Il n'y eu en France, aucun débat politique sur la nécessité de répliquer aux agressions chimiques allemandes. Militaires et politiques souscrivèrent unanimement à la décision d'une réplique militaire chimique, sans concession, sans limite.
En quelques jours, une structure chargée de mettre en place une riposte chimique fut créée (voir : la genèse des premiers moyens de protection - l'organisation française au lendemain de la première attaque aux gaz). Celle-ci se divisa en trois structures, une commission chargée de l'étude des moyens agressifs et des moyens de défense, une commission chargée de l'étude des corps agressifs utilisés par l'ennemi et une structure chargée des moyens de production.
C’est lors de la réunion du 28 avril 1915 que l’on évalua les moyens de réplique dont la France disposait (voir : la genèse des premiers moyens de protection - l'organisation française au lendemain de la première attaque aux gaz). On souhaitait aller vite, mais déjà, on réalisait la difficulté à laquelle il allait falloir faire face : la France ne disposait pas d’industrie chimique, elle ne produisait pratiquement pas de chlore et ne disposait pas de ressource en brome, des substances alors indispensables à la synthèse de l’ensemble des substances agressives connues.
Le seul corps dont on put disposer immédiatement était le tétrachlorure de titane, baptisé fumigérite, en regard de ses propriétés principalement fumigènes. Il possédait néanmoins une valeur irritante assez modeste. Les premiers essais de projectiles emplis de ce produit eurent lieu le 30 avril 1915, à Satory, en présence des généraux Curmer et Dumezil. On peut s'interroger sur la promptitude avec laquelle ils furent réalisés, moins de deux jours après avoir décidé d'une riposte. Le 2 mai, ces essais furent jugés satisfaisant, tout au moins comme un premier moyen à adopter. Les livraisons en fumigérite, débutèrent le 7 mai, à compter de seulement 500 kg par jour, ce qui se révèlera rapidement insuffisant.
Les premières recherches sur la création d'une vague gazeuse agressive débuta le 1er mai, et le 4 mai eurent lieu les premiers essais de production de nappe gazeuse de chlore, qui devaient se poursuivre par la suite (voir : Etudes de la vague de chlore).
Ainsi, les premières recherches en vue de riposter à l’attaque allemande, débutent très rapidement, en quelques jours après le 22 avril 1915 et la vague gazeuse d'Ypres. On s’attendait à disposer de moyens efficaces d’ici la fin de l’été ; la réalité sera tout autre.
Pour réaliser ce dessein, les responsabilités furent réparties
Voir : Les munitions chimiques françaises, généralités.
La recherche incomba à ce qui deviendra la section des produits agressifs, présidée par le colonel Perret, secondé par Charles Moureu. Ses 11 membres étaient tous d’éminents chimistes : Gabriel Bertrand, Victor grignard, Job, André Kling, Paul Lebeau, Marcel Delépine (qui remplaçait Maquenne au début de 1916), Simon, George Urbain et Terroine.
La logistique fut confiée à l’Etablissement Central du Matériel Chimique de Guerre, sous la direction de monsieur Cuvelette. Ce dernier se vit en charge de réaliser un véritable programme de développement industriel pour réaliser la production des substances nécessaires à la riposte chimique militaire.
Enfin, les études sur le front furent confiées à André Kling, afin d’identifier rapidement les nouvelles substances utilisées par l’ennemi. Immédiatement, il réussira à mettre en place une structure destinée à renseigner le G.Q.G. et l’I.E.E.C., sur la nature des toxiques utilisés lors de chaque attaque allemande et sur le type de munitions utilisées dans ce but. A chaque fois qu’une attaque était signalée, Kling se rendait sur place, accompagné par le médecin chef du centre médico-légal de la zone concernée, pour y effectuer une enquête complète et récupérer des échantillons. Le nombre d’attaques chimiques se multipliant rapidement, Kling ne fut plus en mesure d’effectuer toutes ces enquêtes, et ce rôle fut dévolu aux centres médico-légaux. Tous les projectiles supposés toxiques étaient envoyés au laboratoire municipal de Paris pour y être démontés et examinés. Ainsi, on obtint des renseignements très complets sur les agressifs allemands, leur méthode de synthèse et sur les moyens de les disperser.
Deux voies de recherches furent explorées : la production d’une vague gazeuse et le chargement de substances agressives dans des projectiles. Il est impossible d’énumérer ici l’ensemble des recherches menées, tant le nombre de substances étudiées est grand. Nous nous bornerons à suivre celle ayant abouti dans les premiers mois du programme après avoir expliqué comment se sont organisés les Services chimiques français.
Les études sur la guerre chimique sont initialement confiées au service du Génie. Le général Curmer, polytechnicien de formation, affecté au commandement du secteur de Toul au début de la guerre, devient rapidement chargé de mission auprès du G.Q.G., conseiller technique du Génie et rattaché à la Section technique du Génie, en charge d’étudier toutes les propositions d’armes techniques et nouvelles comme les lance-flammes, les mortiers, ainsi que les moyens de protection de la troupe, comme les cuirasses. Dans l’urgence en avril 1915, le Général en Chef lui demande de se mettre en relation avec les personnalités qu'il jugerait comme les plus qualifiées pour mener à bien les premières recherches sur les gaz asphyxiants. Les premières personnes à qui s’adresse Curmer sont André Kling, directeur du laboratoire municipal de la ville de Paris, et Gabriel Bertrand, chef de service à l’Institut Pasteur. Tous deux avaient déjà étudié les substances lacrymogènes et suffocantes et semblaient les plus à même pour débuter les recherches (voir : Prélude à la guerre chimique ; Kling avait participé aux études sur les engins suffocants en 1912 et Bertrand avait proposé une grenade suffocante, adoptée en janvier 1915). Le 23 avril, Kling fut convoqué par le général Foch qui lui confia la responsabilité de l'enquête à Ypres. Le lendemain, il fut chargé de la même tâche, par ordre du Ministre de la Guerre et de celle de procéder de façon systématique à l'étude de toutes nouvelles armes chimiques utilisés par l'ennemi.
André Kling, Directeur du laboratoire Municipal de la Ville de Paris, membre de la Commision des gaz asphyxiants, chargé par le G.Q.G. des enquêtes sur le front concernant les substances toxiques.
Général Fernand-Alexandre Curmer, polytechnicien et attaché au G.Q.G. au sein de la Section technique du Génie, président de la Commission des gaz asphyxiants.
Gabriel Bertrand, Pharmacien, docteur ès Sciences, chef du service de chimie biologie de l'Institut Pasteur, professeur de chimie biologique à la Faculté des Sciences, membre de la Commission des gaz asphyxiants.
Le général Curmer se rendit au ministère (4e direction) et proposa au général Chevalier de constituer une commission réunissant quelques scientifiques de renom, pour envisager au plus vite les moyens de protection et de riposte. Celui-ci accepta en principe l’idée, mais préféra une simple réunion à une commission permanente. Cette regrettable opposition à la constitution d’une structure rationnelle, à la fois civile et militaire, sera à l’origine d’un manque cruel de centralisation des moyens de lutte contre les gaz, qui devait durer jusqu'à la création des services chimiques au mois de juillet 1915. Jusqu'à cette date, le sous-secrétariat de l’artillerie et des munitions entendait en réalité étendre son domaine d’attribution aux questions relatives aux gaz asphyxiants.
