Le spectre de la Guerre chimique ne devait pas tarder à réapparaître sur le théâtre des opérations militaires, la tournure du conflit balayant les dernières préoccupations morales qui pouvaient retenir ses détracteurs.
Les autorités britanniques étudièrent dès l'été 1940 la possibilité de bombardements massifs à l'Ypérite, des plages anglaises en cas de débarquement allemand. Le programme chimique anglais fut ainsi énergiquement relancé en juillet 1940. Dès 1941, l'Angleterre avait la capacité de bombarder les principales villes allemandes, avec plus de 250 000 bombes chargées d'Ypérite ou de phosgène. Cette force de frappe chimique devait être utilisée en terme de représailles contre l'Allemagne si celle-ci s'aventurait à utiliser elle-même l'arme chimique contre l'Angleterre ou l'un de ses alliés. Cette perspective fut annoncée publiquement par Winston Churchill en mai 1942, par message radiophonique.
A partir de 1943, la maîtrise de l'espace aérien au dessus de l'Allemagne par les Alliés, ne fit qu'exacerber cette crainte auprès des autorités militaires du Reich et devait annihiler toute perspective d'utilisation d'arme chimique par les armées allemandes, jusqu'à la fin du conflit. Hitler diffusa des ordres strictes pour interdire le stockage d'arme chimique en dehors du territoire du Reich et éviter de donner un prétexte aux Alliées pour initier une guerre chimique. Jusqu'à la fin du conflit et même pendants les moments les plus critiques, les ordres donnés par le Führer furent respectés de façon à ne donner aucun prétexte au déclenchement d'hostilités chimiques.
Nous passerons en revue les différents agressifs chimiques utilisés pendant la Première Guerre mondiale et ceux qui étaient en voie de développement au moment de la fin des hostilités.
L'Ypérite.
Elle reste la substance dont l'intérêt tactique comme vésicant à action retardée est le plus marqué. Tous les belligérants qui se sont préparés à une action offensive à l'aide d'armes non-conventionnelles, ont produits de l'Ypérite pendant la Deuxième Guerre mondiale. Elle fut chargée en obus, grenades, rockets, mines terrestres et bombes d'avion ; l'Allemagne avait chargé la majeure partie de sa production en bombe d'avion.
L'épandage par avion avait été utilisé par les Italiens, au cours de la guerre d'Ethiopie, en 1935-1936 (malgré que l'Italie figure parmi les nations signataires du Protocole de Genève de 1925). Les Anglais avaient mis au point l'épandage direct par avion, à basse et haute altitude, sans problème de contamination de l'appareil. La France avait également travaillé ce mode de dispersion et des essais étaient menés jusqu'en 1940. Elle avait également procédé au chargement de grenade d'aviation qui étaient larguées de l'appareil et répandaient leur contenu au sol. L'épandage au sol à l'aide de véhicules fut étudié par les Russes, les Anglais et la France. La France chargeât des bouteilles en verre de 4 litre destinées à infecter une large zone.
Une première innovation importante fut réalisée en France, grâce aux travaux réalisés au Bouchet et à la poudrerie de Boussens, sur une variété particulière d'Ypérite nommée 1012. Il s'agissait d'une méthode de synthèse qui permettait une production considérable par des opérations peu compliquées et avec un appareillage simple. L'Ypérite 1012 (Ypérite au protochlorure de soufre) était plus facile à épandre et se conservait bien mieux que les autres variétés (l'Ypérite au bichlorure de soufre, procédé français mis au point en 1918, attaquait le métal des obus dans lesquels elle était enfermée pour donner naissance à des produits goudronneux). Le procédé fut copié par l'Allemagne et la variété d'Ypérite nommée Direktlost (code D ou DL).
Une deuxième innovation fut également le fruit des travaux du Bouchet qui permit la réalisation d'Ypérites épaissies ou Ypérites visqueuses. Ces Ypérites avaient la particularité de persister sur le terrain beaucoup plus longtemps que les classiques ; elles adhéraient à tous les matériaux et résistaient aux agents classiques de décontamination. Les Allemands et les Anglais, qui récupérèrent les travaux du Bouchet, réalisèrent également ce type d'Ypérite.
