Pendant le Premier conflit mondial, la faiblesse de l’industrie chimique sur le territoire français fut un handicape majeur. Un programme de développement industriel sans précédent fut réalisé, mais nécessita plusieurs années avant qu’il fut opérationnel.
Aussi, dès la fin de la Première Guerre, le Service des poudres qui était en charge de la production en temps de guerre des produits spéciaux, ébauchât un plan de mobilisation pour la production de « gaz de combat » dans l’éventualité d’un conflit chimique futur.
Ce n’est qu’à partir de 1930 et au fur et à mesure que la tension sur la scène internationale montait, faisant craindre un nouveau conflit européen, que des crédits importants furent débloqués. Il servirent ainsi à la création d’installations nouvelles, tant dans les poudreries d’Etat que dans les usines privées. Dans ces dernières, c’est l’Etat qui fit la presque totalité des frais pour des installations nouvelles qui restèrent sa propriété.
Le plan de mobilisation existant en septembre 1939 devait permettre, dans l'éventualité du déclenchement d'hostilités chimiques, de mener une guerre chimique intensive contre les armées allemandes. Les crédits alloués aux Services chimiques furent ainsi répartis dans les années précédant le conflit :
Crédits affectés aux réalisations du Service des poudres et relatifs à la Défense Nationale (remise en état d'installations existantes, créations d'installations nouvelles dans les poudreries et constitution de stocks).
Les crédits alloués avant 1930 ne permirent que d'entretenir les installations existantes, de façon très insatisfaisante. A partir de 1930, ils devinrent plus conséquents, permettant la mise sur pied des premiers programmes nouveaux, mais aussi de la reconstruction de certaines installations laissée à l'état de ruines. Mais c'est surtout à partir de 1937 qu'ils devinrent importants et permirent alors la construction d'installations nouvelles et la mise à niveau des installations déjà existantes.
Fabriques d'acide nitrique dilué à Sorgues( 300t/mois), à Rouen avec l'usine du Grand Couronné de la Société PEC (1800t/mois), usine de Lannemezan d'acide concentré de la société SPA (440t/mois) et à la Poudrerie de Bergerac (7200t/mois).
Atelier de concentration d'acide nitrique à Toulouse pour l'acide produit par l'ONIA.
Fabrique d'oléum à partir de gypse à Miramas (annexe de la Poudrerie de Saint-Chamas (2400t/mois).
Extension des usines de chlore de Saint-Auban (Péchiney, 470t/mois), de Jarrie et Plombières (Electrochimie, 380t/mois), de Pont-de-Claix (Progil, 200t/mois).
Fabrique de phosgène à Clamecy, usine de la Société des Produits Chimiques de Clamecy (660t/mois) et à Villers-Saint-Paul à l'usine Kuhlmann (150t/mois).
Fabrique de thiodiglycol à Péage de Roussillon (70t/mois) et à Saint-Fons à l'usine Rhone-Poulenc (165t/mois).
Usine de fabrication de charbons absorbants à Langeac, usine d'Etat construite par la société Sodex.
Usine pour la fabrication de charbon à la Poudrerie d'Angoulème.
Besoins mensuels en agressifs selon le plan de mobilisation de septembre 1939
La capacité de production de matières premières et de produits intermédiaires, quand ils existaient dans la chimie civile, fut augmentée. Ainsi, la production nationale de chlore fut étendue à plus de 2000 tonnes supplémentaires par mois. Il fut impossible de réaliser dans les usines existantes l’ensemble des surplus de production nécessaires, aussi un programme de construction d’usines nouvelles fut lancé en 1937, et confié à un service spécial : le centre des travaux de la Garonne. Un crédit de 100 millions de francs fut débloqué à cet usage.
Un projet de réalisation d’une poudrerie nationale fut lancé en Dordogne. Le site retenu fut celui de Mauzac, Il comprenait une fabrique de chlore (d’une capacité de production de 720 tonnes par mois), un atelier de fabrication de phosgène (1 050 tonnes par mois), une unité de distillation de benzol pour la production de chlorobenzène (plus de 1 000 tonnes par mois), ainsi qu’un atelier de chargement d’obus en gaz de combat. Au moment ou la guerre éclata, aucun travaux n'avait commencé. La construction de l’usine devait être achevée au premier semestre 1940 ; plus de 1000 employés y travaillerons jours et nuits jusqu’à l’Armistice de juin 1940.