Le général Curmer de la Section technique du Génie, est chargé des études sur les moyens de protection de la troupe et sur les propositions d'armes techniques nouvelles. Il est pris ici en photo lors des essais sur les boucliers roulants individuels Walter. En avril 1915, le Général en chef le charge des études sur les gaz asphyxiants.
Tout fut mis en oeuvre pour mettre sur pied rapidement, les mesures d'une riposte chimique. Le général Curmer convoqua donc, dans une réunion qui devait avoir lieu le 28 avril, au siège du comité du Génie : Messieurs Haller, Gauthier et Deslandres (ce dernier en tant que météorologiste), tous trois membres de l’Institut Pasteur, monsieur Kling, du laboratoire municipal, monsieur le professeur Bertrand, pharmacien de l’institut Pasteur, monsieur Urbain, professeur à la Sorbonne, monsieur Chaumat, sous-directeur de l’Ecole supérieure d’Electricité, monsieur le médecin principal de deuxième classe Arnauld, le colonel Mourral, de la Section technique du Génie, le lieutenant-colonel Jouhgandeau, de la Section technique de l’Artillerie, et enfin plusieurs représentants de l’industrie chimique. A ce stade, personne parmi les scientifiques et les militaires engagées dans cette réflexion, ne semblait avoir connaissance des recherches et des études menées avant guerre par Nicolardot.
Les questions abordées à cette réunion concernaient en premier lieu les éventuels moyens de riposte dont pouvait disposer la France, évalués grâce à un mémoire rédigé par Chaumat, provenant d’une étude succincte réalisée avant-guerre. Il permit de discuter les propriétés des corps les plus intéressants et d’envisager les moyens de production. Les différents membres ne purent que constater la quasi inexistence de l’industrie chimique en France, tout restant à créer pour obtenir la fabrication industrielle de substances agressives.
La commission des gaz asphyxiants voit le jour lors de sa première réunion, le 2 juin 1915, sous la présidence de l'ingénieur en chef Paul-Louis-Weiss, polytechnicien et ingénieur du corps des mines, directeur des Mines au ministère des Travaux publics. Weiss s'entoure immédiatement de nombreux scientifiques de grand renom, dont de nombreux pharmaciens. Il propose une organisation des services chimiques avec la création d'une nouvelle Diréction générale au sein du Ministère de la Guerre sous la dépendance du ministre. Albert Thomas, l'un des quatre sous-secrétaire du ministère de la Guerre et responsable de l'artillerie et des munitions, s'y opposa, espérant bien récupérer le domaine de la guerre chimique dans ses attributions.
Le 18 juin, le ministre de la Guerre organise la commission en trois organes d'étude : les études sur le front dirigées par André Kling, les études des effets physiologiques des gaz et des moyens de protection à employer dirigées par le professeur Heim, directeur du laboratoire de toxicologie du Conservatoire des Arts et Métiers, et la Commission d'études des gaz asphyxiants et de recherche des moyens de production industrielle, présidée par Weiss. Ses prérogatives sont alors limitées à la recherche et au développement.
Ce même 18 juin, le ministre décide la création de la Direction du matériel chimique de guerre, D.M.C.G., chargé de poursuivre les fabrications confiées jusqu'alors à la Section technique du Génie. Directement dépendants de cette direction est crée l'Etablissement central du matériel chimique de guerre (E.C.M.C.G.), chargé de l'adaptation aux besoins militaires des procédés d'emploi des produits chimiques, de la détermination et de l'approvisionnement en produits et outillages nécessaires à leur emploi, de l'instruction des unités spéciales, de la détermination et de l'approvisionnement en appareils de protection, de la visite et de l'entretient du matériel.
Au mois de juillet, un groupe de députés appela à la création d'une direction générale au sein du ministère de la guerre. Ainsi, le 22 juillet, la DMCG passe sous la responsabilité du sous-secrétariat d'Etat à l'artillerie, sous la dépendance d'Albert Thomas, comme celui-ci l'avait souhaité. Le servie du Génie reste simplement chargé de la mise en oeuvre des vagues gazeuses dérivantes.
Le 18 août, la DMCG est promu au rang de Direction générale et la Commission est à nouveau subdivisée en trois sous-comissions :
- Les études sur le front dirigées par Kling.
- Les études d'agression présidées par Charles Moureu, pharmacien spécialiste de la chimie organique, assisté par deux autres pharmaciens, les professeurs Bertrand et Lebeau, ainsi que des professeurs Urbain, Job et Grignard.
- Les études de protection, présidées par le médecin inspecteur Vincent, professeur au Val-de-Grâce, assisté des professeurs Lebeau, Bertrand, Heim, Hanriot et des docteurs Flandin et Banzet.
Finalement, le 17 septembre 1915, le Service du matériel chimique fut créé par arrêté ministériel et confié au Général Ozil, alors adjoint au sous-secrétaire d’Etat de l’Artillerie et des Munitions. Cette modification allait enfin lui donner beaucoup plus d’autonomie et lui permettre de jouer pleinement son rôle, sans entraves extérieures. Ce service fut divisé en deux, un organe d’étude et un organe de fabrication.
Elle est placée sous la direction du colonel Perret, le segent Terroine, professeur au laboratoire de physiologie du Collège de France en étant le secrétaire.
L’Inspection possèdait deux commissions composée de chacune 9 membres :
Elle s’occupait de la recherche des différents toxiques susceptibles d’être utilisés. Elle fut présidée par le Colonel Perret, et rassemblait 10 membres :
· Vice-président : professeur Charles Moureu, membre de l’Institut et de l’Académie de médecine, professeur de pharmacie chimique à l’école supérieure de pharmacie de Paris. · Gabriel Bertrand, pharmacien, professeur à la Sorbonne et chef de service à l’Institut Pasteur. · Victor Grignard, professeur à l’Université de Lyon. · Job, professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers. · André Kling, médecin, chimiste et directeur du laboratoire municipal de la ville de Paris. · Paul Lebeau, pharmacien, professeur de toxicologie à l’Ecole supérieure de pharmacie de Paris. · Marcel Delépine, pharmacien, professeur de minéralogie et d’hydrologie à l’école Supérieure de pharmacie de Paris. · Simon, professeur au Muséum. · George Urbain, professeur à la Sorbonne. · Professeur Terroine, secrétaire.· · Léon Maquenne, membre de l'Institut et professeur de physique végétal au Muséum d'histoire naturelle. Il démissione au début de 1916 pour être remplacé par Marcel Delépine.
Elle aussi fut présidée par le Colonel Perret.
· Vice-président : Professeur Achard, de la Faculté de médecine de Paris. · Docteur Banzet, ancien chef de clinique à la Faculté de médecine de Paris. · Professeur Bertrand, pharmacien. · Alexandre Desgrez, pharmacien et professeur à la Faculté de médecine de Paris. · Professeur Lebeau, pharmacien. · Docteur Flandin, ancien chef de clinique à la Faculté de médecine de Paris. · Professeur Vincent du Val-de-Grâce, Médecin-inspecteur de l’armée. · Médecin principal Dopter, représentant du G.Q.G. · Pharmacien principal Pellerin, représentant le sous-secrétariat d’Etat du Service de Santé. · Professeur Terroine, secrétaire.
La liaison entre les deux sections est assurée par le président et les deux membres communs : les professeurs Lebeau et Bertrand. Les études entreprises devant répondre directement aux besoins de l’armée, le commandement est représenté dans les deux sections par les officiers qui dirigent le service des gaz au G.Q.G. Le général Fetter remplit cette mission à partir de novembre 1917.
