tonnes
17t/km
|
|
|
|
22/34 |
30
octobre 1917
|
Fey
en Haye
Front
de 1200 m
|
80
tonnes
66t/km
|
|
|
|
|
24
novembre 1917
|
Secteur
sud-ouest de Juvincourt, Ville au Bois
|
Matériel
léger
15
tonnes chlore phosgène
|
|
|
Renforcée
par un tir de 500 bombes de projecteurs
|
31/4(32/2)
et 31/3 (32/1) et 31/2 |
27
novembre 1917
|
Seicheprey,
bois de Faye de Chenevières, bois de Remières
Front
de 300 m
|
14
tonnes
46t/km
|
|
|
|
34/2 |
9
décembre 1917
|
Bois
de Mortmare
Front
de 750 m
|
Matériel
léger
3
front différents
18
tonnes de chlore-phosgène et chlore-phosgène-opacite.
24t/km
sur 5 et 10 minutes.
|
|
|
|
34/2 |
6
janvier 1918
|
Fey
en Haye
Front
de 1200 m
|
50
tonnes
41t/km
|
|
|
19
intoxications
|
|
10
janvier 1918
|
Secteur
de Reillon-Saint-Martin
Front
de 3000 m
|
174
tonnes chlore-phosgène-chloropicrine
58t/km
|
|
|
12
intoxications dont 3 morts.
|
|
19
janvier 1918
|
Secteur
de Veho
Front
de 750 m
|
9
tonnes
12t/km
|
|
|
6
intoxiqués
|
33/1 |
9
février 1918
|
Secteur
de Badonviller, ferme du Malgrejean
|
|
|
|
|
34/2 |
19
mars 1918
|
Bois
Banal
Front
de 1200 m
|
Émission
à 23h30
Chlore-phosgène-opacite
Type
lourd et léger
45
tonnes
37t/km
|
|
|
|
33/1 |
13
mai 1918 |
Mont
sans Nom |
Matériel
léger
7,5 tonnes de phosgène.
|
|
|
79
décès et 73 intoxications grâves. |
31/1 |
 |
|
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Ci dessus ; essais français d'émission de vagues de
gaz et de fumigènes. |
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Ci dessus : Poste de vidange des bouteilles de
phosgène, dans l'atelier du MCG à Juvisy-sur-Orge. Les français
décident d'utiliser le redoutable mélange de chlore et de phosgène
pour l'émission de vagues dès décembre 1915. Il faudra cependant
attendre la seconde moitié de 1916 pour qu'il soit utilisé, le temps
que les compagnies Z aient acquis une expérience suffisante dans le
maniement des cylindres de gaz. |
Nous avons développé l'historique de chacune de ces attaques dans les pages
des Compagnies Z, mais nous revenons ici sur quelques opérations particulières
:
Opérations Feldpost sur
le front de l’Yser.
Probablement
par hasard, deux Compagnies Z du Génie et des pionniers des Compagnies
chimiques allemandes vont se retrouver en face, dans le cadre de préparations
et d’opérations chimiques proprement dites.
Nous ignorons
presque tout des préparatifs allemands en vue de ces attaques. Elles
furent menées conjointement avec des troupes du Corps de Marine des
Flandres, son détachement d’assaut et des pionniers des compagnies
chimiques.
Le détachement
d’assaut du Corps de Marine des Flandres, ou Sturm-Abteilung du
Marine-Korps, fut créé par ordre du jour du 15 juillet 1916. 300 hommes
furent prélevés sur les 3 régiments d’Infanterie de Marine, les 5 régiments
de fusilliers Marins ainsi que des compagnies du Génie du Marine-Korps.
Stationnés
à De Haan, ces hommes reçurent une formation de six semaines en vue de
former une troupe d’élite. A l’issue de cette formation, les 100
meilleurs soldats furent sélectionnés et constituèrent un
Sturm-Abteilung. Ils reçurent leur baptême du feu à compter du 20
octobre 1916. La création du Sturm-Abteilung fut officialisée par
ordonnance le 11 février 1917.