La construction d’une usine chimique de produits spéciaux en Haute Garonne à Boussens (usine d’Estarac), proche du site d’une usine de production de chlore liquide datant du premier conflit. Ce centre de production, appelé poudrerie de Boussens (dirigée par Germain Gattet), devait permettre la fabrication de plus de la moitié de la production nationale d’Ypérite, mais aussi de DM (Adamsite), ainsi que la totalité de la production de Lewisite (V201, plus de 600 tonnes mensuelles) et de trichloroéthylamine (886 ou ypérite à l’azote à raison de plus de 200 tonnes par mois). Les activités de la poudrerie devaient entrer en service pour avril, puis juillet 1940. En septembre 1939, seule l'assise de l'usine était construite ainsi que les bâtiments annexes. A l'Armistice, la poudrerie de Boussens fonctionnait au moins partiellement ; la production de la DM avait commencé et celle d'autres produits allait ou était débutée.
Prévision des capacités de production de l'usine de produits spéciaux de Boussens
Au 1er septembre 1939, démarrait le programme de mobilisation avec le démarrage de toutes les productions de toxiques ainsi que le chargement des munitions chimiques. Les réalisation industrielles prévues pour l'avant-conflit n'étaient pas achevées, tant dans le domaine de la production de poudres et d'explosifs que de produits spéciaux ; leur ampleur n'avait cessée de croître durant les trois dernières années. Un programme quadriennal établi peu de temps avant la mobilisation, évaluait les dépenses pour les réalisations restant à exécuter à 2,1 milliards de francs. Le montant des dépenses pour la réalisations du programme de guerre se montait à 5 milliards de francs.
Les plans de mobilisation furent ajustés dès les premiers mois de guerre. La mise au point de la réalisation industrielle de la trichloroéthylamine ainsi que les prévisions de l'achèvement de l'usine pour sa synthèse à Boussens, nécessitèrent de suppléer en attendant par la production d'Yperite. Par ailleurs, la consommation en Yperite fut revue à la hausse en cas de déclenchement de guerre chimique, en raison de prévision d'utilisation d'un nouveau moyen de dispersion, l'épandage par avions.
Ainsi, fut débuté la construction de fabriques de produit 1012 (destiné à la production d'Ypérite) aux Poudreries d'Angoulême et de Boussens. Un crédit fut alloué à la construction et l'extension d'installations pour l'étude des produits spéciaux au Bouchet.
La production d'Adamsite se révéla inférieure aux besoins. Il fallut construire un atelier de fabrication d'Adamsite à Villers-Saint-Paul (établissements Kulhmann) et à Vertolaye (Usines Chimiques des Laboratoires Français, UCLAF dans le Puy-de-Dôme).
Angoulême
Sorgues
Calais
Villers-St-Paul
Kuhlmann
Clamecy
Usine de la Société des produits chimiques
Boussens
Mauzac
Totaux
Le thiodiglycol était produit à Péage de Roussilon (70t/mois) et à Saint-Fons (165t/mois) dans l'usine Rhone-Poulenc.
Malgré les efforts réalisés avant le conflit et notamment l'extension des usines de chlore existantes (Pechiney à Saint-Auban, usine l'Electrochimie de Jarrie, Plombières, Progil à Pont-de-Claix, Société des produits chimiques à Cmamecy, Villers-Saint-Paul), la capacité de production de chlore était largement insuffisante, de l'ordre de 5400 tonnes par mois. Un vaste programme d'un montant de 400 millions, à la charge de l'Etat, fut réalisé. Il portait la capacité mensuelle à 13 650 tonnes, plus de la totalité du chlore produit en France pendant le premier conflit Mondiale.
A la mobilisation, deux usines étaient opérationnelles pour la production :
La poudrerie nationale d’Angoulême, capacité de 180 tonnes/mois sur une chaîne au produit 1012, portée à 380 tonnes en mai 1940 avec une chaîne de fabrication au bichlorure de soufre de 180 tonnes (Ypérite classique).