Laboratoire Municipal de la ville de Paris ; au centre, André Kling. Le rôle joué par les différents laboratoires n'est pas toujours aussi cloisonné que l'on peut l'imaginer. Le laboratoire d'André Kling travaille en liaison avec la Section des produits d'agression, mais le dispositif présenté ici permet d'étudier les effets du phosgène chez le chien, la limite de sa toxicité mais également les différentes substances susceptibles de le neutraliser. Ces dernières études sont normalement dévolues à la section de protection.
En plus des membres des deux sections, l’Inspection des études et expériences chimiques charge des officiers et des scientifiques, selon leurs compétences, des études d’amorçage, d’organisation des projectiles et engins divers, ainsi que de la préparation des expériences à réaliser sur les différents polygones.
Le médecin principal Dopter, aidé de Leclercq, Mazel et Paul, reçoit pour mission d’assurer la protection des troupes contre l’arme chimique. A ce titre, il parcourt le front pour organiser cette défense. Promu au grade de médecin principal en janvier 1916, il est nommé médecin divisionnaire en mai 1918.
L'Ecole supérieure de Pharmacie de Paris (vue du jardin botanique). De nombreux laboratoires des Services Chimiques français vont naturellement y trouver place, comme ceux des professeurs Moureu, Delepine et Lebeau, entourés de leurs nombreux collaborateurs.
Les différents travaux sont réalisés dans des laboratoires de recherche chimique mis à la disposition de l’Inspection dans toute la capitale. Lorsqu’une étude est terminée, chaque directeur de laboratoire adresse un rapport au colonel Perret qui le fait discuter devant la section intéressée, et la conclusion de cette discussion est présentée au ministre. Ces laboratoires sont au nombre de seize. Leurs directeurs sont choisis parmi des chimistes et des scientifiques de grand renom dont beaucoup sont des pharmaciens. Voici la liste des directeurs de ces laboratoires et de leurs principaux collaborateurs au cours de la guerre :
- Professeur Moureu (Ecole supérieure de pharmacie, puis Collège de France) entouré des pharmaciens Bongrand, Dufraisse, Lazennec, Rigaut, Boismenu, Nomblot, Robin, Volmar, Pougnet, Boutonnet et Murat ; ainsi que d’autres collaborateurs : Lepape, Etienne, Mignonac et Brawn (armée américaine). A la fin de 1917, ce laboratoire est renforcé par ceux des professeurs Joseph Bougault et Amand Valeur à l’École de pharmacie, et par celui du professeur Marc Tiffeneau à la Faculté de médecine. Ces trois personnalités sont des pharmaciens.
- Professeur Bertrand et ses collaborateurs (Institut Pasteur) : le pharmacien Javillier, Monsieur Sazerac et Madame Rosenblatt.
- Professeur Delepine (à l’école supérieure de pharmacie) assisté par les pharmaciens Douris, Fleury, Ville, Lafore et Duval, ainsi que par Alligier, Charpentier, Razous.
- Professeur Grignard (à la Sorbonne) et ses collaborateurs : les pharmaciens Gérard et Bardet (chef de laboratoire du professeur urbain), Rivat, Toussaint, Edouard Urbain, Scatchard (armée américaine), Simon.
- Professeur job (au conservatoire des arts et métiers) : Paul Goissedet, Lefranc, Guinot.
- Kling (au laboratoire municipal) : Chelle (pharmacien), Florentin, Schmutz, Lassieur, Huchet, Digaud, Jacob, Lhermitte, Pero, Petit, Vernerd.
- Professeur Simon (à l’école normale supérieure) : Guyot (pharmacien), Mauguin, Boulin, Levaillant, Chavanne, Darmois.
- Professeur Eugène Tassilly (à l’école de physique et de chimie industrielle de la ville de paris) : Pénau (pharmacien), Savès, Richard, Roux. Certaines questions de protection collective sont traitées dans ce laboratoire à partir du 1er août 1916. Tassilly est agrégé de physique à l’école supérieure de pharmacie de paris.
- Professeur Georges Urbain (à la Sorbonne) aidé des pharmaciens Guichard, Delaby (1918) et Boulanger, Vavon, Bancelin, P. Job, Cornec, Chenevau, Cantagrel, Scal, Edouard Urbain, Karl, Bertinet, Roby.
Le professeur Lebeau dirige le laboratoire de protection individuelle à l’École de pharmacie. Ses collaborateurs sont essentiellement des pharmaciens : Damiens, Picon, Bedel, Defacqz, Lantenois, Courtois, Laudat, Dumesnil, Lormand, Brustier, Voisin, Allard, Bautet, Sellier, Varin, Pointet, Lefèvre.
Le professeur Desgrez dirige le laboratoire de protection collective à la Faculté de médecine. Il était entouré des deux pharmaciens, Guillemard et Labat, et de Savès et Hemmerdinger.
Le docteur Mayer s’occupe du laboratoire de physiologie au Collège de France avec Magne, Plantefol, Fauré-Frémiet, Guyesse et Fred Vlès.
Le professeur Achard dirigea le laboratoire de thérapeutique installé à la Faculté de médecine. Ses collaborateurs sont : Desbouis, Ribot, Leblanc, Rouillard, les docteurs Flandin et Binet.
Pour les études sur le terrain, l’Inspection utilise des champs d’expérience dénommés à l’époque « polygones ». Il en existe trois : à Satory (Seine-et- Oise) pour les expériences de protection individuelle et collective, de lance-flammes (appareils Schilt), et de petites émissions de gaz ; à Fontainebleau pour les tirs d’artillerie à moyenne distance ; à Vincennes pour les essais d’éclatement d’obus au repos et les expériences sur la protection des chevaux. En 1918, un quatrième polygone est installé à Entressen, dans les Bouches-du-Rhône, pour de grandes émissions de gaz et les grandes expériences de tir d’artillerie. En 1915, existe également à Bourges un organe d’étude indépendant en relation avec l’I.E.E.C.
Celui-ci existait depuis le 1er juillet 1915, et l’arrêté du 17 septembre ne changea rien à son organisation. Le colonel Vinet fut nommé directeur du MCG ; il fut remplacé en mai 1918 par le lieutenant-colonel Taffanel. Il était composé de trois organnes d'exécution :
Le commandant Papon en pris la tête dès le premier juillet 1915. Il comprenait des services techniques et administratifs qui furent chargés des achats de matières premières et de la passation des marchés auprès d’industriels, pour la fabrication des appareils de protection, mais aussi du matériel d’émission de gaz. Il possèdait aussi trois laboratoires : - Un laboratoire de contrôle de fabrication des appareils de protection, dépendant du laboratoire du professeur Lebeau (Celui-ci ne sera créé qu’en novembre 1915). Il comprenait une majorité de pharmaciens.
- Le laboratoire de réception des produits chimiques, dirigé par le professeur Delépine ; - Le laboratoire de réception de certaines matières premières et des divers éléments des masques, dirigé par le commandant Cellerier au conservatoire des arts et métiers.
Dirigée dès le 1er juillet par le capitaine Cuvelette, remplacé en 1917 par le commandant Bollaert, auquel le commandant perrot succède en 1918. Elle a pour fonction l’organisation des usines de produits agressifs. Fin mars 1916, le commandant Cuvelette confie au professeur Delépine la difficile tâche de contrôler dans son laboratoire tous les produits fabriqués par cet organisme. Delépine se rend alors dans les différentes usines de fabrication pour vérifier la qualité des contrôles qui y sont pratiqués. Remarquant un certain laisser-aller, préjudiciable à l’efficacité des produits ainsi qu’à leur chargement et à leur conservation, il doit donner des directives de fabrication industrielle et analyser lui-même régulièrement des échantillons en provenance des différentes usines. Tout lot non conforme à ses directives est désormais refusé.