Les chimistes allemands produisirent deux types d'Ypérites épaissies à partir des travaux français. La première, Z-OA 396 Zählost ou Ypérite vicieuse, était composée de 91% d'Ypérite OA (Ypérite d'hivers combinant près de la moitié de sa formule à des arsines) ainsi que du caoutchouc et de la cire. La deuxième, Z-OM 8, était formulée à partir de 90% d'Ypérite OM (Ypérite d'hivers, constituée d'Ypérite additionnée d'Oxy-Ypérite et de sesqui-Ypérite), de polystyrène et de cire
L'Allemagne diversifia les formulations de ses Ypérites pour qu'elles restent liquides à des températures très basses, jusque -30°C.
La France s'était dotée d'une capacité de production devant atteindre 1290 tonnes par mois en juillet 1940. En juin 1940, plus de 600 tonnes avaient été chargées dans des projectiles et 1700 tonnes étaient stockées en réserve. L'Allemagne fabriqua 27.000 tonnes d'Ypérite jusqu'à la fin du conflit. Elle fut synthétisée par pratiquement toutes les nations belligérantes (Angleterre, USA, Japon, France, Allemagne, Italie, Belgique...).
2 décembre 1943, Werner Hahn, pilote son Messerschmitt Me-210 de reconnaissance à plus de 7000 mètres d’altitude, au-dessus du port de Bari, dans le sud-est de l’Italie. Il repère de nombreux bateaux dans le port.
Bari était une cité portuaire de près de 200 000 habitants. Ce 2 décembre 1943, plusieurs dizaines de navires alliés s’y trouvaient et ses installations fonctionnaient à pleine capacité.
Parmi les navires ancrés dans le port, était amarrée le John Harvey. Le cargo était arrivé quatre jours plus tôt après un long voyage commencé à Baltimore et qui s’était poursuivi avec des escales à Norfolk, Oran et Augusta. Comme des U-boot allemands étaient présents dans l’Adriatique, des chercheurs avaient conclu que « le navire était dans l’endroit le plus sûr qu’il pouvait trouver à ce moment-là ».
Le John Harvey, commandé par le capitaine Elwin F. Knowles, était un Liberty Ship typique, à peine différent des autres amarrés dans le port. La majorité de son chargement était également conventionnel : munitions, nourriture et équipement. Mais le navire transportait aussi un secret mortel.
Cachées dans la cargaison, se trouvaient 2000 bombes M47A1 chargées d’Ypérite. Ce toxique avait été envoyé dans le plus grand secret au cas où les Allemands, en pleine déroute, ne se mettent à utiliser cette arme contre les troupes Alliées. Bien que plusieurs agents étaient au courant de la cargaison inhabituelle et dangereuse, la priorité fut donnée à d’autres navires transportant des fournitures médicales et des munitions conventionnelles et le John Harvey attendait sur le quai à côté de quatorze autres navires.
Les bombes d’Ypérite avaient l’apparence de munitions conventionnelles. Chaque bombe faisait 1,2 m de long et 20 cm de diamètre, et contenait 27 à 31 kg de produit chimique.
Bombe M47A2 (fumigène), similaire à la M47A1 (Ypérite).
La cargaison fut emmenée dans le plus grand secret. Même Knowles, le commandant, ignorait le contenu des bombes chimiques. Les membres perspicaces de l’équipage avaient cependant deviné que le voyage sortait de l’ordinaire ; le premier-lieutenant Howard D. Beckstrom de la 701e compagnie de maintenance chimique se trouvait à bord avec un détachement de 6 hommes. Tous étaient experts dans le maniement de matériel toxique et étaient manifestement là dans un but bien précis.
Beckstrom aurait bien voulu décharger la cargaison secrète le plus tôt possible, mais quand le navire arriva à Bari, le 26 novembre, ses espérances furent anéanties. Le port était rempli de navires et un autre convoi devait arriver sous peu. Des douzaines de vaisseaux étaient empilés le long des jetées, chacun attendant son tour pour le déchargement. Comme les bombes d’Ypérite n’avaient aucune existence officielle, le John Harvey n’avait pas à recevoir une priorité spéciale.