La poudrerie nationale de Sorgues et son atelier de synthèse au thiodiglycol (capacité de 510 tonnes/mois, augmentée à près de 700 en 1940).
L’atelier de production de Boussens était opérationnel avant l'Armistice de juin 1940 (400 tonnes/mois) pour une production d'Ypérite 1012 et d'Ypérite classique.
La capacité de production devait ainsi atteindre le chiffre démentiel de 1290 tonnes d'Yperite par mois en juillet 1940 ! En considérant que la production française cumulée sur l'année 1918 atteignait 1968 tonnes, 7600 tonnes pour l'Allemagne pour 1917 et 1918.
Selon les informations communiquées aux autorités d'occupation après juin 1940, le manque de moyens de stockage et le démarrage à allure réduite des ateliers de chargement obligèrent la Direction des Poudres à réduire l'allure de fabrication. La période des grands froids de l'hivers 1939-1940 entraîna par ailleurs un arrêt momentané de la production aux poudreries d'Angoulême et de Sorgues. Au mois de mai 1940, l'aménagement de l'atelier de lavage de Sorgues permettait un accroissement de production mensuelle de 100 à 150 tonnes. Un atelier de 1012 prévu à la poudrerie de Boussens devait entrer en fonctionnement en juillet 1940. La poudrerie d'Angoulême prévoyait pour août le démarrage d'un atelier de 200 tonnes de produit 1012. Bousens avait commencé la construction d'un atelier d'Ypérite au thiodyglycol d'une capacité de 200 tonnes par mois.
L'ensemble de cette production permit d’atteindre un stock de 1740 tonnes en juillet 1940 (2100 tonnes étaient prévues au programme initial avant l’arrêt de la production si aucun conflit chimique n’avait eu lieu). Au cas où l'emploi d'engins spéciaux n'aurait pas lieu, les stocks disponibles devaient permettrent d'arrêter la fabrication dès le début de juillet 1940.
Ainsi, au moins 612 tonnes d'Ypérite furent utilisées pendant la période du conflit pour des chargements divers, dont probablement près de 550 tonnes dans des munitions d'artillerie (environ 700 000 coups de différents calibres) type Y et peut être du type Yp (Ypérite épaissie).
Le phosgène est un composé utilisé dans l’industrie chimique. Sa production à des fins militaires fut donc développée au seins d’établissement civils, sur trois sites différents : l’usine de la Société des produits chimiques de Clamecy (660 tonnes/mois), l’usine de Laire à Calais (120 tonnes/mois), l’usine Kuhlmann à Villers-Saint-Paul (150 tonnes/mois), pour une capacité de production de près de 1000 tonnes/mois.
L’extension à la poudrerie de Mauzac (1050 tonnes/mois) devait entrer en service pour le premier semestre 1940, et porter la production nationale à hauteur de 2000 tonnes/mois.
En réalité, de nombreuses contraintes obligèrent le Service des poudres à freiner la production. Le stockage du phosgène devait se réaliser dans des bouteilles spécifiques dont la livraison fut retardée ; une commande de 45 000 bouteilles fut passée mais les livraisons n'intervinrent qu'à partir de février 1940. Également, la disponibilité en corps d’obus et en bombes d’aviation fut très limitée, ralentissant la cadence des chargements prévue initialement. Des fuites intervenant sur les orifices de chargement des bombes d'aviation se présentèrent et nécessitèrent de nouvelles études.
Ainsi, seulement près de 2000 tonnes de phosgène furent produites jusqu’en avril 1940, pour un stock disponible de 800 tonnes au 31 mai 1940.
Ainsi, si on s'en tient aux déclarations de production aux autorités d'occupation, près de 1350 tonnes de phosgène furent utilisées pendant le conflit à des chargements divers.
A l'évidence, les chargements avaient commencés avant septembre 1939, à minima pour 265 tonnes dans des bombes d'aviation.