Ces hommes
furent ainsi engagée dans l’opération « Feldpost » à
partir du mois de mars 1917.
Ci-dessus : exceptionnel document présentant un pionnier
des compagnies chimiques, une bouteille de gaz dans le dos, expliquant son
fonctionnement devant des hommes et des officiers du Marine-Korps, dans le
cadre de l'opération Feldpost.
Le 31
bataillon Z du Génie rejoint le secteur de Nieuport.
Le 15 avril
1917, le 31e Bataillon du Génie constitué des Cies 31/1 et 31/2, est désigné
pour une opération chimique dans le secteur de Nieuport occupé par la
79e D.I.. Le bataillon débarque le 17 avril en gare de Furnes en Belgique
et part cantonner au camps de Champérimont à l’ouest de Dunkerque.
Le 19 avril,
le piquetage des abris commence. Le
secteur de la 31/1 est situé entre le centre Albert et la mer du Nord,
représentant 131 abris (d'un point situé à 50m à droite du boyau Verrières
à un point situé 60m à gauche du boyau Michel). La configuration du
terrain étant particulière, il s'agit de dunes de sable, la construction
d'abris classiques s'avère impossible. On envisage donc la construction
de caisses abris et de postes d'émission constitués de sacs de sable.
Chaque poste comprend 12 bouteilles, 6 de chlore et 6 de mélange chlore
et phosgène. La 31/2 prend le secteur : Mammelont vert-point G. 1536
bouteilles doivent ainsi être disposées, soit 61 tonnes de gaz sur un
front total pour les deux Cies, de 2650 m.
Alerte ! Gaz !
Le 23 avril, en fin d’après midi,
les sapeurs sont en ligne, travaillant à la construction des abris d’émission.
Vers 16h00, tout le secteur retenti des klaxons d’alerte. Aucun doute
possible, les hommes réalisent en quelques secondes qu’ils sont pris
dans une attaque au gaz. Chacun se précipite sur son masque M2 et sous
les ordres des sous-officiers, s’équipent et saisissent leurs armes
pour se précipiter aux parapets des tranchées de première ligne.
Dans le secteur de la 31/1, la vitesse
du vent est élevée. Les hommes ne ressentent aucune odeur et on ne déplore
aucune perte.
La 31/2 n’a pas cette chance. Elle
est prise directement sous le vent qui porte la vague de gaz. Un
bombardement d’artillerie est déclenché sur la ligne et rend la
position extrêmement difficile à tenir. La vague dure une vingtaine de
minutes pendant lesquelles les sapeurs et les fantassins restent en première
ligne. Puis, elle s’interrompt pendant une dizaine de minutes et
reprend à nouveau pour quinze à vingt minutes. Sur ordre, les 2e
et 3e sections se replient sur la position L2, tandis que la 1er
reste en ligne avec les fusiliers marins.
Par intermittence selon les secteurs,
la vague est accompagnée d’émission de fumigènes qui obscurcissent le
paysage et plonge les hommes dans une atmosphère d’apocalypse. Tous
sont aux aguets et tentent de distinguer ce qui se passe du côté des
tranchées allemandes.
Puis tout s’interrompt de nouveau. Le
vent balaye rapidement les panaches de fumée qui entouraient encore les
hommes quelques minutes auparavant. Les sapeurs conservent leur masque au
visage et scrutent les tranchées allemandes, au travers de leurs
oculaires embués. Au fur et à mesure que le calme revient, la tension
augmente chez les hommes.
5h00, subitement, l’azur semble déchiré
par un nouveau vacarme assourdissant ; le bombardement d’artillerie
redouble de violence et s’étend sur tout l’arrière du secteur,
finissant d’isoler les hommes des premières lignes du reste du monde.