Aussitôt informé de la présence de nombreux navires dans le port de Bari, la Luftwaffe décidait d’un raid surprise le jour même. Les pilotes Allemands arrivèrent à Bari en fin de journée, à 19h30 précise. Le premier-lieutenant Gustav Teuber, leader de la première vague, ne pouvait en croire ses yeux : les docks étaient brillamment allumés ; des grues se distinguaient alors qu’elles déchargeaient les cargaisons depuis les cales grandes ouvertes des navires, et la jetée est était pleine de bateaux.
Les Ju-88 descendirent sur Bari, leur attaque illuminée par les lumières de la ville et les fusées éclairantes allemandes. Les premières bombes frappèrent la cité elle-même, de grands geysers de fumée et de flammes marquant chaque détonation, mais bientôt ce fut le tour du port. Quelque 30 vaisseaux se dirigeaient vers leur lieu d’ancrage cette nuit et les équipages eurent à répondre à l’alerte du mieux qu’ils le pouvaient. La surprise était totale, et quelques bateaux durent fonctionner sans tout leur effectif, de nombreux matelots se trouvant à terre en permission.
Les bombes déchirèrent les pipelines de carburant du port, et le pétrole se répandit partout ; un côté du navire Joseph Wheeler fut éventré par une bombe, alors qu’une explosion détruisit le pont du John Bascom. Les produits chimiques utilisés en médecine présents dans ce navire prirent rapidement feu, tout comme les amarres, ce qui entraîna une collision entre ce navire et le John l. Motley, avec une cargaison de 5 000 tonnes de munitions, qui avait déjà été touché par une bombe à la cinquième porte.
Le Motley en flammes explosa alors et entraîna la mort de tout l'équipage qui comptait 64 membres. L’explosion démolit le flanc gauche du Bascom, alors qu’une bombe explosa sur le pont du marchand britannique Fort Athabaska, tuant 45 des 55 membres d’équipage.
Le Liberty Samuel J. Tilden, touché par un engin explosif dans la salle des machines et ensuite mitraillé depuis un avion allemand, coula touché par une torpille lancée par un navire britannique pour éviter que le feu ne se répande aux autres navires de fret. Le cargo polonais Lwów fut touché par deux bombes et prit rapidement feu.
Environ une demi-heure plus tard, le dernier avion allemand lâchait sa cargaison de bombes. « Le port est en flammes, la surface de l’eau brûle et les navires en flammes explosent » . Dans un premier temps, le vent soufflait dans la direction opposée à la ville, ce qui facilitait l'évacuation de la population, mais bientôt le vent changea de direction et la zone autour du port fut envahie par la fumée. La mer fut bientôt recouverte par les flammes ; le carburant des navires et d'autres combustibles brûlaient sur sa surface.
Pendant l’attaque, le John Harvey pris feu et quelques minutes plus tard, explosa. Tout l’équipage fut tués à bord et dans tout le port, la force de l'explosion projeta des hommes à terre. Les hommes à bord du USS Pumper, un pétrolier transportant du carburant pour avions, furent les témoins des derniers moments du John Harvey. L'air fut initialement happé par le vortex de l'explosion, puis l'onde de choc déplaça le bateau de 35 degrés par rapport au port.
Alors que les marins attendaient d'être secourus, l'enseigne K. K. Vesole, commandant le détachement de gardes armés du John Bascom, ressentit des difficultés à respirer. Beaucoup d'autres hommes avaient le souffle coupé, mais ce fut Vesole qui nota quelque chose d'étrange à propos de la fumée. « Je sens de l'ail », dit-il, sans réaliser les implications de sa remarque. L’Ypérite avait été généreusement mélangé avec l'huile qui flottait dans le port et se mêlait à la fumée qui se répandait sur la zone.
L’Ypérite répandu dans l'huile avait recouvert le corps des marins alliés qui se déplaçaient dans l'eau et certains avaient même avalé cette mixture nocive. Même ceux qui ne se trouvaient pas dans l'eau en avaient avalé de bonnes doses, tout comme des centaines, peut-être des milliers de civils italiens
Le raid allemand commença à 19h30 et finit 20 minutes plus tard. Les pertes allemandes furent très faibles, et la Luftwaffe avait réussi au-delà de ses attentes les plus optimistes. Dix-sept navires alliés furent coulés et huit autres endommagés, donnant à Bari le surnom de « second Pearl Harbor ». Les Américains supportèrent les plus grosses pertes, perdant les Liberty Ships John Bascom, John L. Motley, Joseph Wheeler, Samuel J. Tilden et John Harvey. Les Britanniques perdirent quatres navires, les Italiens trois, les Norvégiens trois et les Polonais deux.