Un seul atelier existait, à la poudrerie de Sorgues. Sa production théorique de 60 tonnes par mois s’est révélée surestimées (elle atteignit 25 à 30 tonnes pour le mieux). La commande fin octobre 1939 de 55 000 engins Z5 pour le mois de février 1940 au plus tard, nécessita l’aménagement de deux nouveaux ateliers, à Villers-Saint-Paul (établissements Kulhmann) et à Vertolaye (Usines Chimiques des Laboratoires Français, UCLAF dans le Puy-de-Dôme).
Au moment de l'Armistice, la poudrerie de Boussens avait commencé la production de DM.
Selon les rapports de production rédigés à l'intention des autorités d'occupation en juin, 275 tonnes furent produites et la cadence de production fut réduite pour éviter l’accumulation des stocks qui s’élevaient à 150 tonnes fin mai 1940.
Seulement, l'état des stocks déclaré à la Commission d'Armistice en août 1940, additionné à celui des stocks présents à Boussens en septembre 1940, à ceux de Sorgues, laisse apparaître un total de 264 tonnes, auxquelles il conviendrait d'ajouter la quantité de DM chargée en projectiles à Lannemezan (stock de 120 tonnes de munitions) et celle des engins Z5 présents dans plusieurs dépôt (460 tonnes).
A l'évidence, la quantité de DM produite est bien plus importante que celle qui fut déclarée.
Initialement, le Bouchet avait retenu une réaction qui utilisait le chlorure d'aluminium comme catalyseur. Un premier problème fut de résoudre celui de l'appareillage dans lequel la réaction avait lieu. Une phase délicate et dangereuse intervenait, lors de la transformation des Léwisites secondaires et tertiaires à l'état primaire.
Utilisant des renseignements fournis par les Anglais, le Bouchet étudia un synthèse utilisant le chlorure mercurique. Cette réaction présentait l'avantage de supprimer la phase de rétrogradation et d'abaisser la température de réaction.
De peur de manquer de mercure, la direction du service des Poudres fit étudier et mettre au point une nouvelle réaction au chlorure cuivreux. Cette dernière s'affranchissait de la rétrogradation, mais la température de réaction était encore élevée et présentait des risques.
En 1939, c'est cette réaction qui fut utilisée pour monter la chaîne de production à la poudrerie de Boussens. Le programme débuta probablement au tout début de l'année 1940 par une tranche de 2 tonnes/jour. La production sur le site de Boussens posa à nouveau quelques problèmes de choix de matériaux pour l'appareillage. Puis en mai 1940, un nouveau procédé devait être démarré après essais et mise au point au Bouchet à l'aide du procédé anglais au chlorure mercurique. La transposition du Bouchet au site de Boussens devait être immédiate. A ce jour, nous ignorons quel fut son développement ultérieur.
Des documents postérieurs à l'Armistice de 1940 laissent supposer que la production de Léwisite resta à l'état de projet, puisque seulement 788kg auraient été produits. Il est cependant probable que la synthèse débutée au début de 1940 et le chargement d'une faible quantité de projectiles chargés en V.201, aient été dissimulés aux autorités allemandes.
La Trichloroéthyllamine fut fabriquée en 1/2 grand au Bouchet, puis essayée à Beni-Ounif (Béni-Wénif) dans l'hivers 1932-33; en obus de 75 à culot vissé. Une certaine quantité de munitions fut chargée de cette substance, dans l'objectif de la militariser et de procéder à des tirs d'essais. L'efficacité fut jugé comparable à celle du V.201. Elle fut ainsi adoptée et destinée à être militarisée ; les études sur le 886 furent poursuivies.
Selon certains documents, une petite quantité fut synthétisée à Boussens avec la technique de 1/2 grand mis au point au Bouchet (qui fut responsable de nombreuses intoxications). Que penser des documents fournis aux Commissions d'Armistice après juin1940, qui stipules qu'aucune installation de fabrication n'était encore commencé en mai 1940 ? A l'évidence, qu'ils sont incomplets.
Cet aspect est encore fort peu documenté ; nous manquons de sources pour exposer le programme de chargement de projectiles depuis 1935.
Trois ateliers furent conservés durant l'entre-deux guerre, remis en état puis organisés (dès 1930) pour le chargement des obus chimiques : Pont-de-Claix, Angoulême et Aubervilliers. Leur capacité pouvait alors atteindre 472 000 obus par mois.