Au début de la guerre, ils sont au nombre de deux : l’un à Vincennes pour le chargement des obus incendiaires, lacrymogènes et fumigènes ; l’autre au fort d’Aubervilliers pour celui des obus toxiques. Le contrôle du chargement de ces projectiles est effectué par le professeur Urbain, dans un laboratoire créé à cet effet à la Sorbonne. En juin 1918, deux nouveaux ateliers sont créés au Pont-de-Claix et à Salaise dans le département de l’Isère, ce qui nécessite la création de la Section centrale des ateliers de chargement, placée sous la direction du capitaine Schmidt.
Dès le 23 avril 1915, au lendemain de l’attaque allemande contre le saillant d’Ypres, Kling est envoyé aux armées par le G.Q.G. pour enquêter sur place. Il est alors définitivement chargé des études sur le front, destinées à déceler rapidement les nouvelles armes incendiaires et à gaz utilisées par l’ennemi. Le 18 août 1915, Weiss lui propose la collaboration de trois pharmaciens : Moureu, Delépine et Béhal. Préférant s’entourer de ses collaborateurs habituels du Laboratoire municipal, Kling refuse leur participation. Le général Curmer s’oppose également à cette proposition qui a pour inconvénient d’envoyer au front des scientifiques qui occupent déjà des emplois importants et dont on a grand besoin à l’arrière. Au début de la guerre, le nombre d’attaques aux gaz étant réduit, Kling se rend lui-même sur le front dès qu’il en est informé et il procède à l’enquête sur les lieux, ramassant des indices et recueillant les témoignages des combattants du secteur concerné. Sur place, il est accompagné du médecin-chef du centre médico-légal intéressé, organisme créé pour l’étude des questions d’ordre médical relatives aux gaz de combat. Ce médecin lui fournit les documents d’ordre médical et effectue des prélèvements de viscères en vue des analyses toxicologiques. Parfois, ne pouvant se déplacer luimême, Kling charge l’un de ses adjoints de cette mission, le plus souvent Florentin.
Mais le nombre des attaques ayant considérablement augmenté, Kling n’est plus en mesure d’assurer toutes les enquêtes sur le front. De ce fait, le personnel est augmenté cependant que le rôle des centres médicolégaux est élargi, comme nous le verrons plus loin. Par ailleurs, Kling demande à ce que lui soit envoyé du front, après une attaque supposée ou effective, tout objet pouvant le renseigner sur la nature des produits toxiques employés, ainsi que sur ses moyens de protection individuels. Le 13 septembre 1915, une note du G.Q.G. autorise même les commandants d’armée à verser une récompense aux hommes qui découvrent des projectiles spéciaux ou des débris de ces projectiles ! Pour l’étude des gaz contenus dans les vagues allemandes, Kling met au point fin 1915, des appareils de prélèvement et de détection qui sont placés en première ligne dans les secteurs susceptibles de subir des attaques. Durant toute la guerre, plus de 1200 obus et autres engins à gaz sont examinés au Laboratoire municipal de Paris. Dès l’analyse terminée et si le contenu de l’engin présente un caractère nouveau, il est divisé en six échantillons dont un est conservé au Laboratoire municipal. Les cinq autres sont envoyés dans différents laboratoires de l’I.E.E.C. :
- Au laboratoire du professeur grignard pour une analyse chimique de contrôle. Cette tâche lui est confiée le 4 janvier 1916 par le ministre de la guerre, le général galliéni, sur l’initiative du professeur moureu. Cette seconde analyse a surtout pour but la détermination des impuretés contenues dans le produit toxique, afin d’en déterminer le procédé de fabrication. Le professeur urbain assure la direction par intérim de cet important service d’août 1917 à février 1918.
- Au laboratoire du professeur Lebeau pour vérifier la protection conférée par les appareils français existants contre ce produit.
- Au laboratoire du professeur Desgrez pour les questions de protection collective.
- Au laboratoire du professeur Mayer pour l’étude des effets physiologiques.
- Au laboratoire du professeur Achard, pour la recherche de la thérapeutique à employer.
Chaque directeur de laboratoire rédige ensuite un rapport qu’il envoie à l’I.E.E.C. Dans certains cas, aucun projectile non éclaté n’est découvert et, dans le cas des vagues, il arrive que l’appareil de détection ne fonctionne pas. La nature des gaz employés par l’ennemi se déduit donc de l’analyse d’indices trouvés sur le terrain comme des objets métalliques corrodés par le chlore, des échantillons de terre ou des animaux morts, de la symptomatologie présentée par les intoxiqués, des lésions trouvées à l’autopsie des hommes intoxiqués mortellement, et de l’analyse toxicologique de leurs viscères. Cette organisation permet de faire connaître en quelques jours au G.Q.G. la nature des produits employés par l’ennemi et la tactique utilisée pour leur emploi. Kling rédige également des rapports qu’il envoie au général Ozil et au directeur de l’I.E.E.C. Ceci permet de réagir rapidement et de prendre les mesures nécessaires à temps. Moureu affirmait après la guerre : Cette division du travail donna les meilleurs résultats. C’est ainsi, notamment, qu’en six jours on connut la nature de l’ypérite et les moyens chimiques à mettre en oeuvre pour lutter contre ce terrible produit. Outre les toxiques employés par les Allemands, leurs appareils de protection trouvés sur le champ de bataille après une attaque ou pris sur des soldats faits prisonniers sont également soigneusement étudiés : les masques au laboratoire du professeur Lebeau, et les appareils respiratoires par le docteur Banzet. Après cette description de l’organisation des services chimiques français et la place importante des pharmaciens parmi leur personnel scientifique, nous allons envisager plus en détail le rôle fondamental qu’ils ont eu à jouer pour la défense de la France, tant dans les laboratoires de l’armée qu’en première ligne sous le feu de l’ennemi.
Quand éclate le Premier conflit mondial, ils sont deux laboratoire de pointe, dépendant de la Préfecture de police du département de la Seine. Le premier, dirigé par Kling, va devenir un maillon essentiel des recherche sur les gaz de combat. Dès avril 1915, le G.Q.G. va le charger des enquêtes sur la nature des toxiques utilisés par l'ennemi au cours des attaques chimiques. Le second est dirigé par Kohn-Abrest qui est également un membre de la Commission des Etudes chimiques de guerre. Son rôle est moins évident mais il intervient de façon déterminante dans de nombreuses recherches sur les propriétés physiologiques des agressifs chimiques, mais également dans le contrôle et l'efficacité des divers substances protectrices utilisées dans les appareils de protection.
André Kling, directeur du Laboratoire Municipal de la ville de Paris
Emile Kohn-Abrest, membre de la Commission consultative des Etudes chimiques de guerre, chef du Laboratoire de Toxicologie de Paris.