Le lendemain, les survivants se réveillèrent sur une scène de destruction totale. De larges parties de Bari étaient en décombres, spécialement la ville médiévale. Des portions de la ville et du port brûlaient encore, et un fin voile de fumée noire pendait dans le ciel. Il y eut plus de 1000 blessés parmi les marins militaires et marchands ; environ 800 furent admis dans les hôpitaux locaux. Un nombre au moins aussi important de blessés civils était à dénombrer.
Heureusement, Bari était le site de nombreux hôpitaux militaires alliés. Les blessés du raid commencèrent à se déverser dans les hôpitaux jusqu’à ce que ceux-ci soient pleins à craquer. Presque immédiatement, quelques-uns des blessés se plaignirent d’avoir des « poussières » dans les yeux et leur état se dégrada en dépit du traitement conventionnel. Leurs yeux étaient enflés, et des lésions de la peau apparurent. Submergé par les blessés de tous genres et de tous styles, le staff médical ne réalisa pas qu’il avait à faire avec un toxique de combat et permit aux victimes de rester avec leurs habits trempés de gaz et d’huile pendant une longue période.
Les victimes n’étaient pas seulement sévèrement brûlées et couvertes d’ampoules, mais leur système respiratoire était aussi très irrité. Les blessés au gaz étaient saisis de toux et avaient des difficultés à respirer, mais les équipes de l’hôpital semblaient sans espoir face à cette maladie inconnue. Des hommes moururent, et même ceux qui survécurent durent avoir une longue et pénible convalescence. Des aveuglements temporaires, la douleur atroce des brûlures et un terrible enflement des parties génitales produisirent une angoisse tant physique que mentale chez tous les malades.
Comme les victimes commençaient à mourir, les médecins commencèrent à suspecter qu’un quelconque agent chimique était en cause. Quelques chimistes pointèrent le doigt sur les Allemands, spéculant qu’ils avaient eu recours à une arme chimique. Un message fut envoyé au quartier-général allié à Alger informant le chirurgien général adjoint Fred Blesse que des patients mouraient d’une maladie mystérieuse. Pour résoudre cette énigme, Blesse envoya le lieutenant-colonel Francis Alexander, un expert des traitements pour cause de guerre chimique, à Bari.
Alexander examina les patients et les interrogea quand cela était possible. Cela commençait à ressembler à une exposition à du gaz moutarde, mais le médecin n’en était pas sûr. Ses suspicions furent confirmées quand un fragment d’une bombe fut retrouvé au fond du port. Le fragment fut identifié comme une bombe américaine M47A1, qui avait été créée pour porter une charge possible de gaz moutarde. Les Allemands pouvaient être éliminés comme suspects.
Alexander ne savait toujours pas d’où émanait le gaz moutarde. Le médecin compta les morts par gaz moutarde par navire, puis reconstitua la position de chaque bateau dans le port. La plupart des victimes venaient des navires ancrés près du John Harvey. Les autorités britanniques du port admirent finalement qu’ils savaient que le John Harvey transportait un gaz mortel. Alexander écrivit un rapport détaillant ses découvertes qui fut approuvé par le Commandant suprême allié, le général Eisenhower.
Le secret couvrit néanmoins toute l’affaire. Finalement, les Américains et les Britanniques furent informés du raid dévastateur de Bari, mais la partie jouée par le gaz moutarde fut passée sous silence. Le Premier ministre britannique Winston Churchill était particulièrement inflexible sur le fait que la tragédie demeure secrète. Il était déjà suffisamment embarrassant que le raid s’effectue sur un port sous juridiction britannique. Churchill pensait que de publier le fiasco donnerait un coup de pouce à la propagande allemande.
Même si le gaz est mentionné dans les rapports officiels américains, Churchill insista pour que les rapports médicaux britanniques soient purgés de toute mention de gaz et pour que les morts dus à l’Ypérite soient enregistrés comme « brûlés à cause de l’action ennemie ». Les tentatives de Churchill de maintenir le secret ont pu causer plus de victimes, car si l’information avait circulé, davantage de personnes et spécialement les civils italiens, auraient cherché un traitement adapté.