Simultanément, des groupes de
fantassins allemands sortent de leurs lignes et par petits groupes
compacts et résolus, s’approchent des lignes françaises et tentent de
s’en emparer. Les sapeurs tirent, un combat se déclenche, violent dans
certains secteurs où les groupent allemands débouchent dans les tranchées
et tentent de faire des prisonniers. Ces hommes appartiennent au détachement d’assaut du Corps de Marine des Flandres ;
ils sont particulièrement entraînés à ce type de combat et sont là
pour en découdre avec les français. A plusieurs endroits, ils gagnent
les lignes françaises et affrontent directement leurs occupants. Ils
parviennent à faire des prisonniers mais laissent de nombreuses victimes
dans les tranchées et devant la pugnacité des défenseurs, finissent par
abandonner le combat et reviennent dans leurs lignes en emportant avec eux
nombre des corps de leurs camarades.
Au soir du 23 avril, les pertes sont
lourdes : la Cie perd 5 blessés, 5 tués et 66 intoxiqués.
Au niveau de la 29e Division, on
compte 64 tués, 138 blessés, 15 disparus et 191 intoxiqués.
Le nombre d’intoxiqués va sans cesse
augmenter les jours suivants (Les chiffres de la 57e Brigade sont
inconnus. La 58e Brigade (3e RI et 351e RI), 126 asphyxiés au soir du
23). La vague contenait en effet du phosgène, un gaz inodore très
insidieux qui a la particularité de provoquer des intoxications retardées
plusieurs jours après avoir été inhalé (voir pour le phosgène :
http://www.guerredesgaz.fr/lesgaz/suffocants/suffocants.htm
).
Ainsi les évacuations vont se
poursuivent les jours suivants au sein de la Compagnie 31/2 : le 25 avril,
17 sapeurs ayant pris part aux combats du 23 avril, sont évacués vers
l'arrière en raison de symptômes d'intoxication retardée. Puis, le
lendemain 26 avril, 5 autres sapeurs et le 27 avril, 5 autres sont évacués
pour les mêmes raisons. 7 sapeurs le 29 avril, 4 le 1er mai, 9 le 2 mai,
5 le 3 mai, 3 le 6 mai, 2 le 9 mai, portant le total à près de 150
intoxiqués évacués, plus du tiers de l’effectif.
En raison de ces intoxications retardées
et de la difficulté à déterminer l’ensemble des unités en ligne à
ce moment, il reste difficile de préciser le nombre total de victimes. A
minima, on déplore 553 intoxications graves dont 58 mortelles sur les
troupes en présence, mais en réalité probablement plus. Et pourtant, la vitesse du vent était
bien trop élevée pour ce type d'opération (5 à 6 m/s) ; la vague n'a
eu d'effets toxiques que sur une profondeur de 3 à 400 mètres et aucune
intoxication ne fut à déplorer au delà de l'Yser.
Rapport
de la 29e DI : Il s'agit d'une
attaque allemande précédée d'une émission de gaz. Elle a été
particulièrement énergique sur les dunes, et aussi dirigée aussi sur
les PA de l'Avenue et de l'Eclusette, sur le Mamelon vert et le Boterdijk.
La durée de la première vague a été de 10 à 15 minutes sur le sous
secteur de l'Yser, et de 20 minutes partout ailleurs. Partout, sauf à St
Georges, elle a été suivie d'un intense bombardement d'artillerie
(commencé à 5h00) a la suite duquel l'infanterie a débouché. A
Mieuwendamme, une deuxième vague a suivie à 5h00 puis 5h30, sans aucune
attaque d'infanterie. Dans les autres secteurs, nos 1er lignes renforcées
au moment de l'alerte, ont toutes été évacuées au moment du tir
d'artillerie, à 5h00. Dans tous les secteurs, des troupes d'assaut du
Sturm Abteilung du Corps des Marines des Flandres ont débouchées par
petits groupes, et ont tenté de prendre nos lignes ; ils y ont parfois
pris pied mais ont été repoussés par la suite. Dans plusieurs secteurs,
ils ont fait quelques prisonniers. Les troupes d'assaut allemandes
laissent sur le terrain plusieurs morts, et parviennent à ramener les
corps de nombre d'entre-eux dans leurs lignes. On compte approximativement
au soir du 23 avril, 64 tués, 138 blessés, 15 disparus et 191 intoxiqués.