L'atelier de Salaise fut également remis en fonctionnement. Les chargements en Adamsite dans les obus spéciaux à dépotage furent réalisés aux ateliers de l'Ecole centrale de pyrotechnie (chargement également en fumigérite et opacite). Un atelier travailla également aux chargements à Cerdon. Nous avons enfin également identifié un atelier de chargement, nommé Atelier de construction de Lyon et usine Coignet.
En septembre 1939, en même temps que la guerre était déclaré, démarrait le programme de mobilisation qui prévoyait le chargement de nouveaux obus chimiques, chargement qui avait en réalité déjà débuté.
Les programmes de fabrication provoquèrent une demande considérable de main d'oeuvre avec un déficit très important de spécialistes rares, que ce soit dans les usines de l'Armement ou dans les poudreries. Les effectifs des poudreries passèrent de 10 500 personnes à 45 000 dès le premier mois, pour atteindre 120 000 en avril 1940. Il faut y ajouter 90 000 personnes qui, sous la direction des poudres travaillaient dans les 1100 usines de l'industrie privée.
Cette pénurie provoqua de nombreux retards dans l'ensemble des programmes, mais certaines priorités purent être données. Le déficit était partout ressenti ; le personnel d'encadrement militaire était également insuffisant et il fallut faire appel à des civils par contrat.
Une procédure d'affectation spéciale avait été mise au point avant le début des hostilités pour déterminer les personnels susceptibles d'être des spécialistes rares et les diriger vers le service des Poudres. Le centre du Bouchet passait de 760 personnes à 1980 au 1er juin 1940, dont 465 affectés spéciaux. Nous ne connaissons pas l'effectif des ateliers de chargement, qui comme le restant des effectifs, connu une pénurie.
En mars 1939, la commande de mobilisation auprès de l'atelier de chargement de Pont-de-Claix était la suivante :
Toujours en mars 1939, l'atelier chargeait des bombes de phosgène à la cadence de 50 par jour ainsi que des obus d'exercice chargés en fumigérite. Le chargement en grenades présentait des difficultés, les machines automatiques étant imparfaite et évasaient souvent l'orifice de remplissage.
Un atelier de chargement existait à Aubervilliers près de l'ERG, mais présentait des risques importants pour l'ERG et la population de la ville d'Aubervilliers. Depuis 1935, un projet visait à transférer cet atelier, mais la question restait en suspens depuis. A la mobilisation de 1939, l'ateliers dénommé usine IV et rattaché au service des Fabrications d'armement, fut transporté à l'usine Kuhlmann de Villers-Saint-Paul. Le personnel de l'usine IV, constitué des 11e, 12e et 13e compagnies du 22e BOA fut éclaté ainsi : la 11e Cie rejoignit l'usine de Villers Saint Paul (80 hommes restèrent sur place à Aubervilliers jusque mi-novembre pour démonter le matériel) et les deux autres compagnies furent dirigées vers Lannemezan.
On trouvait alors à Lannemezan une ancienne usine électrique de la Poudrerie nationale de Toulouse, qui devint en 1921 la Société des produits Azotés auprès de laquelle une nouvelle usine productrice d'aluminium fut construite en 1939. La société était spécialisée dans la fabrication de cyanamide calcique (base de la fabrication d'ammoniac, d'urée, de cyanure), puis de dérivés fluorés organiques. Notons également que Lannemezan est situé à 60 km de l'usine de Boussens. A partir de 1938, il s'y implante un arsenal et un atelier de chargement de projectiles chimiques sur le quartier de la Hitolle où se trouvait un hippodrome avec tribunes en dur et une piste de 2 000 mètres. L'atelier de chargement de Lannemezan semblait spécialisé, probablement en complément de l'atelier de l'Ecole Centrale de Pyrotechnie, dans le chargement de différents modèles de munitions à DM (Adamsite), en munitions à Ypérite et en bombes d'aviation de 200kg chargées en phosgène. Il subsistait en juin 1940 à Lannemezan, 88 tonnes de DM, 320 tonnes d'Ypérite et 120 tonnes de munitions diverses chargées en DM.
L'atelier de chargement de Mauzac n'était pas entré en production au moment de l'Armistice.