Bombes M47A1 chargées en Ypérite HS, Ypérite simple au monochlorure de soufre.
Il y eut 628 blessés par gaz moutarde chez les militaires alliés et le personnel de la marine marchande. 69 décédèrent dans les deux semaines après le bombardement. La plupart des victimes, néanmoins, comme le capitaine Heitmann du John Bascom, retrouvèrent leur pleine santé après une longue convalescence. Mais les chiffres ne comprennent pas les civils italiens qui ont été exposés à l’agent chimique mortel. Il y eut un exode massif des civils hors de la cité après le raid. Quelques-uns étaient probablement des victimes du gaz et moururent par manque d’un traitement approprié.
Source : Niderost, "Deadly Luftwaffe Strike in the Adriatic", World War II, March 2004.
La Léwisite.
La Léwisite est un mélange de chlorovinyldichlorarsine (75 à 80%) et de dichlorovinylchlorasine (20 à 25%). Elle a des propriétés vésicantes et irritantes.
Elle fut l'objet d'études importantes en France et en Angleterre avant 1940, puis ultérieurement en Amérique. Elle fut fabriquée en France, en Angleterre; aux Etats-Unis (qui l'abandonnèrent à la suite de la découverte du BAL), en Russie, au Japon, chargée en obus, grenades et bombes d'aviation, seul ou en mélange avec l'Ypérite (Ypérite HL en Angleterre).
La Trichloréthylamine.
Elle fut préparée au Bouchet dès 1930, puis produite en petite quantité à Boussens en 1940. Ultérieurement, l'Allemagne nazie qui avait projeté son chargement probablement à partir de 1937 mais essuyé des déboires dans sa production, après avoir récupéré les études françaises en 1940, en produisit à hauteur de 2000 tonnes sous le nom de Stickstoff-Lost ou T9, pour la charger en obus et rockettes.
L'Ethyldichlorarsine.
Irritant respiratoire, suffocant et vésicant, utilisée par l'Allemagne pendant la¨Première Guerre mondiale comme diluant actif de l'Yperite, elle fut synthétisée en 39-45 par les américains.
La Diphénylchlorarsine ou CLARK I et la Diphénylcyanarsine ou CLARK II.
Les USA considérèrent le Clark I comme un des meilleurs irritant et le chargèrent en obus et bombes d'aviation. L'Allemagne produisit 12.600 tonnes d'huile d'Arsine, le produit brut, dont 3.000 tonnes de Clark I ont été extraites. Elle fut mélangée à l'Ypérite dans certains chargements.
La Diphénylaminochlorarsine ou DM.
La DM fut étudiée par l'Allemagne, la France, l'Angleterre, les USA, et la Russie. Avant 1940, Anglais et Américains avaient mis au point la vaporisation d'arsines à mélanges de poudres pour réaliser des aérosols de particules de l'ordre du micron, non arrêtés par les charbons actifs des cartouches de masques filtrants (nécessitant donc un filtre spécial appelé filtre à arsines) et dont la portée pouvait être considérable. Les essais conduits dans le nord de l'Ecosse avaient porté sur une émission de 15 tonnes de DM, qui avaient diffusées sur plus d'une dizaine de km.
L'avancé la plus marquante dans le domaine est à mettre au crédit des laboratoires du Bouchet. Les travaux remarquables du laboratoire de dispersion aboutirent à la mise au point des engins dit Z5 à vaporisation de DM coulée à froid. Leur charge était constituée d'un mélange de 4,850kg de DM, de perchlorate d'ammoniaque et de sirop d'urée Nobel. Le mélange pâteux obtenu était d'une manipulation bien plus facile que les mélanges de poudres utilisés par les Anglais. Une émission d'éssais réalisée en Algérie à Béni-Ounif, en 1938-1939 à l'aide de 320 engins Z5, produisit à 50km du point d'émission un nuage de 5km de large rendant le port du masque obligatoire. Des expérimentations de DM et d'huile d'anthracène menées avant 1940 permettaient de traverser les filtres spéciaux des masques en usage.