Le nombre de ces derniers va sans cesse augmenter les jours suivants (Les
chiffres de la 57e Brigade sont inconnus. La 58e Brigade (3e RI et 351e
RI), 126 asphyxiés au soir du 23).
Trois sapeurs seront cités à
l’ordre de l’armée pour faits héroïques ; Yésou Yvon (qui
trouva la mort ce 23 avril), Roblin Toussaint et Pelleter Jean, tous deux
grièvement blessés. Deux hommes seront décorés de la croix de Guerre
avec palme, Chevalier Jean-Théodore et Gilet Emile.
Les travaux de préparation de
l’attaque se poursuivent malgré tout les jours suivant. Il est convenu
que l’opération sera renforcée par une émission par matériel léger
si les conditions le permettent. Le 19 mai, les chefs de section procèdent
au piquetage pour cette émission. Le portage des bouteilles en ligne débute
le 27 et s’achève le 31 mai. Un poste de douze bouteilles est placé
tous les dix mètres, de façon à obtenir une concentration maximale de
gaz. Certains postes ne seront pas équipés de bouteilles, le service météorologique
constatant des remous dans certains secteurs.
Alerte et attaque sur les lignes
allemandes
Le 31 mai, alors que les hommes sont
redescendu des tranchées, les compagnies sont mises en alerte, les
conditions atmosphériques étant favorables. Les hommes s’équipent à
nouveau et montent en ligne en emportant les bouteilles de petit modèle.
Les sapeurs gagnent les abris et mettent en place la tuyauterie sur les
bouteilles dans le silence le plus complet ; le matériel est vérifié
et chacun se tiens prêt. Le chef de bataillon à son PC est en liaison
constante avec chaque section où un météorologiste le tiens informé en
permanence de la vitesse et de la direction du vent. L’opération
n’est décidée que si les conditions favorables se maintiennent.
En début de soirée, l’émission par
matériel léger est annulée, mais l’opération est maintenue et fixée
à 22h30. Les hommes sont prévenus, chacun ajuste sa montre et vérifie
à nouveau son matériel. Les masques Tissot sont vérifiés à nouveau,
la vie des sapeurs en dépend. Comme toujours, l’attente est
interminable dans les 263 postes, tous séparés de seulement dix mètres.
22h30, le signal est donné et un bombardement d’artillerie est déclenché
sur les premières lignes allemandes. Il doit couvrir par ses détonations
le bruit d’échappement du gaz des bouteilles, puis s’interrompre
brutalement au moment où la vague aborde la tranchée allemande. Croyant
à une attaque d’infanterie, les allemands devraient bondir de leur
tranchée et sauter sur leur parapet et ainsi se faire surprendre par le
gaz arrivant sur eux.
Près de 1600 bouteilles sont ouvertes
simultanément. Elles libèrent un mélange de chlore et de phosgène qui
gagne doucement les lignes allemandes. Le vent est favorable, sa vitesse
est parfaite 1,6 à 1,2 mètres/seconde dans le secteur de la Cie 31/2,
jusque 2,4 m/s dans celle de la 31/1. Quelques postes doivent fermer leurs
bouteilles, le vent étant si faible que quelques retours de gaz se
produisent. Dans ces conditions, la concentration en toxique est maximale ;
la vague reste collée au sol, ne se disloque pas et ne se dilue pas. Le
risque de retour de gaz est également très grand et la vigilance est
extrême. L’étude des vents du secteur réalisée avant les opérations
et le suivi en continu de l’évolution de sa vitesse, sa force et sa
direction doit permettre de suspendre l’émission dans les postes qui
deviendraient exposés en cas de changement.