A l'Armistice de juin 1940, tous les travaux, les chargements et les productions furent stoppés (article 6 - La fabrication de nouveau matériel de guerre en territoire non occupé devra cesser immédiatement. Article 13 - Le gouvernement français s'engage à veiller à ce que, dans les territoires à occuper par les troupes allemandes, toutes les installations, établissements et stocks militaires soient remis intacts aux troupes allemandes). Les conventions passées avec l'occupant stipulaient la déclaration de l'ensemble de ce programme et des recherches menées jusque là. Nous verrons qu'un débat fut engagé pour tenter de préserver les travaux réalisés au Bouchet depuis les années 1920 jusqu'en 1940. Le gouvernement de Vichy, engagé dans la collaboration, choisit de livrer les archives du Bouchet à l'Allemagne.
L'ampleur de la production de gaz de combat fut ainsi révélée à l'Allemagne, mais il semble qu'une partie des avancées et des recherches menées purent être préservée.
Les Ypérites épaissies furent préparées ultérieurement par les Anglais et les Allemands, laissant supposer que certains secrets furent transférés jusqu'en Angleterre et que les armées d'occupation allemande aient pu également mettre la main dessus.
La trichloréthylamine fut également préparée par l'Allemagne après 1940 et après que les troupes allemandes aient mis la main sur une partie des travaux français. Elle pris le nom de code de Stickstoff-Lost ; sa production n'atteignit pas plus de 2000 tonnes. Elle fut chargée en obus et en rockets.
Des études sur la DM avaient également été entreprises par de nombreuses nations, comme l'Allemagne, l'Angleterre, la Russie et les Etats-unis. Mais l'efficacité et la facilité de production des engins Z5 fut reconnue par l'Allemagne et l'Angleterre. Les anglais adoptèrent les chandelles Z5 et leur mode de fabrication (Dm coulée à froid avec du perchlorate d'ammoniaque et du sirop d'urée Nobel) et les Allemands fabriquèrent des engins similaires de 3 et 16kg.
Sauvegarde de documents par le résistant Norbert Casteret :
Dès novembre 1939, il a été chargé de mission secrète par le colonel Fauveau, directeur de la poudrerie nationale de Toulouse, aux fins d'indiquer des cavernes susceptibles d'abriter la production et les stocks considérables de la poudrerie.
Après plusieurs entrevues à Saint Gaudens et à Toulouse, et diverses visites de cavernes, la grande grotte de Bédeilhac (Ariège), fut retenue comme étant la plus appropriée. En définitive, cette grotte ne fut pas utilisée par la poudrerie, mais par l'usine d'aviation Dewoitine, qui y effectua des travaux considérables.
En juin 1940, il fut chargé de mission par le Service des Poudres (mission secrète émanant du Capitaine Robert Clavier, adjoint au Directeur du Service central des Constructions des Poudres de Montauban) qui lui remit trois grands sacs caoutchoutés, ne devant absolument pas être détruits (documents secrets uniques), et ne devant à aucun prix tomber aux mains de l'ennemi.
Ces documents très précieux furent cachés au fond du gouffre d'Esparros, par Norbert Casteret et son ami Germain Gattet, directeur de l'usine de chlore de Boussens (Haute Garonne). Cette mission, confiée par le Capitaine Clavier, de Paris, fut exécutée dans la nuit du vingt-cinq au vingt-six juin 1940.
Les dépôts furent surveillés, probablement à plusieurs reprises ; "1er février 1941. En auto avec M Gattet et colonel Carton. Les sacs en caoutchouc sont en parfait état (...)".
En février 1941, Norbert Casteret fut pressenti par les officiers du 2° Hussards de Tarbes, désireux de cacher dans des grottes un important stock d'armes et de munitions, pour les soustraire à l'ennemi, et s'en servir au moment voulu. Après plusieurs entrevues et visites de cavernes, le grotte de Montsaunès fut retenue, et dans la nuit du dix-sept au dix-huit février 1941, avec l'aide de vingt officiers en civil, quatre camions amenèrent à pied d'œuvre les caisses d'armes et de munitions. Ces caisses furent portées à bras et cachées dans la grotte, dont l'orifice d'entrée, assez étroit, fut ensuite bouché et éboulé. Ce stock de seize tonnes resta de longs mois sous terre, jusqu'au jour où il fut exhumé pour l'armée de la Résistance.