La laboratoire Municipal de Paris est créé en 1878 par le Conseil Municipal, pour lutter contre la falsification des vins et assurer la protection de la santé publique par la surveillance des denrées alimentaires. Il est rattaché à la Préfecture de police et rapidement secondé par un laboratoire de chimie. Le Laboratoire permet ainsi aux commerçants de faire analyser les denrées alimentaires et les boissons, moyennant un tarif dressé par l'administration et approuvé par le Conseil municipal. Son organisation et sa direction sont confiées à sa création à M. Ch. Girard. Le dépistage des fraudes alimentaires devient rapidement une des activités principales et nécessite de créer des méthodes d'analyse chimiques, qualitatives et quantitatives. La loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes et des falsifications marque un premier tournant dans la police des marchés de denrées et de biens de consommation courante en déléguant à l’administration un pouvoir réglementaire. Elle fait de la répression des fraudes un service d'État. Ainsi, le rôle de conseil technique des administrations de la Ville et du public devient prépondérant pour le Laboratoire. Il devient un organisme chargé de renseigner, au point de vue technique, les Administrations de la Ville et du département de la Seine et de contrôler l'exécution des prescriptions préfectorales relatives aux questions d'ordre chimique, physique ou bactériologique intéressant l'hygiène, la santé et la sécurité publiques. M. Ch. Girard exerçe ses fonctions jusqu'en 1911, puis est remplacé à son départ à la retraite par M. Kling, docteur ès sciences physiques. Comme conseil, il est appelé à donner ses avis, soit à propos des prescriptions d'ordre technique à introduire dans les ordonnances de police, soit à l'occasion des modifications ou créations de matériels spéciaux demandés par les Services de la Préfecture de police, ainsi que pour l'analyse des fournitures faites à ces Services. C'est ainsi qu'il intervient en 1912 dans l'étude puis l'adoption des premiers engins suffocants chargés en éther bromacétique. Il effectue également les études expérimentales propres à renseigner le Conseil d'hygiène du département de la Seine sur les questions d'ordre technique qui lui sont posées (poussières du Métropolitain, conditions de fonctionnement des fosses septiques, conditions de stabilité du celluloïd, etc.). Il intervient aussi d'urgence, à l'occasion d'accidents tels qu'explosions, incendies d'usines ou de dépôts de produits chimiques ou dangereux, pour indiquer les précautions à prendre. Cette singularité dans la connaissance des matières explosives l'amène à être chargé des reconnaissances, enlèvements, analyses et destructions des engins explosifs déposés sur la voie publique ou chez des particuliers et, pour cette fonction, son rôle de conseil se double de celui d'un agent d'exécution. Son directeur est par ailleurs spécialisé dans la reconnaissance et l'analyse des explosifs. C'est la raison pour laquelle une mission d'enquête et d'analyse des munitions ennemies va lui être confiée pendant la Première guerre.
André Kling est chargé, après le 22 avril 1915, de centraliser les documents venant du front, puis des enquêtes sur le front et enfin de l'organisation des centres médico-légaux. En août 1915, il synthétise dans son laboratoire le chloroformiate de méthyl qui porte le nom de code de Palite (pour municiPAL). En novembre 1915, il débute des essais systématiques sur l'action des toxiques allemands sur des animaux. Avec l'aide de Marc Tiffeneau (pharmacien de médecin des hopitaux de Paris) et de J-L Chelle (pharmacien et docteur en médecine, professeur de chimie biologique et médicale à la Faculté mixte de médecine et pharmacie de Bordeaux), ils mettent au point une réaction permettant d'identifier des produits de dégradation de la Palite dans les viscères des intoxiqués, puis dans leurs organes et leurs sécrétions et enfin dans la terre. Il parviennent à démontrer que l'asphyxie au chlore peut être décelée par le bleuissement d'un papier à l'iodure de potassium amidonné introduit dans les narines et les commissures de lèvres des victimes. Ils parviennent à élaborer quatre réactions pour caractériser le formol, un produit de dégradation de la Palite, à la suite d'essais et d'expériences sur des animaux et lors d'expertises médico-légales.
Laboratoire Municipal de Paris.
Laboratoire Municipal de Paris, salle de dosage des gaz.
Laboratoire Municipal de Paris, laboratoire du directeur.
Né à Lille le 26 mai 1872. Issu d'une ancienne famille alsacienne de Sélestat, arrière petit-fils de Schwilgué, constructeur de la célèbre horloge astronomique de la cathédrale de Strasbourg. Il fit ses études à Paris, puis de1891 à 1893, à l'Ecole de physique et de chimie de la ville de Paris. Il obtient une licence de sciences en 1894 et devient préparateur d'analyse chimique à la faculté des sciences (1895-97), puis chef des travaux pratiques d'analyse chimique à l'Ecole de physique et de chimie (1899-1911) en même temps que professeur à l'Institut commercial (1897-1907). En 1905, il obtient son doctorat ès sciences et est désigné comme expert chimiste auprès du tribunal de la Seine. En 1911, il est nommé Directeur du laboratoire municipal de la ville de Paris. En 1915, il est chargé des études au front sur les armes chimiques ennemies, puis de l'organisation et de la direction des centres médicaux-légaux du front. Il rédige de très nombreux rapports sur les armes chimiques ennemies, les engins explosifs et incendiaires ennemis.
Après guerre, il dirige le service des explosifs et préside la commission de la protection contre les gaz des populations passives. Il est officier de la Légion d'honneur. Il décède le 8 août 1947 à Paris.
Le laboratoire de toxicologie de la Ville de Paris, créé par le professeur Brouardel (qui créa également l'Institut médico-légal en tant que président du Comité consultatif d'Hygiène publique. Brouardel est également docteur en médecine, médecin des hôpitaux, professeur de médecine légale, membre de l'Académie de médecine et de l'Académie des sciences, doyen de la faculté de médecine de Paris). Le laboratoire est ensuite dirigé par Jules Ogier à partir de 1906 (docteur ès sciences, chimiste). Emile Kohn-Abrest, préparateur au laboratoire depuis 1903, en devient à son tour le directeur en 1913. Il est considéré comme une des grandes figures de la toxicologie. Dès le 1er juin 1915, le laboratoire établit une Notice Toxicologique sur les gaz asphyxiants, puis établis une méthode expérimentale pour l'essai des substances employés contre les gaz de combat. Les premiers et nombreux essais chimiques systématiques permettent de définir les substances les plus pertinentes pour les appareils protecteurs alors à l'étude. Puis, sous l'impulsion du pharmacien Inspecteur de l'armée Wagner et du pharmacien Major de 1er classe Pellerin, Emile Kohn-Abrest prend part à la formation des Chefs des Laboratoires de toxicologie des Armées. La Direction de la Répression des Fraudes le charge également d'étudier la qualité des masques à gaz civils vendus au public. A la fin de l'année 1915, il établit un rapport extrêmement détaillé sur les essais systématiques des moyens chimiques de protection contre les gaz nocifs.
Couverture et extraits du rapport sur les essais systématiques des moyens chimiques préconisés en 1915 comme protection contre les gaz nocifs, décembre 1915. Travail de Emile Kohn-Abrest et de son préparateur Jean Dubief. Grâce à ces travaux, les deux chercheurs ont pu déterminer les substances les plus efficaces dans la protection contre le phosgène, le chlore et l'acide cyanhydrique.Ces résultats permettront de rendre aussi efficace que possible la solution neutralisante des masques français jusqu'en 1917. A noter, l'exemplaire présenté est dédicacé au pharmacien aide Major Douris.