La vague aborde les premières tranchées
allemandes en quelques minutes. Tout semble calme, seul le sifflement de
vidange des bouteilles est audible au travers des explosions
d’artillerie et la nuit enveloppe tout le champs de bataille sans que
l’on puisse distinguer les lignes adverses. 22h35, première réaction
ennemie, des sirènes, des klaxons, des cris. Nombre de fusées éclairantes
sont tirées et illuminent le terrain entièrement recouvert au-delà des
lignes françaises par un brouillard très épais, restant collé au sol
et progressant doucement sur le secteur allemand.
Les feux de mousqueterie débutent dans
les dix premières minutes et s'éteignent tous pendant le reste de l'émission.
A la fin de l'émission, seul les tirs d'artillerie lourde persistent.
Pour la première fois, l'infanterie et l'artillerie de tranchée (en
dehors de l'artillerie lourde située à plusieurs kilomètres en arrière)
sont complètement anhilées dès les premières minutes de l'opération. Mais
les canons placés plus en arrière réagissent considérablement et exécutent
des tirs très puissants sur la première ligne et les boyaux adjacents.
Le bombardement devient excessivement violent à partir de 23h00 et sous
les explosions, les six dernières bouteilles sont ouvertes à 23h10.
L’opération s’achève à 23h30.
Sur tout le front d'opération, des
reconnaissances dans les lignes adverses sont prévus pour vérifier les résultats ;
c’est une pratique courante après les attaques par vague. Les hommes
qui y participent sont volontaires et savent que l’entreprise est extrêmement
périlleuse. En général, les tranchées allemandes sont en partie évacuées
pendant l’émission de la vague, mais les hommes restent sur le qui-vive
et réinvestissent la première ligne à la moindre alerte, les
mitrailleuses tirent alors sans cesse, l’artillerie balaie le terrain et
les grenades pleuvent à l’approche des lignes allemandes.
Les reconnaissances du 165e RI et du 3e
RI. restent bloqués dans leur tranchées par des tirs de mitrailleuses très
nourris qui bloquent sur place les troupes qui franchisent le parapet.
Impossible d’exécuter la mission.
Seul le groupe de reconnaissance du
141e RI réussit à sortir des tranchées et revient au bout de 20 minutes
; selon ses rapports, l'opération a donnée d'excellents résultats. Les
hommes se sont dirigés vers un petit poste allemand situé en avant des
lignes ennemies. Ils ont pu l’investir sans problème et sur place ils
ne trouvent que des cadavres allemands (trois), manifestement intoxiqués.
Les archives du marine Korps (composé
de deux divisions de Marine, trois Marine-Infanterie Rgts, cinq
Matrosen Rgts et deux Matrosen Artillerie Rgts) ont aujourd'hui disparues.
Les historiques édités après guerre et relativement peu précis
des 3 Marine-Infanterie Rgts et du 2 Matrosen Rgt, font état de plusieurs
dizaines de décès dans la période (près d'une quarantaine), alors que
ces régiments n’étaient vraisemblablement pas en ligne à ce moment,
mais dans des positions de repos en arrière.
On dénombrera 39 intoxications au sein
de la Cie 31/1, essentiellement par déplacement des appareils de
protection consécutif aux
souffles des explosions de munitions allemandes pendant le bombardement, cinq
morts, 12 blessés, deux brûlés. Au total, c'est 5 tués, 31 blessés,
deux brûlés (par des fuites de gaz liquide au niveau des bouteilles) et
43 intoxiqués que le 31e Bataillon du Génie compte. La 29e DI déplore
également 18 intoxiqués dans ses rangs.
Emission par matériel léger
Le 1er juin, le bataillon est alerté
pour effectuer une deuxième émission avec le matériel du type léger
entreposé dans les caves de Nieuport-bain aux environs de l’église.
Les Compagnies quittent le camps de Champermont à 20h00 en camion et
gagnent les caves de Nieuport. Elles montent en ligne sur le même front
que la veille et sont prêtent à opérer à 22h50. Mais l'émission est
remise en raison de la mauvaise orientation du vent.
Le 3 juin, nouvelle alerte à 18h00, le
vent semblant une fois de plus favorable.