En mars 1941, une opération analogue à la précédente a été effectuée dans un gouffre de la région de Cahors, grâce à la participation et au matériel d'échelles de corde de Norbert Casteret (toujours pour le 2° Hussards).
En décembre 1943, Norbert Casteret fut sollicité d'indiquer des grottes pouvant servir à entreposer des armes parachutées pour le maquis. Il montra diverses grottes à Messieurs Cauchois et Schneegans au cours d'une randonnée, destinée entre autres à fixer divers emplacements pour le parachutage d'armes et de munitions.
En outre, Norbert Casteret aida plusieurs jeunes gens réfractaires au STO, par ses conseils judicieux (témoignage de Georges Fouet), et il cacha et abrita certains maquisards (dont Marcel Loubens, passeur de France en Espagne), chez sa propre mère, madame Casteret, à Saint Gaudens.
A la Libération, Norbert Casteret, comme beaucoup de braves gens à ce moment-là, fut importuné, et subit le fruit de la jalousie de certaines personnes malveillantes. Il fut défendu et protégé par Maître Armand de Bertrand Pibrac, avocat à Saint Gaudens, et monsieur Dautrème, sous-préfet de Saint Gaudens sous le régime de Vichy, mais en même temps grand résistant, immatriculé à l'Armée Secrète. Norbert Casteret subit deux incarcérations successives, sans vouloir trahir le secret des documents qui lui avaient été confiés, et qui étaient toujours cachés au fond du gouffre d'Esparros. Enfin, conseillé par ses défenseurs, il finit par révéler ces missions secrètes. Accompagné du sous-préfet et d'agents de police armés, ils descendirent au fond du gouffre. Au vu des documents, en parfait état de conservation, estampillés « Secret Défense », il fut immédiatement libéré. Plus tard, à l'occasion de la remise de la décoration de la Légion d'Honneur, octroyée par le Président Vincent Auriol, il fut réhabilité par la ville de Saint Gaudens, dans une grande liesse populaire.
Le procès-verbal permet de connaître succinctement la nature des documents :
- 6 presses à filer de 1 100 tonnes (Ste Livrade)
-Dossier concernant la fabrication du produit n°5 et produit G (gaz suffocant).
- Plan de meule
- Poudres et explosifs
- Plan de matériel de poudrerie
- Tolite et trinito-anisol
- Mélinite téthyle
- Penthirite - pentolite
- Hexogène
- (...)
Les documents furent récupérés le 25 mai 1945, en présence du Colonel Carton et de Mr Gattet.
Source : http://norbertcasteret.net/le-patriote et archives familiales Casteret.
Les recherches concernant la fission atomique existaient très probablement dans plusieurs pays, avant la seconde guerre mondiale. Les recherches en France étaient menées par une équipe du Collège de France, constituée par MM. Hans Heinrich von Halban, Jean-Frédéric Joliot, Lew Kowarski et Francis Perrin.
Ils réussirent à mettre en évidence la fission de l'uranium et la possibilité de produire une réaction en chaîne. Cinq brevets furent déposés, entre le 30 avril 1939 et le 4 mai 1939, qui couvraient le descriptif de différents types de réacteurs atomiques, l'interruption de la réaction en chaîne, le calcul du réseau au coeur des réacteurs hétérogènes, et particulièrement un décrivait le principe d'une bombe atomique.
Rapidement, l'armée décida de financer les travaux en mettant l'accent sur le développement "d'un processus de libération brutale de l'énergie atomique avec des effets dépassant infiniment ceux des explosifs puissants", une bombe atomique. Le projet fut nommé "La grande expérience" et avait comme but d'aboutir à l'explosion de la première bombe à uranium dans un centre d'expérimentation secret, nommé CESP de Béni-ounif, alias B2-Namous... Des essais d'utilisation d'eau lourde devaient être entrepris quand l'Armistice et la défaite mirent fin, provisoirement, au travaux sur le sol français.
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