Né à Paris (France) le 9 mars 1880, décédé en 1969. Professeur à l'université de Paris, grand spécialiste en chimie et toxicologie. Il fut diplômé Docteur ès-sciences physiques en 1910 à la Sorbonne et Ingénieur Chimiste en 1901 à l'Université de Nancy. Il commença sa carrière comme aide-préparateur à l'Institut Pasteur (1902), puis Préparateur au Laboratoire de Toxicologie de la Préfecture de Police (1903) et Chef des Travaux Chimiques au Laboratoire de Toxicologie de la Préfecture de Police, également. Il devint ensuite Directeur de ce Laboratoire en 1913. Il dirigera aussi l'Institut Médico-Légal de Paris. Il travailla également comme Toxicologue et Biologiste Expert de la Cour d'Appel de Paris ainsi que comme Professeur de Chimie Toxicologique à l'Institut de Médecine Légale et à l'Institut d'Hygiène de l'Université de Paris (1924). Il fut membre du Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France, de la Société des Chimistes de Sucrerie et de Distillerie, de la Société de Médecine publique, de la Société des Chimistes Experts de France (Vice-Président), de la Société de la Médecine du Travail (Vice-Président), du Conseil de Rédaction des Annales de Falsification, de la Société de Chimie Biologie, de l'Association des Hygiénistes Municipaux et de la Société de Pharmacie et de Chimie de Sao Paulo. Il fut Chevalier et Officier de la Légion d'Honneur, Officier de l'Ordre de la Santé Publique, Chevalier du Mérite Agricole, Officier du Dragon d'Annam, Commandeur de l'Ordre de la Couronne de Roumanie et Officier d'Académie et il fut décoré d'une Croix du Combattant.
La France réalisa très rapidement les perspectives offertes par l'artillerie comme moyen de dissémination de substances toxiques.
voir : généralités sur les munitions chimiques françaises
voir : les substances chimiques chargées en projectiles d'artillerie
Le premier corps dont la synthèse apparut réalisable avec les matières premières dont on disposait, fut proposé par Urbain Il s’agissait du tétrachlorosulfure de carbone, aux propriétés suffocantes. Les études de ce produit furent menées par Bertrand et Delépine, ce qui vaudra aux obus emplis de ce produit de porter l’appellation BD1, des initiales de leurs concepteurs. Les premiers essais d’éclatement des obus de 75 mm BD1, eurent lieu à la fin du mois de juin, au puits d’éclatement de Vincennes.
L'activité des obus BD1 sembla intéressante et fut confirmée par quelques essais d'éclatement d'obus qui parvinrent à intoxiquer mortellement plusieurs lapins. On mis immédiatement en production des munitions de 75mm chargées de chlorosulfure de carbone et de phosphore, ou de chlorosulfure de carbone et de chlorure de titane. La volonté des Autorités françaises était alors de prendre le dessus sur les armées allemandes en utilisant dès que possible des munitions chimiques aux capacités suffocantes et létales. Les premiers tirs réels eurent lieu entre la deuxième semaine de juillet 1915 et jusqu'à la fin de ce mois, lors de plusieurs opérations limités sur le champs de bataille et contre les troupes allemandes. Les résultats furent très décevant et les munitions au chlorosulfure de carbone seul et au chlorosulfure de carbone et phosphore furent retirées. voir : Les munitions chimiques françaises - Les substances utilisées et leur historique, juillet 1915, premiers tirs d'obus chimiques français.
Le 29 juillet, des essais réels furent effectués sur le polygone de tir de Satory avec des munitions chargées de chlorosulfure de carbone et un stabilisateur de nuage toxique, un fumigène. Le mélange était maintenant constitué de sulfure de carbone, de chlorure de soufre, de chlorosulfure de carbone et de tétrachlorure de carbone additionné de chlorure de titane (note confidentiel n°27 du 3 août 1915). Les procédés de synthèse du chlorosulfure de carbone varièrent durant le mois d'août, alors que le remplissage des obus s'effectuait en prévision des offensives de septembre. La note secrète du 13 août précisait l'instabilité du composé et tentait d'instaurer une uniformité dans les produits fournis (pas de substance passant en distillation au dessous de 100°C, ajout de soufre...) qui se révélaient comme extrêmement hétérogènes. Le Chlorure de titane vint parfois à manquer et pouvait être substitué par du chlorure d'étain, sans que l'on sache s'il conservait ses propriétés agressives.
Les chercheurs semblaient, une fois de plus, enthousiastes devant les résultats obtenus, mais négligèrent un aspect essentiel : la persistance du produit (ici pratiquement nulle) associée à sa trop grande dispersion, liée à l’éclatement du projectile.
Les Allemands avaient obtenus des résultats importants en juin, juillet et août 1915 dans leurs offensives en Argonne, grâce à l'appui de munitions chimiques. Joffre espérait jouer du même stratagème.
Les demandes de Joffre se faisant de plus en plus pressantes pour l'obtention d'un stock considérable de munitions chimiques pour septembre, l'aspect de la mise en place d'une doctrine de tir pour pallier à la forte dispersion de la substance chargée passa au second plan. Tout comme la finalisation du mélange exact qui devait emplir les projectiles. L'optimisme du Général en chef était motivé par les résultats des essais effectués sur le polygone de tir de Satory, dont nous donnons ci-dessous un extrait du compte-rendu.
Nous reproduisons également ci-dessous un extrait du rapport de la Commission d'agression en date du 24 août 1915, faisant état des divisions qui régnaient entre chercheurs sur le mélange à effectuer pour le chargement :
Dénué de forte toxicité distribués à la hâte et sans doctrine d'emploi, l’introduction des premiers obus spéciaux français, lors de l’offensive de Champagne en septembre 1915, se traduisit par un échec cuisant. voir : Les munitions chimiques françaises - Les substances utilisées et leur historique.
Choisis pour leur grande toxicité, deux autres corps furent particulièrement étudiés, à partir du mois de juin 1915 : l’acide cyanhydrique et le phosgène. Des essais, menés par Lebeau et Urbain, furent rapidement effectués pour déterminer leur efficacité, et l’on constat ainsi la nécessité d’alourdir leurs vapeurs pour obtenir des atmosphères toxiques. Ces recherches se poursuivirent pour aboutir aux premiers essais réels sur champ de tir, puis aux premières productions en août 1915. Le phosgène fut mélangé à un corps fumigène, le chlorure d’étain, qui l’alourdissait et qui lui évitait de se disperser et de se diluer trop rapidement à l’explosion de l’obus. Ces munitions porteront l’appellation conventionnelle d’obus n°5. Les conditions techniques à réaliser pour obtenir des obus emplis d’acide cyanhydrique efficaces, furent plus difficile à maîtriser. La toxicité de ce produit étant, expérimentalement, très grande, ces recherches furent menées jusqu’au bout par Lebeau. En concentration suffisante, l’acide cyanhydrique était susceptible de provoquer la mort en quelques instants, avant que le masque ne soit mis. C’est seulement en décembre 1915, que Lebeau réussit à la stabiliser suffisamment, en la mélangeant avec du chloroforme et du chlorure d’étain, dans une composition appelée vincennite tertiaires. Les obus emplis de ce produit portèrent l’appellation d’obus n°4. voir : Les munitions chimiques françaises - Les substances utilisées et leur historique
Le gouvernement et les autorités militaires repoussèrent l’utilisation de l’acide cyanhydrique et du phosgène, en raison de leur trop forte toxicité, rejetant leur introduction jusqu’au moment ou l’ennemi ferait usage des mêmes substances ou des substances de toxicité similaire (voir : les substances chimiques chargées en projectiles d'artillerie). Les obus chargés de palite, introduits par les Allemands depuis le 18 juin 1915, avaient pourtant une toxicité assez proche de celle du phosgène, seulement, les chimistes français en prirent conscience bien plus tard (en dehors d'André Kling).