Après l'Armistice de juin 1940, les techniques de fabrication des engins Z5 furent adoptées par l'Angleterre. L'Allemagne nazie, en récupérant les travaux du Bouchet, adopta à son tour les engins Z5. Les chimistes allemands essuyèrent, semble t-il, quelques revers lors de la réalisation de leur engins. Ils exigèrent la livraison de sirop d'urée Nobel fabriqué initialement en France, pour réaliser leurs chandelles de DM. Ils finirent par produire 4.000 tonnes de DM chargées dans des chandelles type Z5 de 3kg et 16kg.
La Chloracétophénone.
Elle fut synthétisée par la France, puis l'Allemagne. Initialement synthétisée en 1916 par le pharmacien Jacques Bongrand, elle fut retenue comme un puissant agent lacrymogène. La France en avait synthétisée une petite quantité en 1940, qui fut récupérée par l'Allemagne après l'Armistice. L'Allemagne en produisit par la suite 6.000 tonnes, chargées en obus et bombes d'aviation.
Le Cyanure de benzyle bromé ou Camite.
Il fut étudié et produit en Angleterre.
L'Oxime de phosgène.
Fut étudié par la Russie et la France ; cette dernière le jugea instable et l'abandonna.
La chloropicrine.
Fabriquée par les Américains et les Russes, elle fut chargée en mélange avec du phosgène par les Anglais.
Le phosgène.
Il fut chargé par de nombreux belligérants, comme la France, l'Allemagne, les Anglais, les Américains, les Russes.
L'acide cyanhydrique.
C'est un toxique redoutable mais difficile à militariser, en raison de sa faible densité.
L'Allemagne étudia sa dispersion par temps froid et le chargea dans des grenades frangibles. Il fut utilisé dans les chambres d'extermination des camps allemands.
Les Etats-Unis réussirent à réduire sa fugacité et l'adoptèrent.
Les Russes le chargèrent en bombes d'aviation et en obus.
Le chlorure de cyanogène.
Fut étudié par l'Allemagne qui en produisit un vingtaine de tonnes. Les USA et la Russie l'auraient chargés en obus, grenades et bombes d'aviation.
L'hydrogène arsénié.
Il traverse les cartouches des masques de protection. L'Allemagne l'étudia mais fut confrontée à des problèmes de stabilité. Ils produisirent un produit nommé Aéroform T.300, mélange d'un arséniure de magnésium et d'aluminium qui, répandu sur le sol, dégageait de l'hydrogène arsénié à concentration mortelle. Le Bouchet étudia également ce toxique.
Ils sont essentiellement issus des recherches allemandes. La toxicité des substances élaborées dans les laboratoires de chimie du Reich et particulièrement ceux de l'IG Farben, étaient systématiquement déterminés. Si celle ci dépassait un certains seuil, la substance était considérée comme potentièlement intéressante et signalée au Ministère de la Guerre.
Ainsi, jusqu'en 1935, plus de 200 produits avaient été retenus et étudiés par le Reich. Ces travaux conduirent à la préparation d'une série d'agressifs inédits, dissimulés sous le nom de trilons, nom déjà adopté pour désigner des substances destinées à décalcariser l'eau. Ces trilons sont le Tabun, le Sarin et le Soman.
Le Tabun.
Il s'agit du diméthylaminocyanophosphite d'éthyle. C'est le docteur Gerhard Schrader qui le découvrit en 1937 en cherchant à préparer des insecticides et des anticryptogamiques et en reprenant des travaux datant de 1902, par Michaelis dans les annales de Liebig.
Sa préparation se fait à partir de l'oxychlorure de phosphore sur la diméthylamine, puis avec du cyanure de sodium et de l'alcool en présence de chlorobenzène, on obtient le Tabun.
Il se présente sous l'aspect d'un produit incolore à légère odeur cyanhydrique ; le produit industriel est brun et renferme 5 à 20% de chlorobenzène. C'est une molécule fragile, qui se décompose facilement à la chaleur et peu résistant à l'explosion. Il est légèrement soluble dans l'eau et facilement hydrolysable, rapidement détruit par les solutions alcalines.
Le Sarin.
[1] En 1936, l’Allemagne découvrait de façon fortuite, en travaillant sur des insecticides, les premières substances neurotoxiques.
[2] Finalement, aucune solution ne devait aboutir dans cette voie. L’appareil momentané sera remplacé par un ANP 31 muni d’une cartouche 35M ou d’une cartouche d’ARS munie d’un dispositif à galette.
[3] 480 000 avaient été produits jusqu’en 1933.
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