Il faut porter en ligne 160 bouteilles
par section, 480 par compagnie soit 960 pour le bataillon. Les tuyaus d’éjection
en plomb avaient été roulés autour de la partie supérieure de la
bouteille et des tringles en bois de 1 mètre de long disposées par
paquet de 16. Ces tringles servaient à assurer la rigidité du tuyau placé
sur le parapet. A 20h, les hommes se rendent en camion aux abris
d’attente ; ils seront renforcés par 600 hommes de l’infanterie
qui aideront au portage.
Les hommes sont chargés des bouteilles
dans l'ordre de leur numéro de poste, et dirigés sous le commandement de
leurs caporaux ou sous officier vers les premières lignes, masque au cou.
Les caporaux portent l’appareil Vermorel chargé au sel Solvay. Les
bouteilles sont montées sur la banquette de tir ; accolées par 4 et revêtues
de 18 sacs de sable. Les 4 tuyaux d'éjection sont maintenus sur le
parapet par des sacs de sable et le système de perche. Cette installation
nécessite 15 à 20 minutes et surtout le silence absolu.
Si les conditions météorologiques
deviennent optimales, l’opération sera déclenchée. Le vent ne doit
pas dépasser les 2 m/s, sous peine de diluer la vague et de la rendre
moins efficace. Sa direction et sa force doit rester constante. Les
sapeurs sont maintenant aguerris pour ces opérations, mais l’attente
reste affreusement longue. Les conditions propices se maintiennent, les
ordres sont donnés, l’heure est fixée à 1h00. Puis, un premier
contre-ordre avance l’opération à 0h30 et un second à 0h45.
Le 4 juin à 0h45 du matin et sous un
vent favorable de 1,2 à 1,65 m/s, l'opération est enfin déclenchée.
Les sapeurs ouvrent le robinet de toutes les bouteilles et la nappe se
forme juste devant la tranchée et roule vers les lignes ennemies ;
en quelques secondes, elle l’aborde et l’envahie.
La vague continue de progresser dans
d'excellentes conditions et aucun signe d'alerte n'est perçu chez
l'ennemi avant 0h53, soit 8 minutes après le début de l'émission ;
l'ennemi semble complètement surpris. L'artillerie adverse réagit
alors en étendant son tir sur le secteur de la Briquetterie et sur le
saillant de Boterdijk, puis les mitrailleuses entrent en action ; le
vacarme devient assourdissant.
A 0h58, au nord ouest du Mamelon vert,
dans le Polder, on remarque des lueurs provenant de la combustion de feux
de bois. Les Allemands tentent par ces moyens de briser la vague et de la
disperser hors des tranchées. Le tir d'artillerie s'étend alors sur ce
secteur et atteint une extrême violence, en s'attachant à la destruction
de la ligne L1. Sur place, c’est l’enfer et les obus bousculent tout.
Finalement, le calme se rétablit dans le secteur après 1h45.
Au début de l'émission, à 0h47, un
Allemand sans masque se présente dans la tranchée française à l'ouest
de la Maison du Cèdre. Il faisait partie d'une section de pionniers de
corvée en première ligne. Surpris par l’émission, il s'est rendu
rapidement plutôt que de revenir 300m en arrière où il avait laissé
son masque. Il parcourt ainsi les premiers mètres en direction des lignes
françaises en gardant sa respiration mais doit se résoudre à inhaler
sur la fin de son parcourt, pendant quelques dizaines de secondes, l’air
vicié. Il étouffe, tousse et arrive à bout de souffle dans la ligne
française où il se rend.
La reconnaissance prévue par le 141e
RI part à l'heure comme convenu. Elle doit gagner les tranchées ennemies
et observer les effets de la vague. A peine sortie de la tranchée, les
hommes aveuglés par la fumée et la poussière et incommodés par les
effluves de gaz, dévient de la route prévue et passent à côté de la
brèche pratiqué dans le réseau. Ils se heurtent alors à un réseau de
fils intacts, qu'ils essaient de cisailler. Mais les hommes se font repérer ;
une mitrailleuse ennemie entre en action et tue un sergent dont le corps
reste entre les lignes.