La volonté des autorités militaires était de disposer au plus tôt de projectiles aux capacités foudroyantes. Cela signifiait de mettre en oeuvre des munitions les plus nocives possibles - c'est à dire létales - au mépris de toutes les Conventions internationales existantes. Les militaires avaient parfaitement conscience que le chlore employé par les Allemands à Ypres n'avait qu'une faible toxicité et que les projectiles chimiques qu'ils utilisaient avaient des propriétés lacrymogènes en plus de leurs propriétés toxiques. Aucune Convention n'interdisait l'emploi d'un projectile d'artillerie qui, en plus d'effets brisants, avait des propriétés irritantes et toxiques. Les accords internationaux interdisaient l'usage d'un projectile aux seules capacités toxiques, dont les effets ne seraient prévenus par aucun autre symptôme. La Convention de La Haye de 1899 prohibait l'utilisation de "projectiles dont le seul objectif est de diffuser des gaz asphyxiants ou délétères".
En somme, la doctrine française ne devait pas se laisser guider par des considérations de sentimentalité ou de respect de Conventions, mais uniquement par les résultats attendus s'ils s'avéraient possibles. Ce point est à plusieurs reprises mentionné dans différents rapports, dont nous donnons un extrait ci-dessous :
En réalité, il n'y eut aucune objection à utiliser des substances létales et à violer la Convention de La Haye. Les autorités prirent cependant la précaution de n'utiliser ces substances dans des munitions d'artillerie que quand la capacité de production française fut jugée suffisante pour ne pas avoir à souffrir de représailles allemandes plus importantes. Cet avis est motivé dans un courrier de la Commission du 2 août 1915, approuvé par le Général commandant en chef, que nous reproduisons :
En attendant, la Commission se pencha sur l’utilisation de substances moins toxiques.
Paradoxalement, la France qui avait la première introduit l’usage de substances lacrymogènes, n’envisageât pas immédiatement l’emploi de cette catégorie de toxiques. Il est vrai que la notion de classement des agressifs, en fonction de leurs propriétés physiologiques, n’existait pas, et les lacrymogènes ne paraissaient pas retenir l’attention des chercheurs, étant souvent considérés comme des substances non toxiques, donc inintéressantes. Répondre à l'agression allemande ne semblait s'envisager, dans ces premiers mois de recherche, que par des substances aux propriétés létales.
De nombreux produits, très efficaces, avaient pourtant été proposés avant le 22 avril 1915. Par exemple, au début de la guerre, monsieur Blanc, directeur des laboratoires d’analyses des conserves à l’intendance, avait proposé d’utiliser les dérivés nitrés du chlorure de benzyle. La chloropicrine, une substance suffocante et lacrymogène, avait été étudiée pour le compte de l’armée, de 1906 à 1911, puis ces études avaient été reprises par Bertrand en février 1915. Seulement, l’efficacité de ces produits était alors jugée de façon subjective, en s’attachant essentiellement aux propriétés irritantes qu’ils produisaient. Les autorités militaires souhaitaient bien répondre à l'attaque du 22 avril par une agression au moins aussi meurtrière, et recherchaient des composés mortels.
Cette situation connut alors un net revirement à la fin du mois de juin 1915, lorsque les Allemands se mirent à utiliser massivement ce genre de produits. Les généraux demandèrent alors l’envoi d’obus ‘’suffocants’’ chargés de corps aux propriétés voisines de l’éther bromacétique. On envisageait immédiatement le chargement d’obus avec les deux produits lacrymogènes que l’on utilisait dans les grenades suffocantes : le bromacétate d’éthyle (ou éther bromacétique) et la chloracétone. Seulement, les quantités de ces substances, nécessaires à la production d’un nombre d’obus spéciaux conséquent, étaient bien plus importantes que celles que l’on fabriquait. La France ne disposant pas encore d’approvisionnement en brome et en chlore, il fallait donc trouver autre chose. Les Anglais semblaient obtenir des résultats intéressants avec des dérivés iodés, une alternative aussitôt envisagée du côté français. A la fin du mois d’août, Moureu, secondé par le pharmacien Dufraisse, débutèrent des recherches sur l’iodure de benzyle. Dufraisse fut grièvement intoxiqué lors de ces recherches, et ce corps chimique fut ainsi baptisé fraissite. L’iodacétone fut également étudiée par Kling, Grignard et Bertrand. Ces produits, aux propriétés lacrymogènes puissantes, furent chargés dans des projectiles de tranchée, puis, la fraissite, en obus à la fin de l’année 1916. Il fallut en effet plus d'une année pour réaliser leur synthèse et leur production industrielle et résoudre les problèmes liés à leur chargement en projectile. En raison du prix élevé des dérivés iodés, utilisés également en masse par le Service de santé, leur usage resta relativement restreint. La Fraissite fut rapidement substituée par la bromacétone dans les chargement, en raison de son coût de production bien plus raisonable, et de l'approvisionnement en brome qui devint plus conséquent.
En juillet 1915, toujours à la suite de travaux anglais, l’usage de l’acroléine fut envisagé et étudié par Lepape et Moureu. C’était un lacrymogène très puissant, possédant des propriétés également suffocantes et toxiques. Une forte concentration de ce produit était susceptible de provoquer la mort en une minute. Son action assez fugace permettra son chargement dans toutes les grenades suffocantes françaises à partir de 1916, leur conférant ainsi une redoutable efficacité dans les espaces clos.
En octobre 1915, grâce aux études de Lebeau, on réalisa que le nouveau masque allemand ne protégeait pas contre les substances lacrymogènes, tel que la bromacétone, la bromométhyléthylcétone, le bromure de benzyle, et que la palite traversait également son filtre. La production de ces substances fut donc rapidement envisagée. Les substances lacrymogènes furent étudiées au laboratoire de Moureu. La fabrication de bromure de benzyle et de bromacétone fut au point au début de 1916, mais il faudra attendre que la production de brome soit suffisante pour produire de grandes quantités de ces produits. Le bromure de benzyle étant jugé peu toxique, il fut finalement réservé à la production d’atmosphères toxiques pour l’entraînement des troupes. La bromacétone fut utilisée chargée en obus à la fin de 1916.
La palite et ses dérivés plus chlorés furent étudiées au laboratoire municipal de Kling, mais on préférera finalement l’usage du phosgène, qui présentait plusieurs avantages. Contrairement à la palite, qui nécessitait d’être isolée par une chemise en plomb dans le corps de l’obus, le phosgène pouvait être chargé directement en contact avec l’acier du projectile, et ne nécessitait donc pas la fabrication d’un obus particulier. Le phosgène ayant en plus des propriétés particulièrement insidieuses, il avait l’avantage, avec une toxicité légèrement supérieure à celle de la palite, d’être une substance capable d’intoxiquer un individu sans qu’il s’en aperçoive.
Enfin, à la fin de 1915, les études entamées depuis fort longtemps sur la chloropicrine, furent reprise et rapidement menées à bien ; elle fut chargée en obus dès 1916.
En juillet 1915 fut créé les premiers ateliers de chargement d'obus toxiques : le premier au fort d'Aubervilliers pour les obus toxiques et le second au fort de Vincennes pour les obus lacrymogènes. Moins d'un an plus tard, 31 000 obus toxiques étaient produits chaque jour dans l'atelier d'Aubervilliers.