Le groupe de reconnaissance du 3e RI ne
peut sortir des tranchées en raison d'un tir de barrage de l'artillerie
et des tirs des mitrailleuses, ainsi que d'une fusillade nourrie partant
de la tranchée de Lombartzyde, fortement garnie. Le groupe du 165e RI
avait reçu l'ordre de ne pas marcher, le gaz ne pouvant pas atteindre la
grande dune comme il avait été convenu d'abord, en raison de
l’orientation du vent pendant l’émission. Le lieutenant Babillotte
demanda tout de même l'autorisation de tenter le coup de main, mais sa
demande fut faite trop tard. Quant au pionnier allemand qui travaillait
sur son réseau et qui fut surpris par la vague, il a été interrogé par
le sapeur Biard, qui a pu recueillir de nombreuses informations.
Malheureusement, intoxiqué par la nappe pendant quelques dizaines de
secondes, il devait décéder dans la nuit.
Les pertes françaises comptabilisées
pour la 29e DI, suite à cette opération, sont de
22 intoxiqués, 20 blessés et 5 tués ; le 31e Bataillon du Génie
3 tués et 8 blessés.
Représailles allemandes
La nuit du 5 au 6 juin, le vent étant
nettement favorable aux Allemands, les hommes de la Cie montent en ligne
pour la corvée de portage destinée à ramener à l’arrière le matériel
d’émission de la veille, munis de deux masques M2 et en armes. Une
attaque allemande par vague est à craindre et tous s’y sont préparé.
Les hommes font leur maximum pour récupérer le matériel dans un secteur
bouleversé par l’artillerie, mais ils se font repérer.
En effet, la corvée est sur le point
de s'achever lorsque le 6 juin, à 0h35, tout le secteur sonne l'alerte ;
l'émission de gaz allemande attendue est déclenchée. Un violent tir
d'artillerie se déchaîne ensuite et s'étend à tout le secteur, avec
des obus de tous calibre et des obus lacrymogènes.
La première émission est émise à
0h30 et touche plus particulièrement le Polder et tout le sous secteur de
Nieuport ville. Une deuxième émission se produit à 1h15 et touche plus
particulièrement Nieuport bains.
Le calme ne revient qu'à 1h45. La
compagnie 31/2 éprouve les
pertes suivantes durant l'opération : 2 blessés et 15 intoxiqués. La
31/1 n’en déplore aucune alors que les pertes de la 29e DI sont élevées
: 255 intoxiqués, 39 blessés et 19 tués.
Le soir, un coup de main ennemi est
tenté sur Boterdijk entre 21h00 et 21h30. Les hommes trouvent L1 vide et
y subissent des pertes. Ils abandonnent le cadavre d'un des leurs,
appartenant au 3e Marine-Infanterie Rgt.
Le 13 juin, après avoir replié son
matériel, le bataillon quitte le secteur pour être mis au repos.
Le 20 juin, la Cie 31/2 est citée à
l'Ordre de l'armée pour le motif suivant :
"Compagnie 31/2 du 31 Bataillon
du Génie sous le commandement du capitaine Bertraud, du lieutenant Roby
et des sous-lieutenants Rault et Ferraud, surprise par une émission de
gaz suivie d'attaque au moment où elle exécutait des travaux
d'installation en première ligne, a immédiatement et spontanément pris
une part active à la défense des tranchées, a énergiquement contribué
à rejeter les éléments ennemis qui y avaient pénétré et à fait
preuve de la plus belle attitude sous un bombardement très violent. A par
la suite participé avec beaucoup de dévouement à l'évacuation des
blessés. "
Le 10 juillet, un détachement de la
Cie composé d'un officier, de 3 adjudants, 3 sergents, 3 caporaux et 4
sapeurs part en mission spéciale, défiler le 14 juillet devant le Président
de la République.
Le 16 juillet, le bataillon embarque
pour gagner la région de Saint Quentin préparer une nouvelle émission.
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