En août 1915, les autorités militaires décidèrent de suspendre l'utilisation des obus chargés en phosgène jusqu'à l'utilisation de substances agressives jugées aussi toxiques par les Allemands (voir : les substances chimiques chargées en projectiles d'artillerie et documents ci-dessus). Des stocks furent ainsi progressivement constitués à partir de la fin de l'année 1915 et les munitions purent être encore améliorées. L'obus de 75mm n°5 marquait une nette progressions dans l'utilisation des obus chimiques. Il avait un rendement supérieur aux munitions existantes, étaient donc emplis d'un volume de toxique supérieur pour une quantité d'explosif réduite, assurant une dispersion de son toxique dans un volume plus faible pour obtenir une concentration supérieure. Il était ainsi le premier projectile à violer indiscutablement La Convention de La Haye de 1899, qui prohibait l'utilisation de projectile dont le seul but était diffuser des gaz asphyxiants ou délétères, bien que d'autres substances utilisées par les Allemands possédaient des propriétés suffocantes identiques, mais des effets lacrymogènes en plus avec un pouvoir brisant non négligeable.
L'introduction des projectiles français chargés en phosgène est aujourd'hui impossible à dater précisément. Quelques documents laissent à croire que des tirs sur des objectifs limités se sont déroulés avec des munitions chargées de phosgène entre fin novembre et début décembre 1915. Ces informations sont à prendre au conditionnel. Nous n'avons pas réussit à fixer la date exacte d'introduction des obus n°5 chargés en phosgène, mais une offensive chimique menée à l'aide d'obus au phosgène, appuyés par des obus au phosphore n°1 et n°2, est menée le 21 décembre 1915 à l'Hartmannswillerkopf (voir : Artillerie française, Substances).
Il est en effet plus que probable que les archives françaises soient absolument muettes sur cette introduction, en raison de cette violation des conventions internationales dont les autorités avaient parfaitement conscience.
La France réalisa ses premiers essais de production de vague gazeuse dès le 4 mai 1915. De premier abord, la création d’un nuage gazeux de chlore ne paraît pas très complexe ; il suffit d’ouvrir les robinets des cylindres de chlore et d’attendre qu’ils soient entièrement vidangés. Si le sens et la vitesse du vent sont favorables, le nuage se dirige tranquillement vers les lignes ennemies… Les chimistes français réalisèrent rapidement qu’en réalité, la préparation d’une telle opération est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.
Alors qu’au mois de mai 1915, l’émission de la première vague française était prévue pour le mois de septembre, celle-ci ne devait finalement avoir lieu qu’en février 1916 ! Les difficultés à surmonter furent nombreuses, et tout d’abord d’ordre industriel. Les premiers besoins en chlore liquide furent couverts principalement par l’Angleterre, mais dès août 1915, ils se révélèrent nettement insuffisants. Il fut alors nécessaire de développer un programme industriel pour la construction d’usines de chlore liquide, dans un laps de temps le plus court possible. La plus grosse difficulté fut que les principaux spécialistes de ce problème travaillaient outre-Rhin ; personne d'autre que les chimistes allemands ne maîtrisaient cet aspect. Tout restait donc à faire pour la mise sur pied de cette industrie. Les efforts des chimistes et industriels français furent colossaux pour réussir à lancer la production dès avril 1916.
Entre-temps, il fallut résoudre un par un, tous les problèmes techniques liés à la production des vagues gazeuses. Les études furent menées par les capitaines Bied-Charreton et Beccat, auxquels les laboratoires de Delépine, Urbain et Kling participent. La réalisation pratique de la vague fut étudiée en premier. La nature des gaz utilisés et de leurs proportions nécessita de nombreux essais pour être déterminée avec précision, en procédant aux essais de différents mélanges. Les conditions météorologiques les plus favorables furent ensuite fixées, avec la création d’ateliers météorologiques attachés aux équipes d’émission. La procédure d’ouverture des cylindres fut analysée pour déterminer par quel procédé obtenir les concentrations maximales. Enfin, il fallut répertorier les secteurs se prêtant particulièrement géographiquement à ce type d’opérations.
voir : Les vagues gazeuses - Etudes
Pour assurer le maniement des cylindres de gaz et leur mise en place en première ligne, on mis sur pied deux compagnies du génie chargées de ces missions, sous les ordres du commandant de bataillon Winkler. Par la suite, ce fut jusque 9 compagnies du génie qui seront employés pour ce travail demandant beaucoup de sang froid (voir : les vagues françaises). Ces compagnies spéciales furent commandées par un capitaine et composées de trois sections de 125 hommes, soit au total pour une compagnie: 5 officiers, 22 sous-officiers et de 369 sapeurs. Les opérations planifiée pour la fin de l'année 1915 et le début de 1916 furent toutes annulées. La première opération d’émission à lieu finalement dans la nuit du 13 au 14 février 1916, dans le secteur de La Neuville-Le Godat. Elle fut responsable de nombreuses intoxications parmi les hommes des compagnies d’émission, dues à des fuites de gaz et vraisemblablement à une mauvaise adaptation des appareils protecteurs.
Entre-temps, le souhait d’obtenir une percée par l’utilisation des vagues gazeuses semblait s’être évaporé. Les premières opérations chimiques permirent d'appréhender la difficulté à combiner une opération d’émission chimique, fixée à des impératifs d’ordre météorologique très stricts donc difficilement prévisibles, à celle d’une offensive d’infanterie, nécessairement appuyée par une préparation d’artillerie, dont le bon déroulement exigeait une minutie de préparation incompatible aux imprévus météorologiques. Les premières opérations françaises furent d’envergure modeste, sur des secteurs limités, avec un nombre restreint de cylindres de gaz. Elles devinrent nettement plus importantes par la suite, lorsque l’approvisionnement en chlore devenait suffisant. Leurs effets sur les troupes allemandes restent, aujourd’hui encore, très difficile à évaluer.
L’addition de phosgène dans les vagues gazeuses fut décidé le 18 décembre 1915, suite à l’affaire des obus suffocants d’Avocourt. Seulement, la réalisation d’émission de vagues au chlore et au phosgène dut être repoussée, devant les nombreux accidents dont les compagnies Z étaient victimes dans les opérations. Il fallut en effet attendre que le personnel Z ait acquis une expérience suffisante dans le maniement des cylindres, et qu’un appareil protecteur particulièrement efficace, le Tissot grand modèle, soit distribué, pour utiliser un mélange aussi toxique sans risquer la vie du personnel chargé de l’émission.
Au cours de l’année 1916, il semble que des doutes soient apparus au sein des chimistes français, sur l’utilisation du phosgène par les Allemands. A la fin de l’année 1915, un appareil de détection et de prélèvement automatique, mis au point par Kling et Schmutz, fut mis en place sur le front et permettait, en cas d’attaque chimique, de prélever des échantillons de gaz et de caractériser avec certitude et sans ambiguïté, la présence d’oxychlorure de carbone (ou phosgène). La méthode de caractérisation était extrêmement sensible et permettait de doser le phosgène, même mélangé à d’autres gaz, à des concentrations très faibles. Grâce à cet appareil, les concentrations de chlore obtenues dans les vagues allemandes, furent fixées avec précision et d’ailleurs corroboraient les suppositions faites auparavant : ces concentrations avoisinaient les 1,5 g/m3. Jusqu'à la fin de l’année 1916, les appareils Kling ne permirent pas de mettre en évidence la présence de phosgène dans les vagues allemandes. L’introduction par les Français de ce gaz particulièrement toxique dans les vagues fut réalisée en octobre 1916, et coïncidait avec celle de l’utilisation des Allemands, de ce même agressif, dans la majeure partie de leurs vagues gazeuses et dans de nouvelles munitions d’artillerie.
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